Dans son Histoire ancienne des peuples de l'Orient, jusqu'au début des guerres médiques, mise au niveau des plus récentes découvertes, à l'usage des établissements d'instruction secondaire (Paris, 1862),
Félix Marie Louis Jean Robiou de La Tréhonnais, professeur agrégé d'histoire, docteur ès lettres, choisit explicitement l'option Diodore de Sicile contre Hérodote pour les moyens techniques utilisés dans la construction de la pyramide de Khéops. À noter toutefois, conformément à la relation d'Hérodote, la mention d'un "fossé communiquant avec le Nil"...
La construction de la grande pyramide est racontée par Hérodote (qui, du reste, en ignorait l'antiquité) [:] des détails curieux et intéressants pour l'histoire, dignes d'une grande attention, surtout si, comme l'a dit M. Brugsch, "les restes de cette immense digue en pierre (élevée pour le transport des matériaux) sont encore visibles aujourd'hui". Hérodote raconte, en effet, que l'on employa dix ans aux travaux préparatoires, tels que la chaussée, des excavations, un fossé communiquant avec le Nil, puis vingt ans à élever l'édifice lui-même. Cent mille hommes, dit-il, y travaillaient pendant trois mois et étaient ensuite relevés par cent mille autres. Toute la population était requise pour cette corvée gigantesque. Des sommes énormes, dont le chiffre était inscrit sur la pyramide, furent dépensées seulement à fournir des légumes aux travailleurs. Ces travaux avaient été d'autant plus pénibles que, n'ayant à leur disposition que des câbles et des rouleaux, puisque les machines étaient encore inconnues, on avait dû traîner ou rouler les pierres sur des levées pour les conduire à la hauteur où il fallait les élever. C'est là, en effet, le récit de Diodore, et l'on doit ici le préférer à celui d'Hérodote, qui suppose l'emploi des machines, car on n'en trouve, ainsi que le fait observer M. Ampère, dans aucune de ces représentations si variées de la vie publique et privée des anciens Égyptiens que nous offrent les monuments de l'art : des rouleaux et des câbles sont seuls employés pour le transport des colosses.
Aussi Chéops, qui avait imposé de si rudes obligations à son peuple, avail-il laissé un souvenir odieux. On disait même qu'il n'avait pas seulement opprimé les Égyptiens dans les conditions matérielles de leur existence, mais encore fermé les temples et empêché les sacrifices, conduite également reprochée à l'auteur de la deuxième pyramide. Cependant il est permis de croire qu'il y a au moins exagération dans ces récits provenant de sources si lointaines. Le tombeau d'Eimaï, "prêtre royal et intendant des constructions du roi Khoufou", tombeau découvert dans le voisinage du monument, montre que cette entreprise n'a pas coïncidé avec l'abolition de tout culte ; on a aussi trouvé la sépulture d'un prêtre qui fut fonctionnaire public sous le roi Schafra. D'autre part, on a reconnu par l'étude des matériaux que le corps de la pyramide avait été emprunté au sol même qui la porte, les revêtements extérieur et intérieur ayant seuls été apportés des carrières de Tourah, situées de l'autre côté du fleuve, tandis qu'Hérodote le disait de la masse tout entière.
ll semble aussi que ce règne ne fut pas sans gloire extérieure. Non seulement Chéops a régné sur le pays des mines de cuivre, dans la presqu'île de Sinaï, où l'on trouve des inscriptions de son règne ; mais on y voit encore la mention d'une victoire remportée par lui ou en son nom. Néanmoins, il demeura ou devint en horreur au peuple. Il paraît même qu'on ne l'ensevelit pas dans le monument orgueilleux qu'il s'était préparé, et que ni lui, ni Khéphren "ne purent, comme l'a dit Bossuet, jouir de leur sépulcre". Du moins, Hérodote le fait entendre du premier, et Diodore le dit formellement de tous les deux, en ajoutant que le peuple menaçait d'en arracher leurs cadavres, s'ils y étaient déposés. Si le nom de Khoufou a été trouvé dans la grande pyramide, ce n'est point sur le sarcophage, ni même dans la salle que ce monument occupait ; c'est sur des pierres du revêtement, où des ouvriers l'avaient tracé pendant leur travail. Le nom de Schafra ne se trouve pas non plus dans sa pyramide, où pourtant on lit des caractères égyptiens : il se trouve sur un tombeau du voisinage avec l'épithète de grand par la pyramide ou roi de la grande pyramide. Plusieurs de ses statues ont été récemment retrouvées, et, dans une lettre que la Revue archéologique a publiée en 1860, M. Mariette exprime hautement l'admiration que lui inspire l'art des Égyptiens à cette époque si reculée.
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