mardi 11 mai 2010

Les pyramides d'Égypte au cœur d'une "Histoire universelle" du XVIIIe siècle - 2e partie

Suite du second tome de L'Histoire universelle, depuis le commencement du monde jusqu'à présent, composée en anglais par une société de gens de lettres, traduite en français par une société de gens de lettres, et éditée en 1783.
À lire ci-dessous :
- dimensions de la Grande Pyramide de Guizeh
- description de l'extérieur de la Grande Pyramide
- description de l'intérieur de la Grande Pyramide - 1e partie (emprunts à divers auteurs)
- description de l'intérieur de la Grande Pyramide - 2e partie (le puits, chambre de la Reine,  Grande Galerie)
- description de l'intérieur de la Grande Pyramide - 3e partie (antichambres, chambre du Roi, sarcophage)
- l'écho de la Grande Pyramide
- les conjectures sur les techniques de construction des pyramides (Hérodote, Diodore de Sicile, Pline, Greaves)
- origine des matériaux de construction ; nombre d'ouvriers employés à la construction
- séquence admiration
- orientation de la Grande Pyramide
- le "pont" (autrement dit : la chaussée) menant vers la Grande Pyramide

dimensions de la Grande Pyramide de Guizeh
"La plupart des anciens historiens et des voyageurs modernes ont fait la description des trois grandes pyramides de Memphis : ils ne sont pas d'accord sur leurs dimensions. Un de nos compatriotes qui les a mesurées avec la plus grande attention, et qui avait toute l'habileté nécessaire pour en faire un rapport fidèle, nous paraît le plus digne de foi : aussi le prendrons-nous principalement pour guide dans cette recherche intéressante.
La première et la plus belle de ces trois pyramides est bâtie sur une espèce de rocher, dans les déserts sablonneux de la Libye, à la distance environ d'un quart de mille des plaines d'Égypte. Le roc qui lui sert de base s'élève de cent pieds au dessus de la plaine. La hauteur de cette situation augmente la beauté de l'ouvrage, et la solidité du rocher sert à le rendre plus durable. L'auteur dont nous parlons ayant mesuré le côté septentrional près de sa base, avec un radiomètre de dix pieds, lui trouva de longueur six cent quatre-vingt-treize pieds d'Angleterre ; il ne mesura les autres côtés qu'avec un cordeau, parce qu'il ne put trouver ni des niveaux sûrs, ni des endroits propres à placer ses instruments. La hauteur déterminée par la perpendiculaire fut de 481 pieds ; et en prenant ses mesures par la ligne que décrit la pyramide en s'élevant, et y comprenant les soutendantes des différents angles, il la trouva égale à la largeur de la base. Ainsi, quoique plusieurs voyageurs aient excessivement vanté la hauteur de ces pyramides, il paraît, par ces dimensions, que la plus grande n'égale pas en hauteur l'église de Saint-Paul à Londres, qui, depuis le bas jusqu'au sommet de la lanterne, a quatre cent soixante-dix pieds. Pour se former une juste idée du plan et des dimensions de cette pyramide, il faut se représenter quatre triangles équilatéraux posés sur la base par un de leurs côtés, et qui, s'inclinant également l'un vers l'autre, se rencontrent au dessus dans un seul point : voilà ce qu'elles paraissent en les regardant de bas en haut. Quant à l'aire de la base, elle contient quatre cent quatre-vingt mille deux cent quarante-neuf pieds carrés, ou un peu plus de onze acres anglaises : étendue si excessive qu'elle devrait paraître incroyable, si les anciens n'en rapportaient de plus extraordinaires encore.

