Extraits de Voyage en Orient, 1862-1863, par Léon Franciscus Verhaeghe de Naeyer (1839-1906), avocat et diplomate.
"L'impression que j'éprouvai à l'aspect de ces grands monuments n'est presque plus de l'admiration. Il y a là un problème qui confond notre pensée ; l'étrangeté d'une pareille conception, voilà ce qui frappe : l'art, le génie de l'homme y semblent étrangers : on dirait l'œuvre des dieux antiques et mystérieux de la vieille Égypte, ou de ces djinns arabes qui remplissent les légendes musulmanes. Ce sont tout simplement des tombeaux, œuvre insensée de rois tout-puissants. Tous les peuples anciens ont aimé à consacrer le souvenir de leurs morts illustres par ces vastes amoncellements de pierres ou de terre. Les pyramides de l'Égypte, ce sont les tumulus de l'Europe et de l'Asie, les monuments funèbres d'un vieux peuple disparu. Seulement le génie égyptien s'y retrouve avec sa force, sa persévérance, son originalité, et tous les caractères d'une civilisation déjà fort avancée au sein des âges primitifs. (...)
La plate-forme de la grande pyramide est à 146 mètres au dessus du niveau de sa base. Un cri d'admiration m'échappa, mais avant de pouvoir jeter un regard sur l'incomparable panorama qui s'offrait à ma vue, j'eus affaire à mes six Bédouins. Ils veulent être payés à chaque sensation : je tirai ma bourse, et leur témoignai ma satisfaction d'être arrivé si haut sans encombre : impression sincèrement ressentie, car la montée m'avait paru un siècle d'angoisse, et je ne songeais qu'avec horreur à la nécessité de la descente. (...)
Redescendu au pied de la grande pyramide, du côté du nord, je pénétrai dans l'intérieur. L'entrée du corridor étroit et escarpé qui mène aux chambres sépulcrales est bien faite pour arrêter sur le seuil les profanateurs. Ce n'est pas sans une sorte d'horreur secrète que je m'avance par ce chemin, au milieu du cortège bruyant de mes guides bédouins.
Le corridor, par une montée rapide et presque impraticable, arrive à la chambre supérieure : une descente non moins périlleuse conduit aux chambres et aux puits cachés dans la partie inférieure, mais je ne m'y suis pas aventuré : des éboulements en ont rendu l'exploration difficile. On ne peut s'empêcher d'admirer la belle construction d'un si prodigieux monument, le choix des matériaux, la perfection de l'appareillage, tandis que d'autre part, tout y témoigne l'enfance de l'art et les tâtonnements d'une civilisation naissante.
Je me suis arrêté dans la Chambre du Roi, où l'on trouve un grand sarcophage, demeuré là comme une énigme. Il est brisé et vide depuis longtemps. (...)
Un corridor voisin, qui s'embranche dans le premier, conduit à la Chambre de la Reine, située au dessous. Celle-ci est demeurée vide. C'est tout ce qu'un simple touriste peut voir dans l'intérieur de la pyramide de Khéops. Des passages dangereux, des puits profonds, encombrés de pierres gigantesques, descendent vers des abîmes rarement sondés. Belzoni, l'intrépide et intéressant voyageur des premières années du siècle, a ouvert et examiné la deuxième pyramide, celle de Képhren : ce n'était pas un mince succès : on pourra voir qu'il lui coûta de la peine. Les voyages de Belzoni, après tant d'autres, n'ont pas perdu leur intérêt : ils montrent ce qu'était en Égypte, il y a cinquante ans, le métier d'archéologue, devenu si facile : aujourd'hui que les touristes, que des femmes même, vont en troupe, chaque année, pousser leurs parties de plaisir jusqu'aux temples d'Abou-Simbel, il est bon de rappeler au prix de quelles fatigues et de quels dangers Belzoni rendit à la lumière les merveilles de la Nubie. (...)
À côté des trois grandes pyramides, il en est d'autres, de différentes dimensions, et dont l'histoire est plus obscure. Ces monuments inférieurs, semblables aux premiers dans de moindres proportions, semblent tout naturellement avoir reçu la même destination : c'est une preuve encore que les pyramides ne sont autre chose que des tombes : autour des principales, érigées pour des rois puissants, les autres se groupent comme une famille."
1872 - Dicoveries in the Great Egyptian Pyramid by Horace Harral |
"L'impression que j'éprouvai à l'aspect de ces grands monuments n'est presque plus de l'admiration. Il y a là un problème qui confond notre pensée ; l'étrangeté d'une pareille conception, voilà ce qui frappe : l'art, le génie de l'homme y semblent étrangers : on dirait l'œuvre des dieux antiques et mystérieux de la vieille Égypte, ou de ces djinns arabes qui remplissent les légendes musulmanes. Ce sont tout simplement des tombeaux, œuvre insensée de rois tout-puissants. Tous les peuples anciens ont aimé à consacrer le souvenir de leurs morts illustres par ces vastes amoncellements de pierres ou de terre. Les pyramides de l'Égypte, ce sont les tumulus de l'Europe et de l'Asie, les monuments funèbres d'un vieux peuple disparu. Seulement le génie égyptien s'y retrouve avec sa force, sa persévérance, son originalité, et tous les caractères d'une civilisation déjà fort avancée au sein des âges primitifs. (...)
La plate-forme de la grande pyramide est à 146 mètres au dessus du niveau de sa base. Un cri d'admiration m'échappa, mais avant de pouvoir jeter un regard sur l'incomparable panorama qui s'offrait à ma vue, j'eus affaire à mes six Bédouins. Ils veulent être payés à chaque sensation : je tirai ma bourse, et leur témoignai ma satisfaction d'être arrivé si haut sans encombre : impression sincèrement ressentie, car la montée m'avait paru un siècle d'angoisse, et je ne songeais qu'avec horreur à la nécessité de la descente. (...)
Redescendu au pied de la grande pyramide, du côté du nord, je pénétrai dans l'intérieur. L'entrée du corridor étroit et escarpé qui mène aux chambres sépulcrales est bien faite pour arrêter sur le seuil les profanateurs. Ce n'est pas sans une sorte d'horreur secrète que je m'avance par ce chemin, au milieu du cortège bruyant de mes guides bédouins.
Le corridor, par une montée rapide et presque impraticable, arrive à la chambre supérieure : une descente non moins périlleuse conduit aux chambres et aux puits cachés dans la partie inférieure, mais je ne m'y suis pas aventuré : des éboulements en ont rendu l'exploration difficile. On ne peut s'empêcher d'admirer la belle construction d'un si prodigieux monument, le choix des matériaux, la perfection de l'appareillage, tandis que d'autre part, tout y témoigne l'enfance de l'art et les tâtonnements d'une civilisation naissante.
Je me suis arrêté dans la Chambre du Roi, où l'on trouve un grand sarcophage, demeuré là comme une énigme. Il est brisé et vide depuis longtemps. (...)
Un corridor voisin, qui s'embranche dans le premier, conduit à la Chambre de la Reine, située au dessous. Celle-ci est demeurée vide. C'est tout ce qu'un simple touriste peut voir dans l'intérieur de la pyramide de Khéops. Des passages dangereux, des puits profonds, encombrés de pierres gigantesques, descendent vers des abîmes rarement sondés. Belzoni, l'intrépide et intéressant voyageur des premières années du siècle, a ouvert et examiné la deuxième pyramide, celle de Képhren : ce n'était pas un mince succès : on pourra voir qu'il lui coûta de la peine. Les voyages de Belzoni, après tant d'autres, n'ont pas perdu leur intérêt : ils montrent ce qu'était en Égypte, il y a cinquante ans, le métier d'archéologue, devenu si facile : aujourd'hui que les touristes, que des femmes même, vont en troupe, chaque année, pousser leurs parties de plaisir jusqu'aux temples d'Abou-Simbel, il est bon de rappeler au prix de quelles fatigues et de quels dangers Belzoni rendit à la lumière les merveilles de la Nubie. (...)
À côté des trois grandes pyramides, il en est d'autres, de différentes dimensions, et dont l'histoire est plus obscure. Ces monuments inférieurs, semblables aux premiers dans de moindres proportions, semblent tout naturellement avoir reçu la même destination : c'est une preuve encore que les pyramides ne sont autre chose que des tombes : autour des principales, érigées pour des rois puissants, les autres se groupent comme une famille."