samedi 31 octobre 2009

Violation et mutilation des pyramides : accusés Cambyse et Ochus, levez-vous !


De l'ouvrage L'Égypte pharaonique, ou histoire des institutions des Égyptiens sous leurs rois nationaux, tome 2, de Dominique Marie Joseph Henry, je relève les extraits suivants :
- le sommet de la Grande Pyramide n'est pas "tronqué" depuis l'origine : il a fait l'objet de dégradations ;
- le revêtement de la pyramide comportait des inscriptions hiéroglyphiques qui ont disparu lors de ces dégradations ;
- la violation et la mutilation des pyramides furent le fait des souverains perses Cambyse II et Ochus.


On ne peut pas apprécier le temps qu'il faudrait aujourd'hui pour élever des édifices aussi étendus et de dimensions aussi immenses que celles que présentent les monuments dont les admirables restes subsistent encore. Il n'y a pas longtemps qu'avec les moyens dont pouvait disposer la mécanique, il aurait fallu des siècles pour exécuter ce qu'un roi d'Égypte conduisait à terme dans le cours d'un règne souvent assez borné. Si nous considérons la grande pyramide, nous avons tout lieu de nous étonner qu'un travail aussi considérable, dont les pierres du revêtement n'avaient pas moins de 1 m 30 de saillie sur les gradins des assises, ce qui peut donner une idée de l'effrayante masse du tout, ait pu être entrepris et achevé dans le terme de trente années, y compris la construction de la chaussée qui facilitait aux matériaux l'accès de la colline, ce qui constituait un travail qu'Hérodote regarde comme aussi important que celui de la pyramide même, et y compris aussi ces souterrains dont parle Hérodote, et dont on ne connaît presque rien.
(...) Le sommet de la grande pyramide aurait été tronqué de tout temps, s'il fallait en croire Diodore, qui avance qu'à son époque ce sommet aplati offrait une surface de dix coudées, ou d'environ trois mètres de côté (*). Ce sentiment a été admis par divers savants, et entre autres par M. Letronne, qui dénonce une troncature du même genre au sommet de la pyramide de Chephren. Nous ne partageons pas cette manière de voir ; tout nous porte à croire, au contraire, que ces pyramides se terminaient en pointe aiguë et que ce qui manque à l'extrémité de cette pointe n'est que le résultat de dégradations qui avaient déjà atteint ces monuments du temps des Grecs. Si la troncature que signale Diodore avait existé déjà avant le voyage d'Hérodote, il est vraisemblable que cet historien, qui le premier a donné des notions positives sur ces monuments, et qui dans ses communications avec les prêtres de Memphis avait reçu des renseignements précis dont les découvertes modernes ont confirmé l'exactitude, n'aurait pu manquer de l'apercevoir, qu'il en aurait fait la remarque, en aurait demandé la raison, et l'aurait consignée dans son livre. La dégradation du sommet des deux principales pyramides doit être attribuée, suivant nous, aux Perses du temps de Darius-Ochus, qui, pour punir les Égyptiens de leurs révoltes, après avoir violé toutes les sépultures, voulurent humilier encore l'Égypte dans les monuments qui faisaient son orgueil.
(...) Aucune des parties de l'intérieur des pyramides de Gizeh n'a reçu de décorations anaglyphiques ni de légendes hiéroglyphiques. Cette absence des signes sacrés et des tableaux ne tient pas à ce que l'usage d'en couvrir les parois des monuments n'existait point encore lors de l'érection de ces masses, puisque des tombeaux contemporains, creusés dans la colline même, à quelques mètres de distance de la grande pyramide, celle surtout du prêtre architecte du pharaon Suphis I, en sont abondamment pourvus : cette privation vient d'une tout autre cause ; et, à cet égard, nous adoptons complètement l'explication qu'en a donnée M. Letronne, c'est-à-dire que les larges surfaces des pyramides offrant plus de place qu'il n'en fallait pour y graver tout ce qui devait accompagner le cadavre royal en tableaux et en inscriptions, on n'avait pas eu besoin de les inscrire dans l'intérieur du monument, ainsi qu'on était forcé de le faire dans les autres tombeaux qui n'offraient pas la même faculté et les mêmes ressources. Un fragment du cercueil, en bois de sycomore, de Menkaré, le Mycerinus d'Hérodote, trouvé dans la troisième pyramide que ce prince avait fait construire pour sa sépulture, et qu'ont découvert en 1837 des explorateurs anglais, est chargé d'une sorte de prière en hiéroglyphes peints, qui prouvent bien que l'usage de décorer de peintures les bières des morts existait à cette époque si reculée, bien qu'aucun signe ne soit tracé sur le sarcophage ou plutôt le cercueil en granit qui subsiste encore dans la grande pyramide, cercueil dans lequel on enfermait celui de bois qui avait reçu la momie. Ces inscriptions hiéroglyphiques, gravées à la partie inférieure du parement des pyramides, à une hauteur qui permît à l'œil de les examiner, étaient encore conservées du temps d'Abd-Allatif, qui rapporte qu'elles auraient suffi pour remplir plus de dix mille pages de papier. Silvestre de Sacy, dans une note à ce passage de l'auteur qu'il traduisait, a réuni le témoignage de quelques autres auteurs arabes, qui affirment également qu'il existait sur les pyramides des inscriptions en caractères anciens et inconnus. Quelque exagération qu'il puisse y avoir dans les paroles d'Abd-Allatif, on ne peut en nier expressément le principe. De son côté, Hérodote cite la partie des inscriptions relative à la dépense qu'avait coûté la construction de la grande pyramide, et dont ce qui l'avait le plus