Dans son superbe ouvrage La pyramide à travers les âges (Presses de l'École nationale des Ponts et Chaussées, 1991, 214 pages), l'ingénieur des Ponts et Chaussées Jean Kerisel (1908-2005), expert mondialement connu en mécanique des sols, dresse un vaste panorama des grandes formes pyramidales au cours de l'histoire et dans diverses sphères culturelles, y compris dans leurs survivances contemporaines.
Un important chapitre est évidemment consacré aux pyramides égyptiennes (et soudanaises). L'auteur y démontre tout d'abord que la perfection constatée dans la conception des trois pyramides majeures de Guizeh et dans l'application des techniques (supposées ou évidentes) ayant contribué à leur construction est tributaire du savoir-faire préalablement mis en œuvre dans l'édification des pyramides de Saqqarah, Meïdoum et Dahchour.
Aussi somptueuse qu'elle puisse être, Khéops ne doit pas faire oublier le remarquable génie d'Imhotep, "merveilleux virtuose de la structure" de Saqqarah, bâtisseur de la pyramide de Djoser qui, avec ses 60 mètres de hauteur, est le plus ancien monument en pierre de l'humanité. Quant à Meidoum, elle représente une "petite révolution" dans la mesure où elle illustre le passage de la pyramide à gradins à la pyramide lisse.
D'un point de vue technique, sans pour autant vouloir ternir la prestigieuse renommée de Khéops, Jean Kérisel relève trois anomalies dans la chambre du Roi : les dalles de couverture sont largement fissurées et la chambre est globalement gauchie, sa face sud étant descendue de 4 cm par rapport à la face nord. Par ailleurs, le toit en chevron s'est aplati. Laissons la parole au technicien :"L'orgueilleux ensemble de la chambre du Roi, avec ses granites d'Assouan et son calcaire de Tourah, n'est pas un chef-d'œuvre. Tout d'abord, il y a un mélange des genres, des chevrons couronnant un système de portiques multiples. Mais, surtout, cet ensemble, sur son socle en pierres bien assisées, est beaucoup trop rigide et élancé, au regard du poids dominant, pour être inséré dans un noyau beaucoup moins raide, fait de pierres à peine équarries, qui le borde du bas jusqu'en haut. Ce noyau s'est affaissé progressivement sous le faix. (...) Plus encore, comme le noyau se dérobait, une partie de la charge qu'il devait prendre s'est reportée sur le toit en chevron et l'a légèrement aplati. Les chambres supérieures qui se voulaient être chambres de protection (chambres de décharge, lit-on bien souvent) sont devenues chambres de surcharge." Puis Jean Kérisel de commenter :" [Alors que] la grande galerie est une magnifique oeuvre d'art, (...) on a peine à croire que le même architecte ait conçu à la fois ceci et l'ensemble des superstructures qui dominent la chambre du Roi."
Une quatrième anomalie concerne un déficit de matière dans la structure, mis en évidence par la microgravimétrie en bordure ouest de la chambre de la Reine. Cette anomalie tient à la fois à la nature du mortier de la maçonnerie (à base de plâtre) du noyau et à l'intrusion d'eau dans la pyramide. D'où cette affirmation :"Il y a une profonde différence entre la pyramide de Djoser à Saqqarah et celle de Khéops. Celle-ci n'est pas, tout au moins pour la stabilité à court terme, une prouesse technique comme l'était celle de Djoser avec ses murs internes et ses ébauches de pierres taillées, liées par des mortiers d'argile." L'intrusion d'eau dans le corps de la pyramide de Khéops, due à la condensation, à l'eau du ciel qui s'infiltre par le sommet étêté et à l'ascension capillaire à partie d'une nappe polluée, est cause d'une "destruction douce", dont le manque de matière mentionné ci-dessus est un indice.
Quant à la construction proprement dite de la pyramide de Khéops, Jean Kérisel remarque qu'elle "marqua l'apogée de la construction des pyramides". Sans prendre pour ou contre les "rampistes" ou les "machinistes", il pense que le constructeur de Khéops a utilisé successivement les deux procédés : la rampe d'abord, la machine ensuite. "L'emploi des traîneaux par les Égyptiens, note-t-il, pour faire glisser des charges sur du limon mouillé est un fait attesté (...)". Par contre, les matériaux ne pouvaient être transportés avec ce procédé que jusqu'à la hauteur de 32 mètres (référence au papyrus Anastasi I). Au-delà, "il est difficile d'imaginer que (les) rampes hélicoïdales aient pu exister" pour cause de pentes croissantes et de largeurs décroissantes. Par contre, les bâtisseurs ont dû avoir recours aux machines, notamment au monte-charge à contrepoids tel que celui proposé par Jean-Pierre Adam.
