samedi 2 janvier 2010

L'"horizon manqué de Khéops", selon Jean-François Sers

Dans un ouvrage publié en 1992 (*), le journaliste Jean-François Sers entend démontrer que les techniques de construction de l'ensemble des pyramides égyptiennes ont atteint leur "apogée" avec l'édification de la pyramide de Khéphren.
Pour ce faire, il s'est toutefois obligé à faire, au titre d'une démonstration a contrario, un grand détour du côté de la pyramide de Khéops, en lui consacrant une quarantaine de pages de son livre, illustrations à l'appui.
Je reviendrai, dans une prochaine note, sur l'argumentation de l'auteur concernant Khéphren. Dans un premier temps, voici, dans les grandes lignes, les observations qu'il propose au sujet de Khéops :

- technique de levage des blocs de pierre : cette question a fait l'objet d'une "réponse définitive" (sic), à savoir celle proposée par Jean-Philippe Lauer, "la seule technique possible [étant] celle de la rampe d'accès s'élevant en même temps que la pyramide".
- l'existence et la "hiérarchie" de trois chambres au sein de la pyramide relèvent d'une "cohérence architecturale", elle-même tributaire d'une "cohérence religieuse" : l'auteur rappelle que le "royaume" de la mort, pour les Égyptiens, était triple :"Ainsi en va-t-il du monde de la mort. Dans les temps les plus reculés, celui-ci était un monde souterrain. Tout simplement parce que les morts étaient ensevelis dans la terre. Mais le monde souterrain était froid, hostile, figé. Il correspondait mal à l'idée que l'on pouvait se faire d'une survie heureuse. Un autre monde s'offrait à l'imagination humaine. Monde de la nuit, certes, mais brillant de mille feux, harmonieux, vivant même puisque se déplaçant sans fin : celui des étoiles. Ce nouveau royaume de la mort, ce sera la douat, transcrit par une étoile dans un cercle, unissant ainsi l'ancien monde de la mort (la partie inférieure du cercle) au nouveau. Mais somment le pharaon, qui est déjà un demi-dieu, va-t-il s'intégrer dans cette nouvelle cosmogonie ? Il en sera la soleil." (p. 21). Il s'ensuit que, dans la hiérarchisation des chambres sépulcrales, la chambre "solaire" est placée au-dessus des deux autres, à savoir la chambre basse (royaume souterrain de la mort) et la chambre haute (celle dite "de la Reine"), représentant le royaume stellaire de la mort.
- pour garantir le "secret" de la pyramide, la partie basse du couloir ascendant et la partie haute du puits d'échappement ont été construites en tout dernier lieu, par une petite équipe d'ouvriers particulièrement fiables qui étaient les seuls à connaître les moyens d'accès à la chambre sépulcrale supérieure ("chambre du Roi").
- les conduits dits "d'aération" ont effectivement servi à l'aération et à l'alimentation en eau potable pour les ouvriers chargés des derniers aménagements de la chambre du Roi.


L'accès au couloir ascendant (cliché John et Morton Edgar- Wikimedia commons)
Jean-François Sers développe enfin ce qu'il considère comme l'"échec" de la pyramide de Khéops : pour empêcher toute intrusion dans la pyramide, trois blocs-bouchons ont été installés dans la partie inférieure du canal ascendant et, afin de ne donner aucun indice à d'éventuels pillards, à la jonction (partie haute) du canal ascendant et du canal descendant, une pierre de parement en calcaire devait dissimuler totalement la présence des blocs-bouchons, et donc l'entrée du canal ascendant. Malheureusement, lors de la mise en place des blocs-bouchons, est arrivé ce qui n'était pas prévu :"Voilà donc arrivé l'instant clef, aboutissement des années de labeur qu'a demandées l'édification de ce tombeau sans précédent dans l'histoire des hommes. Et c'est l'accident : les bouchons de granit viennent percuter beaucoup trop violemment la pierre de parement en calcaire. Sous le choc, un des tenons se brise, et la pierre fait saillie dans la voûte du couloir descendant. Ainsi ce point, considéré comme le cœur du dispositif de sécurité et que l'on avait pris tant de soin à masquer, se trouve mis en évidence comme si l'on voulait indiquer à d'éventuels violeurs de sépulture l'endroit où creuser..." (p. 59) Les travaux de réparation ne furent d'aucune utilité : le désastre était irréparable ! Trente années de travaux pour en arriver là !
D'où cette conclusion que souligne l'auteur, en guise de transition vers la seconde partie de son livre (qui fera donc l'objet d'une autre note dans ce blog) :" ... la leçon a été retenue : les architectes savent désormais que cette méthode de fermeture n'est pas très satisfaisante. Non seulement elle laisse subsister un passage direct jusqu'aux herses (le puits d'échappement), mais surtout le principe des bouchons glissant sur un plan incliné donne des résultats incontrôlables. Ils en tiendront compte, quelques années plus tard, lorsqu'ils élaboreront la pyramide de Khephren." (pp. 60-61)

(*) Le Secret de la pyramide de Khephren, éditions du Rocher, 1992, 145 pages

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