jeudi 24 septembre 2009

Vers l’imagerie sismique passive de la Grande Pyramide de Khéops

En complément de la note de ce blog relative à l'expérience en laboratoire sur la structure interne de la Grande Pyramide, Philippe Roux, responsable de ce programme au Laboratoire de Géophysique Interne et Tectonophysique (LGIT) de Grenoble, porte à notre connaissance ce communiqué :


Notre projet a pour objectif de combiner les récents progrès en géophysique et en imagerie acoustique pour imager la structure interne de la Grande Pyramide de Khéops et permettre la détection éventuelle de cavités ou passages inexplorés. Ce projet est le résultat d’une collaboration entre trois laboratoires experts dans le domaine de la géophysique (LGIT et IPGP) et de l’imagerie acoustique (LOA).
Depuis 30 ans, de nombreuses études scientifiques ont eu pour but de détecter de nouvelles cavités dans la pyramide. Ces études se sont appuyées sur quatre technologies : le Ground Penetrating Radar, la gravimétrie, la résistivité et le SONAR acoustique. Parmi ces technologies, les trois premières sont limitées par leur rayon d’action. L’utilisation d’un SONAR s’est révélée prometteuse mais l’interprétation des échos reçus est complexe avec un seul émetteur-récepteur.
De nos jours, très peu d’expériences scientifiques sont autorisées sur le site de Khéops par les autorités égyptiennes. Une condition impérative est d’opérer de façon non invasive dans la pyramide en évitant de creuser des trous pour placer les instruments de mesure au plus près des zones à étudier.
Étant donné cette contrainte majeure, l’approche de notre projet est différente. Nous nous appuierons sur les récents progrès en prospection géophysique et en imagerie acoustique pour construire un outil scientifique capable d’imager de façon complètement passive, via l’extérieur de la Grande Pyramide de Khéops, son architecture interne. Pour ce faire, nous combinerons trois outils novateurs dans le domaine de l’archéologie:
1- La sismique passive
La sismique passive consiste à remplacer les sources actives classiquement utilisées en prospection pétrolière, par exemple, par des corrélations de bruit sismique ambiant. Ces dernières années, des travaux ont démontré que les premiers échos de la fonction de Green entre deux sismomètres pouvaient être obtenus par simple corrélation du bruit ambiant enregistré simultanément sur ces deux capteurs. Cette technique de corrélation est d’autant plus efficace que le milieu de propagation est bruité et diffus comme c’est le cas sur la Pyramide de Khéops.
2- L’imagerie acoustique 3D via un réseau dense de capteurs
Comme dans tout problème d’inversion, une étape nécessaire pour obtenir une image du milieu à partir des données consiste à modéliser les observations. Ce problème de modélisation devient plus compliqué dans la pyramide, car elle se comporte comme une cavité 3D complexe pour les ondes élastiques. En effet, la pyramide repose sur un socle calcaire très dur qui empêche la fuite des ondes dans le sol. Les ondes acoustiques/élastiques sont ainsi piégées dans la pyramide avant de disparaître du fait de l’atténuation et de la diffusion. La faisabilité de notre inversion dépend de trois paramètres clés :
- (1) nous travaillons à basse fréquence (10-200 Hz) pour limiter les problèmes de diffusion aléatoire (et donc de complexité) à l’intérieur de la Pyramide ;
- (2) nous ne modélisons que les premiers échos déterministes qui proviennent d’une ou deux réflexions sur les parois de la pyramide, car ces échos seront nécessaires dans l’élaboration d’un modèle de vitesse raisonnable en onde P et S à l’intérieur de la pyramide ;
- (3) nous enregistrons les signaux acoustiques sur un grand nombre de capteurs répartis sur chacune des faces de la pyramide pour identifier spatialement sans ambiguïté les échos réfléchis et diffusés.
3- Une étape indispensable : une maquette a l’échelle du laboratoire
Nous devons garder à l’esprit le fait qu’aucun déploiement d’un grand nombre de capteurs sismiques ne sera autorisé sur la pyramide sans la démonstration claire du succès de notre algorithme d’inversion. Dans ce but, l’essence de notre projet est de développer au LGIT une démonstration en laboratoire sur une maquette au 1/200ème de la Grande Pyramide en utilisant 64 accéléromètres miniatures. L’avantage de la petite
échelle est de permettre une étude exhaustive des paramètres physiques liés à notre problème d’inversion, en particulier :
- (1) la qualité de la reconstruction des fonctions de Green inter-éléments à partir des corrélations du bruit acoustique ambiant ;
- (2) la comparaison des fonctions de Green obtenus expérimentalement avec les résultats des simulations numériques ;
- (3) les performances du processus d’inversion et d’imagerie en fonction du nombre et de la position des accéléromètres sur la pyramide ;
- (4) compte tenu de la résolution spatiale de notre image, la faisabilité de la détection d’une chambre inconnue dans la pyramide à échelle réelle.
Le projet durera trois ans et sera développé en deux phases nécessitant l’expertise des chercheurs des trois laboratoires.
Phase I : Expériences de sismique passive sur une maquette de la Grande Pyramide à l’échelle du laboratoire (0-24 mois).
Phase II : Problème inverse et imagerie à l’aide d’une simulation numérique élastique à 3D aux différences finies (12-36 mois).

Philippe Roux, LGIT, Grenoble
Collaborateurs : Michel Campillo, LGIT Grenoble ; Jean Virieu, LGIT Grenoble ; Mathias Fink, LOA, Paris ; Albert Tarantola, IPGP, Paris

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