Un important chapitre est évidemment consacré aux pyramides égyptiennes (et soudanaises). L'auteur y démontre tout d'abord que la perfection constatée dans la conception des trois pyramides majeures de Guizeh et dans l'application des techniques (supposées ou évidentes) ayant contribué à leur construction est tributaire du savoir-faire préalablement mis en œuvre dans l'édification des pyramides de Saqqarah, Meïdoum et Dahchour.
Aussi somptueuse qu'elle puisse être, Khéops ne doit pas faire oublier le remarquable génie d'Imhotep, "merveilleux virtuose de la structure" de Saqqarah, bâtisseur de la pyramide de Djoser qui, avec ses 60 mètres de hauteur, est le plus ancien monument en pierre de l'humanité. Quant à Meidoum, elle représente une "petite révolution" dans la mesure où elle illustre le passage de la pyramide à gradins à la pyramide lisse.
D'un point de vue technique, sans pour autant vouloir ternir la prestigieuse renommée de Khéops, Jean Kérisel relève trois anomalies dans la chambre du Roi : les dalles de couverture sont largement fissurées et la chambre est globalement gauchie, sa face sud étant descendue de 4 cm par rapport à la face nord. Par ailleurs, le toit en chevron s'est aplati. Laissons la parole au technicien :"L'orgueilleux ensemble de la chambre du Roi, avec ses granites d'Assouan et son calcaire de Tourah, n'est pas un chef-d'œuvre. Tout d'abord, il y a un mélange des genres, des chevrons couronnant un système de portiques multiples. Mais, surtout, cet ensemble, sur son socle en pierres bien assisées, est beaucoup trop rigide et élancé, au regard du poids dominant, pour être inséré dans un noyau beaucoup moins raide, fait de pierres à peine équarries, qui le borde du bas jusqu'en haut. Ce noyau s'est affaissé progressivement sous le faix. (...) Plus encore, comme le noyau se dérobait, une partie de la charge qu'il devait prendre s'est reportée sur le toit en chevron et l'a légèrement aplati. Les chambres supérieures qui se voulaient être chambres de protection (chambres de décharge, lit-on bien souvent) sont devenues chambres de surcharge." Puis Jean Kérisel de commenter :" [Alors que] la grande galerie est une magnifique oeuvre d'art, (...) on a peine à croire que le même architecte ait conçu à la fois ceci et l'ensemble des superstructures qui dominent la chambre du Roi."
Une quatrième anomalie concerne un déficit de matière dans la structure, mis en évidence par la microgravimétrie en bordure ouest de la chambre de la Reine. Cette anomalie tient à la fois à la nature du mortier de la maçonnerie (à base de plâtre) du noyau et à l'intrusion d'eau dans la pyramide. D'où cette affirmation :"Il y a une profonde différence entre la pyramide de Djoser à Saqqarah et celle de Khéops. Celle-ci n'est pas, tout au moins pour la stabilité à court terme, une prouesse technique comme l'était celle de Djoser avec ses murs internes et ses ébauches de pierres taillées, liées par des mortiers d'argile." L'intrusion d'eau dans le corps de la pyramide de Khéops, due à la condensation, à l'eau du ciel qui s'infiltre par le sommet étêté et à l'ascension capillaire à partie d'une nappe polluée, est cause d'une "destruction douce", dont le manque de matière mentionné ci-dessus est un indice.
Quant à la construction proprement dite de la pyramide de Khéops, Jean Kérisel remarque qu'elle "marqua l'apogée de la construction des pyramides". Sans prendre pour ou contre les "rampistes" ou les "machinistes", il pense que le constructeur de Khéops a utilisé successivement les deux procédés : la rampe d'abord, la machine ensuite. "L'emploi des traîneaux par les Égyptiens, note-t-il, pour faire glisser des charges sur du limon mouillé est un fait attesté (...)". Par contre, les matériaux ne pouvaient être transportés avec ce procédé que jusqu'à la hauteur de 32 mètres (référence au papyrus Anastasi I). Au-delà, "il est difficile d'imaginer que (les) rampes hélicoïdales aient pu exister" pour cause de pentes croissantes et de largeurs décroissantes. Par contre, les bâtisseurs ont dû avoir recours aux machines, notamment au monte-charge à contrepoids tel que celui proposé par Jean-Pierre Adam.
Et Jean Kérisel de conclure sur ce sujet :"Seule la mise en place du pyramidion reste difficile à concevoir : il se serait agi d'un bloc de 5 ou 6 tonnes, dépassant de loin les capacités d'une machine. Mais a-t-il réellement existé ?"
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