Extrait de Les plus grandes entreprises du monde, par Daniel Bellet (1864-1917), auteur du texte, et Will Darvillé (18..-19..), ingénieur.
L'économiste Daniel Bellet a travaillé au ministère des Travaux publics et fut, en parallèle, professeur à l'École libre des sciences politiques, puis à l'École des hautes études commerciales de Paris.
"Partout où l'on possédait de la pierre, que ce fût du calcaire ou du granit, on essayait de la tailler pour en tirer soit des murailles cyclopéennes, soit des temples comme celui dont faisait partie sans doute la pierre de Baalbec, soit ces étranges monuments qui constituent les pyramides d'Égypte.
C'est ici, peut-être plus que partout ailleurs, qu'on a conscience de la force musculaire des armées de travailleurs mises à contribution, et aussi du temps prodigieux qu'il a fallu pour édifier péniblement des monuments qui, il est vrai, ont défié les siècles.
Les fameuses pyramides d'Égypte sont au nombre de neuf, trois qui sont colossales, et six autres beaucoup plus petites. Nous parlons du moins des pyramides les plus célèbres, celles de Gizeh, qui se trouvent comme les autres dans le voisinage de Memphis. Elles faisaient naturellement partie de cette série d'entreprises exceptionnelles que les anciens classaient parmi les merveilles du monde.
La construction en remonte vers 4800 ans avant notre ère. Elles ont été élevées pour servir de tombeaux, ou plus exactement pour recouvrir les chambres funéraires destinées au souverain, et pour mettre complètement à l'abri sa dépouille mortelle. Et à l'intérieur de ces entassements de blocs se trouvent non seulement les chambres funéraires (...), mais encore des séries de corridors et de puits compliqués faits pour dérouter le chercheur. Les entrées de ces corridors étaient jadis complètement masquées par le revêtement de la pyramide. C'est qu'en effet ces constructions bizarres, qui présentent maintenant du haut en bas d'énormes degrés successifs, des sortes de marches, étaient jadis revêtues de pierres polies leur donnant une surface régulière et régulièrement inclinée. Ce sont les Arabes, pendant leurs invasions, qui enlevèrent la plus grande partie de ces revêtements. Il en reste encore en haut de la deuxième pyramide de Gizeh.
Si les manœuvres et les maçons, les ouvriers qui travaillaient par milliers à l'édification de ces monuments, ne pouvaient guère utiliser que leurs bras et quelques outils primitifs, cela n'empêche que ces monuments, parfaitement orientés dans une direction déterminée par ce que nous appellerions maintenant les ingénieurs de la construction, n'aient été bâtis avec le plus grand soin.
Le célèbre écrivain Hérodote a donné des détails sur la construction de la première pyramide, élevée par ordre de Chéops. En les plaçant sur des rouleaux, en les poussant et en les tirant à bras au moyen de câbles sur lesquels s'attelaient des théories d'hommes, on avait amené les énormes pierres destinées à la construction depuis les monts d'Arabie jusqu'au Nil. Là, on les avait chargées sur des bateaux, puis débarquées de l'autre côté du fleuve et traînées à nouveau jusqu'à l'emplacement où devait se faire la construction. Il avait fallu mettre à contribution une véritable armée permanente de 100.000 hommes, que tous les trois mois on renouvelait. Rien que pour construire la chaussée où se faisait le traînage des pierres dans ce pays essentiellement sablonneux, il avait fallu dix années de travail. Et pour élever la pyramide même, on n'avait pas mis moins de vingt ans. On voit que nous avions raison en disant que, dans ces entreprises de jadis, le temps ni la vie des hommes ne comptaient pour rien. (...)
Des blocs colossaux forment un escalier de 200 marches qui ont chacune 70 centimètres de haut. La régularité de ces blocs, leur juxtaposition offrent une précision admirable que certainement nous ne dépasserons pas dans nos travaux modernes. Le haut de la pyramide atteint à 140 mètres au-dessus du sol. Dans son ensemble, elle représente plus de 2 millions 1/2 de mètres cubes de pierre. On a dit que son volume de pierre permettrait de construire tout autour de l'Espagne un petit mur de 1 m. 80 de haut.
La troisième pyramide, qui est considérée comme petite, a 66 mètres de haut, c'est-à-dire à peu près la hauteur des tours de Notre-Dame de Paris. Elle était jadis entièrement recouverte de granit rose, qu'il avait fallu aller chercher jusque dans les environs d'Assouan, près de cet immense barrage que l'on a construit récemment (...). Le transport de ces blocs de granit avait dû se faire sur une distance de 900 kilomètres, ce qui n'est rien pour nous, parce que nous possédons les voies ferrées, mais qui était formidable avec les moyens de transport dont on disposait alors."