description de l'extérieur de la Grande Pyramide
On monte au sommet de la pyramide par des espèces de degrés, dont le premier a près de quatre pieds de hauteur sur trois de largeur. Lorsque les pierres étaient entières, on pouvait faire sur ce degré le tour de la pyramide. Le second est de la même proportion que le premier ; mais à l'endroit où il est placé, la base de la pyramide se rétrécit de trois pieds ; ainsi de suite jusqu'au sommet qui n'est pas terminé en pointe, mais en un carré large d'un peu plus de 13 pieds d'Angleterre, et composé de neuf pierres.
On ne parvient que très difficilement à cette dernière hauteur, parce que le temps et la pluie y ont fait des ravages étonnants. Le côté méridional où l'angle du Nord est placé, sont les endroits les plus praticables. Les pierres qui forment les degrés sont massives et polies ; elles ont été tirées, selon les anciens auteurs, des montagnes de l'Arabie, qui bornent la Haute-Égypte à l'Orient : leur grandeur est telle qu'une seule pierre forme la hauteur et la profondeur de chaque degré. Hérodote assure que la plus petite a trente pieds dans toutes ses proportions : cette assertion peut être vraie pour quelques-unes, mais non pas pour toutes en général, à moins que cet auteur n'ait voulu parler de pieds cubes. Il faut observer, en outre, que tous les degrés ne sont pas égaux en profondeur, car leur hauteur et leur profondeur diminuent toujours en proportion à mesure qu'on monte. Cette proportion est si exacte qu'un fil tendu depuis le sommet jusqu'en bas toucherait également l'angle externe de chaque degré. Aucun des anciens n'en a compté le nombre ; du moins leurs écrits n'en font point mention. Quant aux voyageurs modernes, leurs calculs sont tous différents. L'auteur qui nous sert ici de guide, et deux personnes qui l'accompagnaient les ont comptés avec la plus grande attention et ils en ont trouvé deux cent-sept ; l'un d'eux en descendant en trouva un de plus. (…) Quelques anciens ont assuré que ces pyramides ne font jamais d'ombre ; il n'est pas besoin de prouver la fausseté de ce rapport : il peut être vrai pendant neuf mois de l'année, en faisant cette observation à midi, mais non pendant l'hiver.

description de l'intérieur de la Grande Pyramide - 1e partie (emprunts à divers auteurs)
On trouve fort peu de choses dans les anciens sur l'intérieur de cette pyramide. Hérodote seulement dit que le petit mont sur lequel elle est assise, renferme des voûtes souterraines, et que le prince qui l'érigea eut soin de faire conduire l'eau du Nil dans ces voûtes, par le moyen d'une tranchée ; qu'ensuite il fit élever au milieu une petite île sur laquelle devait être placé son cercueil. Strabon a fait mention d'une entrée que l'on peut voir en ôtant une pierre qui la ferme ; et Pline rapporte qu'il y avait dans ce monument un puits de quatre-vingt-six coudées de profondeur, dans lequel l'eau du Nil était amenée par des conduits souterrains. Les particularités que les Arabes racontent de l'intérieur des pyramides n'étant que des fictions, nous nous bornerons à rapporter ce qu'on en sait de plus certain.
On entre dans la pyramide par un passage étroit et carré, placé vers le milieu du côté septentrional, à la seizième marche, distante de la base de trente-huit pieds, ou en montant sur une hauteur artificielle de terre. La pierre qui est au dessus a près de douze pieds de long, sur plus de huit de large. Cette entrée forme, en déclinant, un angle de vingt-six degrés ; sa juste largeur est de trois mille quatre cent soixante-trois pieds d'Angleterre, et sa longueur, de quatre-vingt douze et demi. Le travail de cet ouvrage décèle un ouvrier habile ; non seulement la surface en est d'un poli fini, mais les pierres sont parfaitement jointes ensemble, et avec la plus grande solidité. Diodore a remarqué qu'il en est de même de toutes les autres parties de cet édifice. Le premier passage aboutit à un second qui a la même forme, mais qui va un peu en s'élevant. Vers le point où ils se rencontrent, l'un en descendant et l'autre en montant, il saillit de la voûte une pierre dont la surface tranchante ne laisse qu'une ouverture d'un pied de haut : on ne peut passer dessous qu'en se traînant ventre à terre. Le passage se trouve ainsi rétréci par la quantité de sable mouvant que le vent y a poussé des deux côtés ; autrement il serait de la même grandeur que l'entrée. Il n'y a ni fenêtre, ni ouverture dans cette pyramide, pour y laisser pénétrer le jour ; ainsi les curieux qui veulent y entrer doivent, avant tout, se munir de lumières artificielles.
Au sortir de ces deux corridors, on rencontre un trou fort noir, long de quatre-vingt-neuf pieds, et qui n'a rien de remarquable. On ne sait s'il a été fermé par les injures du temps, ou s'il n'est pas l'ouvrage de l'avidité qui a cru y trouver des trésors cachés. À la gauche de son entrée, après avoir monté un degré construit d'un seul massif, haut de huit à neuf pieds, on entre par le côté le plus bas dans la première galerie, dont le pavé qui est de marbre blanc et très poli, s'élève imperceptiblement. Les côtés et le plafond sont de pierres moins dures et moins unies. Cette galerie est large d'environ cinq pieds ; elle a autant de hauteur, et sa longueur est de cent dix. On rencontre deux passages à son extrémité, l'un bas et horizontal, ou de niveau avec le pavé, et l'autre haut et s'élevant comme le premier dont nous avons parlé.

description de l'intérieur de la Grande Pyramide - 2e partie (le puits, chambre de la Reine,  Grande Galerie)
À droite et à l'entrée du premier passage, est placé le puits dont Pline fait mention : il est d'une forme ronde ; son diamètre a plus de trois pieds, et ses côtés sont garnis de marbre blanc. Lorsqu'on y veut descendre, on passe les mains et les pieds dans de petites ouvertures formées dans l'intérieur et placées vis-à-vis les unes des autres ; c'est ainsi que l'on pénètre dans la plupart des puits et des citernes d'Alexandrie. En s'éloignant de ce puits, qui est presque bouché, et qui n'a pas plus de vingt pieds de profondeur, et continuant son chemin tout droit, on trouve, à la distance de quinze pieds, un autre passage dont l'ouverture est parfaitement conforme à celle du premier, et qui a les mêmes dimensions : il est aussi construit de pierres fort massives, et artistement jointes ensemble. Ce passage, long de cent dix pieds, se prolonge horizontalement, et conduit à une pièce qui est à moitié remplie de débris, et dans laquelle on respire une odeur cadavéreuse : elle est longue de près de vingt pieds, large de dix-sept, et haute de quinze ; ses murailles sont enduites de chaux, et ne paraissent nullement endommagées. La partie supérieure est couverte de plusieurs grandes pierres unies, séparées les unes des autres vers la base ; mais elles forment un angle dans le haut en se rencontrant. Greaves dit qu'au milieu, du côté oriental de cet appartement, on aperçoit les traces d'un passage qui conduisait à une autre pièce, mais ni Thévenot, ni le Bruyn n'ont rien découvert qui pût constater la vérité de ce témoignage.
Si l'on retourne en arrière à travers le passage horizontal, on monte au-dessus, et l'on entre, à gauche dans l'autre galerie : elle est séparée de la première par la muraille, qui renferme dans son épaisseur l'entrée qui mène au passage horizontal. Cette seconde galerie est magnifique ; elle égale les plus beaux bâtiments, soit par sa structure, soit par la richesse de ses matériaux : elle forme dans son élévation un angle de vingt-six degrés, et sa longueur est environ de cent cinquante-quatre pieds, en la prenant du puits dont on a déjà parlé ; son intérieur est garni de bancs qui ont un pied de profondeur, et près de l'angle où ils se joignent à la muraille, on voit de petits espaces taillés en rectangles parallèles, et placés de chaque côté vis-à-vis les uns des autres ; ils servaient sans doute à quelque usage particulier. La pierre dont cette belle galerie est construite est de marbre blanc, poli et taillé en larges tables, qui sont si parfaitement unies ensemble qu'à peine on peut apercevoir l'endroit où elles ont été jointes.

description de l'intérieur de la Grande Pyramide - 3e partie (antichambres, chambre du Roi, sarcophage)
Après avoir traversé cette superbe galerie, on entre dans un passage carré, qui conduit à deux petits cabinets construits avec une espèce de marbre de Thébaïde moucheté et très précieux. Le pavé, comme celui des galeries, est très uni ; dans les côtés qui sont à l'orient et à l'occident, deux pieds et demi au-dessous du plafond, qui est un peu plus large que le pavé, on voit trois enfoncements, ou petits sièges, dont les bords décrivent un demi-cercle.
La seconde antichambre est séparée de la première par une pierre de marbre rouge et tachetée, qui est arrêtée par deux mortaises entre deux murailles, à la distance de trois pieds du pavé, et de deux pieds de plafond. En sortant de ce cabinet, on pénètre dans une autre ouverture carrée, au-dessus de laquelle on aperçoit sur la muraille cinq lignes parallèles et perpendiculaires : c'est le seul morceau de sculpture qu'on trouve dans la pyramide. Ce passage carré est de la même largeur que les autres dont nous avons fait la description ci-devant ; sa longueur est de neuf pieds ; ses murs sont partout couverts de marbre de Thébaïde parfaitement bien travaillé.
Lorsqu'on l'a traversé, on entre, du côté du septentrion, dans un appartement magnifique, et fort bien proportionné dans toutes ses parties. L'espace compris entre la seconde galerie et cette entrée est de vingt-quatre pieds, et se prolonge toujours horizontalement.
Cette vaste et magnifique salle, que la nature et l'art ont embellie, et où la beauté du travail égale la richesse des matériaux, est placée vers le centre de la pyramide, également éloignée de tous les côtés, et presque au milieu de la base et du sommet. Le pavé, les murs et le plafond sont revêtus de beau marbre de Thébaïde, qui paraîtrait encore très brillant si la vapeur des torches n'en avait terni l'éclat. Depuis le haut jusques au bas, on voit six rangs de pierre, égaux en hauteur, qui font tout le tour de cet appartement ; le plafond est formé de la même matière. Ce font des espèces de colonnes couchées, et qui semblent soutenir tout le poids de la partie supérieure de la pyramide.
C'est dans cette salle qu'on trouve le monument de Chéops ou Chemmis, fait d'une pièce de marbre creusée en dedans et ouverte par le haut. Lorsqu'on la frappe, elle rend un son clair semblable à celui d'une cloche : particularité peu remarquable, et qui n'est pas aussi merveilleuse que l'ont cru quelques voyageurs. Ce marbre est pareil à celui dont tout l'appartement est construit ; sa surface présente un mélange à peu près égal de marques noires, blanches et rouges. Quelques-uns ont prétendu que c'était du marbre de Thébaïde ; mais Greaves croit plutôt que c'est une espèce de porphyre, appelée par Pline leucostictos, et qui a servi autrefois en Égypte à la construction d'un grand nombre de colonnes, dont plusieurs subsistent encore de nos jours. Cependant Burretini, qui accompagnait Greaves, pense que ce marbre a été tiré du mont Sinaï, où il assure qu'on trouve des rochers dont les taches ressemblent parfaitement à celles dont nous parlons. Il rapporte en même temps qu'il a vu vers le même endroit une colonne du même marbre, qui n'était pas encore achevée, et dont la grosseur égalait presque celle du pilier de Pompée, situé près d'Alexandrie.
Le tombeau a la forme d'un autel : ce sont deux cubes parfaitement joints ensemble, dont la surface, très polie, n'est point ornée de sculpture ; elle a sept pieds trois pouces et demi de longueur, et trois pieds trois pouces et trois quarts de profondeur. Comme il aurait été impossible de faire passer ce monument par les ouvertures étroites dont nous avons parlé, il est très apparent qu'il a été construit et placé dans cette salle avant qu'elle ait été couverte d'un plafond. L'endroit où il est posé est également éloigné de tous les côtés, excepté du côté oriental, dont il est plus éloigné de moitié que du côté occidental. Au-dessous du tombeau, on voit la place d'une large pierre qui a été enlevée du pavé, et où l'on a fait en creusant une petite profondeur. Sandys a cru que cette ouverture était un passage qui conduisait à quelque autre appartement ; mais il paraît plutôt qu'elle a été faite dans l'espérance de découvrir quelque trésor caché ; car la coutume superstitieuse de cacher de l'argent dans les sépulcres était en usage chez les Anciens, comme elle l'est encore dans les Indes Orientales.
Les deux côtés de la salle, qui sont l'un au midi, et l'autre au septentrion, présentent deux entrées placées vis-à-vis l'une de l'autre, et taillées sans ornement.

l'écho de la Grande Pyramide
Tel est l'intérieur de la première pyramide. La description que nous venons d'en faire, présente les particularités les plus remarquables de ce superbe édifice : il ne nous reste plus qu'à parler de l'écho dont Plutarque a fait mention, et qui, selon cet auteur, répète le même son quatre ou cinq fois. Un voyageur moderne [Lucas] assure qu'il redit la même chose très distinctement jusqu'à dix ou douze fois. Cet effet n'est pas bien difficile à expliquer, si l'on considère l'entrée étroite de la pyramide, et la longueur des deux galeries, qui sont comme sur une même ligne, et conduisent toutes au centre de l'édifice ; car le son étant poussé et porté dans ces passages étroits comme par autant de tuyaux, sans trouver une issue, revient et frappe l'oreille à mesure qu'il arrive de l'endroit où il a été réfléchi. (…)

les conjectures sur les techniques de construction des pyramides (Hérodote, Diodore de Sicile, Pline, Greaves)
Les savants ont fait beaucoup de recherches et ont eu recours à mille conjectures différentes pour découvrir par quel moyen les ouvriers qui ont travaille à ces pyramides ont pu élever à une hauteur si prodigieuse les pierres énormes employées à la construction de ces monuments, surtout à celle du premier.
Nous communiquerons à nos lecteurs le sentiment d'Hérodote, que nous croyons avoir bien entendu. Il suppose qu'après avoir bâti le premier rang, les ouvriers, pour construire le second, élevaient les pierres par le moyen d'une machine de bois, peut-être semblable à nos grues, qu'ils plaçaient au pied de l'édifice. Une seconde machine, placée sur le premier rang, servait à la construction du troisième, et ainsi des autres, de manière qu'elles étaient aussi multipliées que les points d'appui pouvaient l'être. On pourrait supposer encore, continue le même historien, qu'ils n'avaient qu'une seule machine qui se transportait facilement dans les endroits où elle leur était nécessaire. Il ajoute que les fondements en ont été travaillés en sous-ordre.
Diodore prétend que les pyramides furent construites par le moyen de quelques levées, et il assure que les Égyptiens croyaient encore de son temps que ces levées avaient été faites de sel et de nitre, mais qu'elles avaient été fondues dans la suite par les eaux du Nil. Pline rapporte les mêmes choses sur cet article ; il ajoute seulement qu'une autre opinion affirmait qu'on avait élevé des ponts de briques, et qu'après l'entière construction des pyramides, les matériaux de ces ponts (qui ne pouvaient être emportés par le Nil, dont le débordement n'allait pas si haut) avaient servi pour bâtir des maisons particulières. Greaves a rejeté toutes ces opinions, et suppose que les ouvriers ont élevé d'abord une grande tour au milieu, aux cotés de laquelle ils ont appliqué les autres matériaux pièce à pièce, en diminuant toujours à mesure que l'ouvrage s'avançait. Mais il paraît qu'il eût été très difficile de bâtir ainsi une pièce d'architecture, en employant même le plus aisé des projets que nous venons de rapporter.

origine des matériaux de construction ; nombre d'ouvriers employés à la construction
S'il est vrai, ainsi que le rapportent les anciens, que les pierres employées à la construction des pyramides aient été tirées de certaines montagnes, soit d'Arabie, soit de Thébaïde ou d'Éthiopie, on ne doit pas être étonné que Chéops, ainsi qu'on l'assure, ait employé cent mille hommes à ce travail, dont dix mille étaient occupés pendant l'espace de trois mois, et étaient remplacés par dix mille autres qui travaillaient le même espace de temps, et ainsi successivement.
Quelques voyageurs modernes ayant observé que ces édifices ne sont pas de marbre, mais d'une pierre blanchâtre et fort dure, croient que cette pierre a été plutôt tirée du rocher sur lequel la pyramide est assise. Nous croyons devoir adopter l'opinion qui tient le juste milieu entre ces deux extrémités, et qui nous paraît la plus vraisemblable : il est très apparent que le rocher dont il s'agit a fourni une grande partie des matériaux aux architectes ; mais il est certain que le marbre des appartements intérieurs a été pris dans d'autres endroits. Wansleb s'est imaginé que la plus grande pyramide n'est autre chose qu'un rocher auquel on a donné cette figure, et qu'on a revêtu d'une muraille de pierres. Mais un tel ouvrage serait pour le moins aussi difficile qu'un autre construit uniquement de pierres de rapport.
Selon Diodore, en employa à la construction de la première pyramide trois cent soixante mille hommes, et, selon Pline, trois cent soixante-six mille. Les auteurs conviennent qu'on y travailla pendant vingt années. Hérodote assure que de son temps on voyait sur la pyramide une inscription qui marquait les dépenses excessives qu'on avait faites en raves, en oignons et en ail pour les ouvriers ; on y avait employé la somme de seize cents talents d'argent, c'est-à-dire environ quatre cent treize mille trois cent trente-trois livres sterlings, six sols, huit deniers.

séquence admiration
Quelques écrivains modernes disent qu'aujourd'hui, ces monuments n'ont rien de remarquable que leur excessive grandeur, et qu'on les avait mis autrefois au rang des merveilles du monde, parce qu'alors (à ce qu'on prétend) ils étaient revêtus de marbre, que les derniers rois d'Égypte firent enlever pour en orner leurs palais. Cette anecdote néanmoins ne nous paraît pas assez certaine pour que nous osions la garantir. D'un autre côté, un voyageur, distingué par sa critique, assure que les pyramides, telles qu'on les voit maintenant, sont des ouvrages dignes de la richesse et de la magnificence des anciens rois d'Égypte, et que, de nos jours, aucun prince du monde ne serait en état de faire élever un semblable édifice. Hérodote et Diodore s'accordent sur ce sujet, et disent que rien n'égalait en richesse et en beauté ces superbes monuments, et que chaque pyramide en particulier pouvait se comparer à plusieurs grands édifices de la Grèce réunis ensemble. Non seulement, continuent les mêmes auteurs, elles surpassent tous les autres bâtiments de l'Égypte par la grandeur et la somptuosité, mais encore par la beauté et la perfection du travail. Les Égyptiens eux-mêmes pensaient que les architectes qui en ont inventé et exécuté les plans, méritent bien plus d'admiration que les souverains qui ont fait des dépenses énormes pour en faciliter l'exécution. Et sans doute cette observation est très juste, car les premiers n'ont eu d'autre ressource que leur adresse et les connaissances qui leur étaient propres, et les autres ont employé des richesses dont ils ne devaient la possession qu'à la fortune et aux travaux de leurs sujets.

orientation de la Grande Pyramide
Il ne faut pas oublier d'observer une particularité remarquable dans la première pyramide : c'est que les quatre côtés en sont tournés vers les quatre parties du monde, et par conséquent marquent le vrai méridien du pays. Cette situation, selon toutes les apparences, ne peut être l'effet du hasard : nous sommes d'autant plus fondés à le croire que le monument placé au centre de ce bâtiment est posé dans la même direction. Cette observation est une preuve solide et convaincante que les Égyptiens ont eu de bonne heure des connaissances très étendues dans l'astronomie.

le "pont" menant vers la Grande Pyramide
Hérodote rapporte qu'il y avait un pont situé près de cette pyramide, qui était presque aussi considérable que la pyramide elle-même ; mais on n'en trouve plus le moindre vestige. Ce pont avait à peu près cinq milles en longueur, soixante pieds en largeur, et quatre-vingts pieds en hauteur dans ses endroits les plus élevés. Il était bâti tout en pierres polies, sur lesquelles on voyait gravées différentes figures d'animaux. On employa l'espace de dix années à la construction de cet ouvrage."

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