mardi 13 octobre 2009

Les deux sarcophages de la Grande Pyramide, selon Edrisi (XIIe ou XIIIe s)

sarcophage de la Chambre du Roi
Je me méfie des traductions par ricochets. Mais, faute de mieux (impossible de trouver un texte original que mes réminiscences en arabe littéraire m'auraient peut-être permis de traduire), je me retourne vers la version anglaise d'un texte essentiel d'Edrisi, extrait de son Histoire des pyramides. Dans cet ouvrage écrit au XIIe siècle (1), l'auteur donne les détails suivants de son observation directe de l'intérieur de la Grande Pyramide (2):

Extract from Shereef Djemal eddyn Aboo Djafar Mohamed Edrysy's " History of the Pyramids" written in 623 A.h.t
Referring to what Aboo Zeyd Al Balkhi, the author of a geographical treatise, Aboo e' Szalt, and others relate of the passages by which one ascends in the interior of the Pyramid towards the top, and of the passages that descend down to its lowest recesses, we shall relate here that we ourselves entered into the Great Pyramid, and entered into the cubic chamber, in which the decayed and rotten stuff was found. The way to this chamber from the aperture, that was opened by Mamoon, is as follows :— "He, that enters the Pyramid, continues in it for about twenty draas (3); in some places in an upright, in others in a bent posture. Daylight shines upon him until he turns walking upright to his left hand, where he finds a sloping alley, which he ascends to the distance of a man's length, without meeting with any level step. Below this alley is a pit, said to be a well formed here, the opening of which admits a feeble light. A slender person only can enter into it. The learned Noor Eddyn-Al-Tabary has informed me that he crept into it upon his stomach to the distance of less than a man's length, and then walked in it upright upon his legs about twenty draas, after which he reached the exterior of the Pyramid, at a place elevated above the breach practised on the north side, right in front of him who enters. To return now to the description of the alley. It is ascended until a door is reached near a block of stone, by which one ascends towards another sloping alley. To the right of him, who ascends, is a well situated between the two alleys and the just-mentioned door, but below the second alley. By this door (or opening), a square room is entered with an empty vessel in it. On the roof of the room are writings in the most antient characters of the heathen priests. Returning from hence to the place, through which one enters, the second alley is ascended. On both sides of it are blocks of stone, in which cavities have been cut out with axes to facilitate the ascent. They are about one draa distant from each other. Another square room is then finally reached, in which is a hole, which appears to have been excavated there. An empty vessel is seen here similar to the former. Youssef Al Baba e' Sherr Abou Derr has told me, that, in company with Kalyan the Persian, he entered into some of the descending passages of the Pyramid, which led them to a place, from whence they found no way to proceed."

Voici la traduction que je propose de l'essentiel de ce texte :

"Nous relaterons ici que nous sommes entrés nous-mêmes à l'intérieur de la Grande Pyramide, ainsi que dans la chambre cubique, dans laquelle un morceau d'étoffe décomposée et pourrie a été trouvé. La voie vers cette chambre, à partir de l'entrée qui fut ouverte par al-Ma'moun, est comme suit : Une fois pénétré dans la pyramide, on continue sur une distance d'environ vingt draas (3) ; à certains endroits, on peut se tenir debout ; en d'autres, il faut se courber. On est éclairé par la lumière du jour jusqu'à ce que l'on tourne sur la gauche [à la jonction des couloirs ascendant et descendant] (4), où l'on trouve un couloir incliné que l'on monte sur une distance égale à la taille d'un homme sans rencontrer aucune marche. Sous ce couloir se trouve un creux, que l'on dit être un puits creusé là, dont l'ouverture ne reçoit qu'une faible lumière. Seule une personne mince peut y pénétrer. L'érudit Nûr al-Dîn al-Tabarî m'a informé qu'il s'y était glissé jusqu'à la hauteur de l'estomac, autrement dit sur une distance inférieure à la taille d'un homme, puis qu'il y avait marché, debout sur ses jambes, sur une distance d'environ vingt draas [la partie supérieure du couloir descendant], après quoi il atteignit l'extérieur de la pyramide, à un endroit élevé au-dessus de la brèche pratiquée sur la face nord (...).
Pour revenir maintenant à la description du couloir [ascendant], il monte jusqu'à ce qu'une porte soit atteinte [le passage vers la Chambre de la Reine] près d'un bloc de pierre [la marche à la base de la Grande Galerie], par laquelle on monte vers un autre couloir incliné. À la droite lorsque l'on monte, on trouve un puits situé entre deux couloirs et la porte que je viens de mentionner, mais sous le second couloir. Par cette porte (ou entrée), on pénètre dans une chambre [la Chambre de la Reine] où se trouve un sarcophage ("vessel") vide. Au plafond de la chambre, il y a des textes écrits avec les plus anciens caractères des prêtres païens.
En retournant de là vers l'endroit où l'on entre, on trouve le second couloir ascendant [la Grande Galerie]. Sur ses deux côtés, il y a des blocs de pierre dans lesquels des trous ont été creusés au pic pour faciliter la montée : ils sont distants l'un de l'autre d'environ un draa.
Finalement, on atteint une autre chambre carrée [la Chambre du Roi], dans laquelle il y a un trou qui semble avoir été creusé là. On y voit un sarcophage vide, semblable à celui de la chambre précédente.
Youssouf Al Baba al-Shaykh Abou Derr m'a dit qu'en compagnie de Kalyan le Perse, il est entré dans l'un des passages descendants de la pyramide qui les conduisit à un endroit [la chambre souterraine] d'où ils ne trouvèrent aucune issue."


(1) ou, selon Jean-Louis Burckhardt, en 623 de l'an musulman, soit en l'an 1227 du calendrier grégorien
(2) texte traduit par Jean-Louis Burckardt, reproduit en annexe de l'ouvrage de Richard Howard Vyse, Operations Carried Out on the Pyramids of Gizeh, Vol. II.
(3) comment comprendre ce terme ? Selon Jean-Pierre Houdin, 1 draa = 1 orgye, soit 1,92 m. 20 orgyes font donc : 1,92 x 20 = 38,4m, c'est-à-dire approximativement la longueur du couloir percé par Al-Ma'moun (36 à 38 m selon l'endroit d'où l'on prend la mesure) et celle du couloir donnant accès à la Chambre de la Reine (38,68 m), ces deux couloirs étant mentionnés, avec la même longueur, dans le texte d'al-Idrîssî.
(4) les commentaires entre crochets, de couleur rouge, sont proposés par Ian Lawton et Chris Ogilvy, sur leur site internet (merci à Jean-Pierre Houdin pour cette référence).

1 commentaire:

Anonyme a dit…

La photo postée en haut de l'article est très intéressante pour plusieurs raisons...