vendredi 30 octobre 2009

"L'Égypte vue du ciel"

Les veinards ! Et dire que certains ont la chance de survoler les sites les plus prestigieux de l'Égypte ! Mais tout se mérite sans doute...
Toujours est-il que pour la réalisation de cet ouvrage (*) le photographe Philip Plisson a pu obtenir le précieux sésame, malgré les tergiversations auxquelles on est inévitablement affronté dès lors que l'on a affaire à l'administration égyptienne. Et le résultat est "à la hauteur" (qu'on me pardonne ce jeu de mots trop facile !) de nos attentes : du grand art ! Il est vrai que le "sujet" s'y prêtait, mais encore fallait-il donner une vie, une âme à des clichés présentant des sites, des monuments archiconnus pour la plupart.
En hélicoptère ou en ballon dirigeable, Philip Plisson nous emmène ainsi à la redécouverte d'Alexandrie et de toute la vallée du Nil, jusqu'à Abou Simbel, englobant dans l'itinéraire Le Caire, Memphis, Le Fayoum, Louxor, Karnak, Thèbes, Assouan... Certains sites, habituellement oubliés des circuits touristiques "classiques", y figurent également : Kalabcha, Ouadi Es-Sébouah, temple de Derr... Somptueuses, les photos sont présentées en pleine page et souvent même en double page. Sachant capter le bon moment où les ombres prennent quelque relief sous la lumière crue ou légèrement ouatée, si spécifique à la vallée du Nil, dans un environnement où les sables du désert tout proche imposent leurs teintes dominantes, le photographe a su tout particulièrement capter les caractéristiques architecturales des monuments pour les illustrer sous un angle habituellement inaccessible.
Quant au texte, confié à la plume experte de Christian Jacq, il vient non seulement en accompagnement des photos, suffisamment éloquentes par elles-mêmes, mais en complément. L'auteur, "un homme qui a tant fait pour l'égyptologie" selon l'appréciation de Zahi Hawass, rappelle et développe, avec les talents de conteur qu'on lui sait, les grandes lignes de l'histoire et de la civilisation pharaoniques.
Étant donné le thème majeur de ce blog, on comprendra que nous nous attardions quelque peu sur ce qu'il écrit du site, à la "majesté inégalable", des pyramides de Guizeh. Après avoir épinglé au passage notre cher Hérodote qui reprenait, semble-t-il, à son compte de simples "ragots", il écrit, à propos des hypothèses et théories émises sur la construction des pyramides :"De nombreuses théories ont été avancées, mais aucune ne résolvait l'ensemble des problèmes techniques. (...) Il aura fallu attendre le début du troisième millénaire pour qu'un architecte, Jean-Pierre Houdin, tombé amoureux de la pyramide de Khéops au point de lui consacrer dix années de recherches, nous procure une solution satisfaisante. La grande Pyramide, pourrait-on dire, n'a pas été construite de l'extérieur, mais de l'intérieur, grâce à une rampe interne, une galerie de service en spirale avec des espaces ouverts aux angles de l'édifice. Une seule difficulté : Houdin n'appartient pas au sérail et son exposé froisse nombre de susceptibilités. En dépit d'une démonstration effectuée à l'aide de la 3D numérique, sa découverte peinera à franchir les cercles académiques qui n'en reconnaissent le bien-fondé qu'en privé." (op.cit. p.104)
Ce raccourci nécessiterait quelques compléments (Jean-Pierre Houdin ne fait pas appel uniquement à une rampe interne : une rampe externe fait aussi partie de son arsenal technique). Il n'empêche que le choix de Christian Jacq est explicite. Quant à savoir si la théorie en question réussira ou non à "franchir les cercles académiques", c'est une autre question dont la solution est actuellement, il est vrai, sous le coup du célèbre "Bokra in châ Allâh !" ("Demain si Dieu le veut") des Égyptiens, avec sa version à la fois moins fataliste, mais sans doute plus réaliste : "Bokra fî l-mechmech !" ("'Demain dans l'abricotier", autrement dit :"Quand les poules auront des dents !")...
On notera par ailleurs l'interprétation que l'auteur donne des fonctions des trois chambres de la Grande Pyramide : la première, souterraine, est le domaine d'Osiris ; le seconde "évoque la résurrection solaire de Pharaon, participant à la lumière créatrice" ; la troisième, chambre du roi, est "l'ultime sanctuaire, lieu de la résurrection stellaire de Pharaon". Affirmer tout de go que les pyramides sont de simples tombeaux relève donc d'une "erreur d'interprétation" et d'une "mauvaise compréhension de la pensée des anciens Égyptiens" : elles sont des "demeures d"éternité".
Un détail enfin : dans son introduction à l'ouvrage, l'incontournable Zahi Hawass fait l'éloge, assurément mérité, de la qualité et de l'utilité de ce superbe album. Il en profite également pour souligner, avec les accents auto-promotionnels qu'on lui connaît, son rôle personnel et ses réalisations tous azimuts au service des antiquités égyptiennes. Au passage, il rappelle les campagnes d'exploration des "soi-disant puits d'aérage" de la pyramide de Khéops. Puis de livrer cette annonce dont on comprendra l'importance et l'actualité :"En cette année 2009, nous avons enfin pris notre décision, et allons sous peu reprendre les investigations sur ce qui se cache derrière [les] énigmatiques portes de pierre [des conduits]." (op.cit. p.17)
Cet imposant ouvrage sera, certes, difficile à emporter dans ses bagages lors d'un circuit touristique en Égypte, suivant l'itinéraire proposé par Philip Plisson. Il n'en représente pas moins un excellent "guide" que l'on consultera avant ou/et après un périple, non pas par la voie des airs, mais au rythme des "terriens" ou en se laissant porter par les eaux du "fleuve en majesté".
Bref, voici bien une bien belle idée de cadeau à (se faire) offrir !
(*) coédition La Martinière/XO éditions, 2009, 336 pages

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