samedi 17 octobre 2009

Plutôt les "machines" d'Hérodote que les "terrasses de terre" de Diodore de Sicile, selon Jean-Baptiste Rondelet (18e-19e s.)

Extraits du Traité théorique et pratique de l'art de bâtir, tome II, 1814, de Jean-Baptiste Rondelet (1743-1829) :


Ces monuments fameux ont été construits en blocage pour la masse ou le noyau, (...) mais [ils] avaient un double revêtement. Le premier en pierre de taille, disposée par gradins, et l'autre en marbre ou en granite, formant les surfaces extérieures qui étaient lisses et polies.
La plus grande de ces pyramides est dépouillée tout-à-fait de son revêtement de marbre ; il ne reste que celui en pierres de taille formant gradins. Ces pierres sont calcaires et d'une dureté moyenne, posées les unes sur les autres, sans mortier ; quelques-unes ont jusqu'à 30 pieds de longueur ou 10 mètres, sur 3 à 4 pieds de grosseur (10 à 12 décimètres). Plusieurs voyageurs instruits, qui ont examiné et mesuré toutes les parties de ce monument, avec beaucoup de soin, ont reconnu, par les différentes fouilles qui ont été faites pour pénétrer dans l'intérieur de la masse, qu'elle était formée de pierres irrégulières maçonnées arec une espèce de mortier composé de chaux, de terre et d'argile.
(...) Hérodote ayant parcouru l'Égypte avant qu'elle eût été subjuguée par les Grecs, il est probable qu'il a pu avoir des renseignements certains des anciens prêtres égyptiens, plus instruits que le vulgaire, qui paraissent du moins plus vraisemblables :
1°. Les machines de bois qu'il indique devaient dispenser d'échafauds ; ainsi ces terrasses de terre ou de nitre, dont parle Diodore, étaient inutiles.
2°. La manière dont on a découvert que le milieu de cette pyramide a été fait, indique que tous les débris de la taille des pierres ont été employés pour le remplissage du milieu, renfermé par les revêtements de pierre, de marbre et de granite.
3°. La chaussée qui a servi à conduire ces pierres, depuis le Nil jusque sur l'éminence où elles sont placées, est décrite par Hérodote d'une manière à faire croire qu'elle existait encore de son temps, puisqu'on en voit encore des restes.
(...) Relativement à l'art de bâtir, la construction des pyramides, ainsi que de tous les autres édifices et monuments bâtis par les Égyptiens, avant la conquête d'Alexandre le Grand, prouve d'une manière évidente que les anciens Égyptiens ne connaissaient pas l'art de faire des voûtes, soit de maçonnerie ou de pierres de taille.
Quant à la manière dont les matériaux qui composent ces pyramides ont été transportés et mis en place, je pense que c'était par le moyen de plans inclinés, sur lesquels on les traînait à force d'hommes, (...) avec des treuils ou des cabestans. La fameuse chaussée, dont parle Hérodote, en est une preuve, ainsi que la manière dont il s'explique en parlant de la grande pyramide, construite d'abord par gradins, et revêtue ensuite avec de grandes pièces de marbre de 30 pieds de longueur.
Le procédé qu'il indique est fort simple, et c'est, selon moi, celui qui convenait le mieux, eu égard à la grande quantité d'hommes qu'on y employait.
Ces machines de bois courts qu'on plaçait sur les gradins, pour élever les pierres de l'un à l'autre, paraissent être des cabestans et des plans inclinés qui remplissaient les angles compris entre les gradins.
En commençant l'opération du revêtement par le haut, on avait la facilité de pouvoir terminer successivement les parties supérieures, sans courir le risque de les endommager en travaillant aux parties inférieures. Ce procédé avait de plus l'avantage de dispenser d'échafauds, parce que chaque gradin en tenait lieu. Il est probable que les côtés des marbres qui devaient former la surface inclinée de la pyramide n'étaient qu'ébauchés, et qu'on les finissait sur place, après que chaque rang était fini de poser, en les raccordant avec les parties déjà faites.

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