L'économiste Daniel Bellet a travaillé au ministère des Travaux publics et fut, en parallèle, professeur à l'École libre des sciences politiques, puis à l'École des hautes études commerciales de Paris.
photo datée de 1900 - auteur non mentionné |
C'est ici, peut-être plus que partout ailleurs, qu'on a conscience de la force musculaire des armées de travailleurs mises à contribution, et aussi du temps prodigieux qu'il a fallu pour édifier péniblement des monuments qui, il est vrai, ont défié les siècles.
Les fameuses pyramides d'Égypte sont au nombre de neuf, trois qui sont colossales, et six autres beaucoup plus petites. Nous parlons du moins des pyramides les plus célèbres, celles de Gizeh, qui se trouvent comme les autres dans le voisinage de Memphis. Elles faisaient naturellement partie de cette série d'entreprises exceptionnelles que les anciens classaient parmi les merveilles du monde.
La construction en remonte vers 4800 ans avant notre ère. Elles ont été élevées pour servir de tombeaux, ou plus exactement pour recouvrir les chambres funéraires destinées au souverain, et pour mettre complètement à l'abri sa dépouille mortelle. Et à l'intérieur de ces entassements de blocs se trouvent non seulement les chambres funéraires (...), mais encore des séries de corridors et de puits compliqués faits pour dérouter le chercheur. Les entrées de ces corridors étaient jadis complètement masquées par le revêtement de la pyramide. C'est qu'en effet ces constructions bizarres, qui présentent maintenant du haut en bas d'énormes degrés successifs, des sortes de marches, étaient jadis revêtues de pierres polies leur donnant une surface régulière et régulièrement inclinée. Ce sont les Arabes, pendant leurs invasions, qui enlevèrent la plus grande partie de ces revêtements. Il en reste encore en haut de la deuxième pyramide de Gizeh.
Si les manœuvres et les maçons, les ouvriers qui travaillaient par milliers à l'édification de ces monuments, ne pouvaient guère utiliser que leurs bras et quelques outils primitifs, cela n'empêche que ces monuments, parfaitement orientés dans une direction déterminée par ce que nous appellerions maintenant les ingénieurs de la construction, n'aient été bâtis avec le plus grand soin.
Le célèbre écrivain Hérodote a donné des détails sur la construction de la première pyramide, élevée par ordre de Chéops. En les plaçant sur des rouleaux, en les poussant et en les tirant à bras au moyen de câbles sur lesquels s'attelaient des théories d'hommes, on avait amené les énormes pierres destinées à la construction depuis les monts d'Arabie jusqu'au Nil. Là, on les avait chargées sur des bateaux, puis débarquées de l'autre côté du fleuve et traînées à nouveau jusqu'à l'emplacement où devait se faire la construction. Il avait fallu mettre à contribution une véritable armée permanente de 100.000 hommes, que tous les trois mois on renouvelait. Rien que pour construire la chaussée où se faisait le traînage des pierres dans ce pays essentiellement sablonneux, il avait fallu dix années de travail. Et pour élever la pyramide même, on n'avait pas mis moins de vingt ans. On voit que nous avions raison en disant que, dans ces entreprises de jadis, le temps ni la vie des hommes ne comptaient pour rien. (...)
Des blocs colossaux forment un escalier de 200 marches qui ont chacune 70 centimètres de haut. La régularité de ces blocs, leur juxtaposition offrent une précision admirable que certainement nous ne dépasserons pas dans nos travaux modernes. Le haut de la pyramide atteint à 140 mètres au-dessus du sol. Dans son ensemble, elle représente plus de 2 millions 1/2 de mètres cubes de pierre. On a dit que son volume de pierre permettrait de construire tout autour de l'Espagne un petit mur de 1 m. 80 de haut.
La troisième pyramide, qui est considérée comme petite, a 66 mètres de haut, c'est-à-dire à peu près la hauteur des tours de Notre-Dame de Paris. Elle était jadis entièrement recouverte de granit rose, qu'il avait fallu aller chercher jusque dans les environs d'Assouan, près de cet immense barrage que l'on a construit récemment (...). Le transport de ces blocs de granit avait dû se faire sur une distance de 900 kilomètres, ce qui n'est rien pour nous, parce que nous possédons les voies ferrées, mais qui était formidable avec les moyens de transport dont on disposait alors."