frappé c'était cette somme de seize cents talents d'argent, à laquelle se montait le seul achat des raiforts, oignons et aulx qu'on donnait aux travailleurs comme partie de leur nourriture. On ne peut donc se refuser à croire que des inscriptions hiéroglyphiques n'aient été gravées, sinon sur la totalité des faces des apothèmes, ce qui eût été inutile, puisque l'œil n'aurait pu les distinguer au delà d'une certaine hauteur, du moins à la partie inférieure de la face principale de la grande pyramide ; et ces inscriptions, qu'ont pu voir encore les écrivains arabes, ont dû disparaître depuis que le revêtement a été arraché. Mais ce revêtement devait déjà être entamé du temps des Romains ; car il eût été impossible sans cela, quand les pièces en étaient si admirablement jointes ensemble et si polies, d'arriver à la troncature pour en apprécier la superficie, comme le fait Diodore.
(...) La violation des pyramides appartient certainement aux Perses, et ne pourrait jamais être attribuée aux Grecs : elle doit être imputée à Cambyse, qui, au retour de sa malheureuse expédition contre les Éthiopiens, animé d'une fureur insensée, commit mille extravagances, et se fit ouvrir les tombeaux des rois, comme le dit expressément Hérodote. Quant à la spoliation de toutes les sépultures, il se peut qu'elle n'ait eu lieu que plus tard. Les Perses rentrèrent deux fois en Égypte, à la suite de révoltes des habitants ; l'avarice, excitée encore par la colère, dut fouiller alors dans tous les sépulcres pour en arracher les riches parures et les objets précieux qui se trouvaient enfermés dans les cercueils des princes et des grands personnages : c'est à cette curiosité sacrilège, à cette avidité impie que fut due, à toutes les époques, la profanation des tombeaux ; c'est elle qui porta les vainqueurs irrités à fouiller dans les tombes royales de Biban-el-Molouk comme dans les tombes des particuliers où ils espéraient trouver un grand butin. Quant à la mutilation des grandes pyramides, il est évident qu'elle ne doit pas être imputée à la dynastie de Cambyse, puisque le silence d'Hérodote à cet égard témoigne qu'il les a vues encore entières : il faut donc en accuser Ochus, dont les ravages et les dévastations en Égypte surpassèrent encore ceux de Cambyse. Pour punir les Égyptiens de leur révolte et humilier leur orgueil, ce prince dégrada (tout le fait croire) ces belles pyramides, considérées alors comme une des merveilles du monde, et qu'il aurait eu peut-être l'intention de raser. Les Grecs n'avaient pu se livrer à des violations de sépultures ni à des dévastations. Retrouvant en Égypte la patrie originaire et les familles de leurs dieux, et leurs princes s'y présentant comme des libérateurs et comme des protecteurs, ils ne se seraient pas livrés à des actes et à des profanations qui auraient démenti leur promesses, et qui, au lieu de leur gagner l'affection et la bienveillance des peuples qu'ils voulaient flatter, les auraient rendus près d'eux aussi odieux que les ennemis qu'ils venaient expulser. Trouvant ainsi les pyramides ouvertes et privées des cadavres royaux, les Grecs, pas plus que les Égyptiens eux-mêmes, n'eurent plus pour ces masses la vénération qui les avait entourées quand elles étaient habitées par les hôtes inanimés dont elles n'avaient pu protéger la dépouille. Les pyramides devinrent donc alors, aux yeux des indigènes comme à ceux des étrangers, des monuments prodigieux qu'on était empressé de voir, qu'on allait visiter par pure curiosité, et dans lesquels les voyageurs grecs écrivaient leur nom, comme ont continué de le faire les Romains, comme le font chaque jour les modernes. Les Grecs pouvaient en user aussi irrespectueusement à l'égard des pyramides et de certains autres monuments, parce que, d'autre part, ils donnaient assez de gages de leur déférence et de leur protection envers la religion du pays en faisant restaurer les temples les moins dégradés, en remplaçant par des temples nouveaux ceux qui étaient trop ravagés, et dont les besoins du culte réclamaient la reconstruction.
Quant à la forme pyramidale donnée par Suphis et quelques-uns de ses devanciers à leur tombeau, elle tient, nous n'en doutons pas, aux idées de la philosophie égyptienne. Nous l'avons dit en parlant des nombres harmoniques, le triangle équilatéral, formant une face de pyramide, était composé de six triangles isocèles, considérés comme le principe de la formation de la terre ; et la réunion de quatre triangles équilatéraux constituait la pyramide, qui devenait l'élément du feu et l'emblème de Phtha : or, on sait que Phtha, ou Vulcain, était la divinité principale, ou, comme nous dirions, le patron de Memphis.

(*) Si la pyramide avait eu de tout temps une troncature à son sommet, les Égyptiens, qui ne faisaient rien sans motif, auraient eu de bonnes raisons pour adopter cette forme : les prêtres n'auraient pas manqué alors de le dire, et quelqu'un des bons écrivains grecs nous l'aurait appris, sans attendre jusqu'à Diodore. La pyramide de Mœris était surmontée de la statue de ce prince : c'est ce qu'on ne s'est pas abstenu de dire à Hérodote ; à bien plus forte raison le lui aurait-on dit, s'il en avait existé une sur celles de Chéops et de Chephren. Cette troncature de la grande pyramide va toujours en augmentant. Du temps de Diodore, elle avait trois mètres de côté ; du temps d'Abd-Allatif, elle en avait le double ; et du temps de l'expédition française, ce carré avait atteint près de dix mètres de côté.

Source : Google livres

Aucun commentaire: