mercredi 1 juin 2011

“Le grandiose de ce monument [la Grande Pyramide] effraierait celui qui voudrait l'imiter” (Giuseppe di Ferrer - XIXe s.)

“Il n’est pas facile d’en faire la description” (à propos de la disposition des pierres des pyramides)... “L'appareil, tout-à-fait particulier par le moyen duquel a été exécuté ce travail (la construction des pyramides), est une chose extraordinaire de nos jours”... “Je ne saurai donner une description exacte de la partie interne de la grande pyramide”... “D'après sa surface extérieure (celle de la seconde pyramide), il paraît qu'elle a été incrustée de verre ancien”... Au terme de la lecture du texte (*) du comte Giuseppe di Ferrer, ancien capitaine d'artillerie de marine, nous ne sommes guère plus renseignés qu’au début. L’auteur s’est contenté de banalités, d’approximations. Sous réserve d’une erreur dans son auto-traduction, je ne vois pas où il est allé trouver du “verre” dans le revêtement de la pyramide de Khéphren. Quant à se fier simplement, comme il semble l’avoir fait, à la “curiosité” de ceux qui ont surmonté leur peur pour aller visiter l’intérieur des pyramides, cela présentait des risques. Où donc ces “témoins” ont-ils vu des sarcophages, des momies ? Sans parler des nombreuses “choses allégoriques” dont on se demande bien de quoi il s’agit.
Bref, voici une relation dont on aurait souhaité qu’elle fût un peu plus “critique”, comme le laissait à entendre le titre de l’ouvrage. Il s’en dégage toutefois, avec un bémol pour le Sphinx qui se voit accoler le qualificatif de “ridicule”, une impression globale d’admiration dont on pourra, faute de mieux, se satisfaire.
(*) extrait de Mémoires critiques sur l'Orient, suivis de Réflexions politiques et Essai sur l'île de Corfou et d'un Petit aperçu du sort des officiers de l'armée napolitaine après les événements de 1821 (1845)

Photo de 1920 (auteur inconnu)
“Le silence profond du désert et la vue des pyramides vous impressionnent ; il semble qu'elles vous rappellent la vénération dont les anciens peuples étaient pénétrés pour les morts. Aujourd'hui c'est différent, la civilisation qui est si avancée regarde la mort d'un homme comme les poètes anciens regardaient les aventures d'Oreste sur la scène où nous naissons tous pour mourir. Sans doute nous sommes tous mortels ; chacun doit payer son tribut à la nature ; mais les parents et les amis, si vous êtes pauvres, vous abandonnent pendant votre vie ; si vous avez des moyens pécuniaires, une fois décédé, ils se disputent avec acharnement vos dépouilles, et se bornent à se rappeler votre perte en disant : il est mort.
La plus grande des pyramides compte environ six cents pieds de hauteur et cinq cents de largeur à sa base ; elle est composée de grandes pierres taillées et arrangées de manière, l'une sur l'autre, qu'il n'est pas facile d'en faire la description. Les premières pierres, celles qui couvrent immédiatement les fondements, sont de la hauteur d'un homme. La surface de chaque triangle offre à la vue autant de pointes qu'il y a de pierres. L'appareil, tout-à-fait particulier par le moyen duquel a été exécuté ce travail, est une chose extraordinaire de nos jours, et même nous croyons qu'on ne trouverait pas un homme qui voudrait en hasarder l'exécution, d'autant plus qu'il en coûterait des sommes immenses. Je le répète encore, le grandiose de ce monument effraierait celui qui voudrait l'imiter.
La grande pyramide est accessible jusqu'au sommet, car le constructeur a eu soin de laisser les pierres (ou pour mieux dire les parallélépipèdes dont elle a été construite) divergentes en dehors, ainsi qu'il qu'il l'a fait pour toute la surface extérieure des différents côtés du mausolée. Je dis mausolée, car il est prouvé que ces bâtiments contiennent des sarcophages et des tombeaux. Je ne saurai donner une description exacte de la partie interne de la grande pyramide, attendu que l'ouverture par laquelle on y entre actuellement présente la forme d'un long spirale (**). À cette vue, je me sentis ému, voyant que je ne pourrais m'y introduire sans risquer d'y être étouffé. Cependant il paraît que la véritable porte d'entrée a été scellée par les anciens, après qu'ils y eurent déposé les corps. On sait que la partie cachée renferme plusieurs étages et des chambres dans lesquelles on entre en grimpant avec beaucoup [de] peine , et ceux qui ont voulu satisfaire leur curiosité rapportent qu'on y trouve des sarcophages de granit et de porphyre, des momies et bien des choses allégoriques.
À quelque distance de la première, il y a une autre pyramide plus petite, ce qui fait que de loin on les croit de la même grandeur ; mais la seconde n'est pas accessible au dehors. D'après sa surface extérieure, il paraît qu'elle a été incrustée de verre ancien, du moins, c'est ce que ses vestiges font croire.
Sur ces montagnes de sable, il y a d'espace en espace d'autres petites pyramides qui ne s'aperçoivent pas de loin. Il y a aussi un puits très profond, dans lequel on déterre des momies, des sarcophages, des urnes et d'autres objets qui rappellent les anciennes mœurs. Un sphinx d'une grandeur énorme précède les pyramides. Nous croyons qu'il a été placé là comme un gardien muet du lieu sacré. Il suffit de savoir que sa tête symbolique présente une dimension de quinze pieds carrés. Tout cela nous paraît extraordinaire et ridicule, et nous voyons par là ce que c'était que les anciens idolâtres.”

Source : Gallica
(**) l’auteur-traducteur a utilisé le masculin pour ce mot