lundi 14 septembre 2009

Des "montagnes factices"

Jacques-Joseph Champollion-Figeac
Source : Wikimedia commons

Extrait du Traité élémentaire d'archéologie : pierres gravées, inscriptions, médailles, ustensiles sacrés et profanes, meubles, armes, etc. T. 1 (Paris, 1843), par Jacques-Joseph Champollion-Figeac (1778-1867), frère aîné de Jean-François, le déchiffreur des hiéroglyphes:



Les Égyptiens ne les
[les mortiers et les ciments] employèrent pas dans leurs grandes constructions, mais d'autres monuments en conservent les traces ; quelques-unes des pyramides furent autrefois couvertes d'un revêtement qui en suppose l'usage. Il paraît aussi que, dans leur état primitif, leur surface inclinée était plane et sculptée, au moyen d'une assise de pierres qui s'inséraient dans les gradins aujourd'hui visibles et qui en garnissaient exactement les retraits. Au surplus, l'emploi du plâtre, de la chaux, des bitumes, etc., dans les arts est démontré par mille exemples.
(...)
Toute l'antiquité a admiré les pyramides des environs de Memphis. (...) Les pyramides de Memphis sont exactement orientées ; on a beaucoup discuté sur leur destination, mais il ne reste plus de doutes aujourd'hui : les pyramides étaient des tombeaux. On a reconnu dans celles où l'on a pénétré plusieurs chambres et des couloirs de directions diverses ; elles sont construites de pierres calcaires numismales, et la chambre principale de l'une d'elles est en granit. C'est là qu'on a trouvé le sarcophage où la momie était autrefois enfermée. L'entrée des pyramides était soigneusement cachée par le revêtement extérieur ; à l'intérieur, les couloirs communiquaient quelquefois avec des puits et des souterrains très profonds, creusés dans le roc même sur lequel la pyramide est élevée. Il paraît aussi que quelques-unes d'entre elles furent revêtues à l'extérieur de stuc ou de pierres dures, et qu'on y avait sculpté des sujets religieux ou historiques, et des inscriptions hiéroglyphiques ; mais il en reste aujourd'hui peu de traces. Les environs de Memphis n'ayant point, comme ceux de Thèbes, de hautes montagnes où l'on pût creuser les hypogées et les tombeaux des rois, on édifia ces montagnes factices, et ceci explique leur véritable destination. D'après Manéthon, quelques-unes des pyramides de Memphis seraient les plus anciens monuments de l'Égypte et remonteraient jusqu'à la sixième dynastie. La destruction des inscriptions qui les décoraient autrefois, selon Hérodote, est à jamais regrettable ; mais on ne peut les attribuer qu'à la plus haute antiquité.

De récentes découvertes ont conduit des explorateurs jusque dans la chambre sépulcrale des pyramides de Memphis. Le sarcophage, le cercueil et la momie du pharaon y gisaient encore, mais conservant les preuves d'une ancienne violation de cette sépulture royale. Le sarcophage et le cercueil, couverts d'inscriptions, y ont conservé les noms des défunts, et l'application de l'alphabet de mon frère y fait reconnaitre les rois mêmes dont Hérodote avait recueilli les noms de la bouche même des prêtres égyptiens : ces vieux débris ont été transportés en Angleterre, et les pyramides remontent par eux à la quatrième et à la cinquième dynastie égyptienne, qui, selon le calcul de Manéthon, dateraient de quatre à cinq mille ans avant l'ère chrétienne.

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