jeudi 14 janvier 2010

La troisième chambre de la pyramide de Khéphren, selon Jean-François Sers



Les développements connus de la pyramide de Khéphren
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"Admettons donc, et c'est possible sans jamais sortir de la vraisemblance, qu'il y ait une troisième chambre. La vraie. Il reste à répondre à deux questions essentielles : où doit-elle être et selon quel système sa fermeture a-t-elle pu être assurée ?"
C'est autour de cette affirmation, extraite de son ouvrage Le Secret de la pyramide de Khéphren (éditions du Rocher, 1992) (1), que le journaliste Jean-François Sers bâtit toute son argumentation sur la structure interne de la pyramide de Khéphren.
Mais avant de mettre en place la clé de voûte de sa démonstration, il relève ce qu'il juge être des "anomalies" dans cette structure interne :
- contrairement à la pyramide de Khéops, celle de Khéphren ne comporte - tel est du moins le constat actuel - que deux chambres, alors que, pour les Égyptiens, le royaume de la mort était triple (voir ma première note de présentation de l'ouvrage de J.-F. Sers) ;
- deuxième incohérence : les deux couloirs (descenderie inférieure et descenderie supérieure), correspondant aux deux entrées, se rejoignent, une rampe ascendante reliant le couloir horizontal inférieur au couloir horizontal supérieur (pour cause de changement de plan ?) ;
- les pentes des deux couloirs descendants et du couloir ascendant de liaison n'ont pas la même valeur.
Une comparaison des deux chambres royales de Khéops et de Khéphren permet à l'auteur d'affirmer :"... à cette époque encore, les constructeurs n'avaient d'autre solution, pour être sûrs de [la] voûte en chevrons, que de la surdimensionner... Si l'on transporte ce rapport taille-résistance à Khéphren, cela donne une voûte en chevrons de 30 m d'épaisseur au bas mot, ce qui supposerait des pierres d'une taille et d'un poids tels que l'on excéderait là non pas tant les possibilités techniques de manutention de l'époque que l'intérêt de mettre cette chambre au niveau du sol alors qu'il aurait été si simple de l'enterrer profondément dans le rocher... ou de la bâtir plus haut." (op.cit. p.112)
Dans la mesure où tel n'est pas le cas, cela signifie, poursuit Jean-François Sers, que "selon toute vraisemblance, un système de décharge [a été installé] au-dessus de la chambre sépulcrale. (...) Il existe alors, à une hauteur X exactement à la verticale de cette chambre, un système qui renvoie l'essentiel de la poussée sur les côtés."

La troisième chambre étant couverte,
la construction du couloir transversal peut commencer
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Ce "système" prend rapidement forme sous la plume de l'auteur : il l'appelle la "troisième chambre" de Khéphren. Mieux : la véritable chambre sépulcrale, même si on ne l'a pas encore découverte. Elle est située vraisemblablement, toujours dans la logique de l'auteur, à une vingtaine de mètres au maximum, à l'aplomb de la seule chambre sépulcrale que nous connaissions actuellement. Cette dernière se retrouve alors reléguée au rang de chambre sépulcrale factice, de "simulacre", bien qu'étant "crédible", autrement dit le meilleur des leurres pour d'éventuels pillards.
L'accès à la troisième chambre - nous poursuivons le raisonnement de l'auteur - suppose l'existence d'un couloir ascendant prenant en un point, évidemment non décelable, du couloir descendant (descenderie) supérieur. Ce point est fixé à la troisième dalle du plafond de l'espace intermédiaire entre le couloir descendant supérieur et le couloir horizontal menant à la (fausse) chambre sépulcrale.
Une dérivation ou couloir transversal relie cette jonction au couloir ascendant.
Revenant à sa comparaison entre Khéphren et Khéops, Jean-François Sers constate :"L'architecte de Khéphren avait les mêmes impératifs que celui de Khéops, mais avec l'énorme avantage sur ce dernier de savoir ce qu'il fallait ne pas faire. (...) Il fallait (...) éviter de retomber dans deux erreurs. D'abord, une fermeture de l'accès à la chambre sépulcrale par l'intérieur, ce qui obligeait à laisser subsister un puits d'échappement. Donc un point de faiblesse indiscutable. Ensuite, ne pas s'en remettre, pour cette fermeture, au principe du bouchon dévalant une pente. Le résultat en était beaucoup trop aléatoire..." (op.cit. p.125)

Descente de la troisième dalle
et système de piston à sable
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La phase finale de la construction de la pyramide, après la dépose de la dépouille du pharaon dans la troisième chambre, consiste en la fermeture définitive du couloir transversal donnant sur le couloir ascendant, par la mise en place de la troisième dalle. Cette opération délicate, puisque destinée à camoufler totalement tout indice permettant de détecter la voie d'accès vers la vraie chambre sépulcrale, a été possible grâce à l'utilisation d'un "piston à sable", le principe étant le suivant : la masse à mettre en place - ici : la troisième dalle - repose sur la partie haute d'un piston, lequel, en son point bas, est installé sur un système d'échappement (accumulation de sable dans un entonnoir) ; au fur et à mesure que le sable s'écoule par le bas, la masse descend, sans le moindre effort, et en douceur.
L'entonnoir étant constituée par une "percée intermédiaire" débouchant sur le couloir ascendant par lequel s'écoulera le sable, la délicate opération de dissimulation d'accès au couloir menant à la (vraie) chambre du roi est décrite en ces termes :" (Le piston à sable) comprend un axe de travail haut, un axe d'échappement intermédiaire oblique et un point d'écoulement bas. Quatre dalles recouvrent la portion du couloir horizontal comprise entre la herse et la jonction des couloirs haut et bas. L'axe du piston se trouve exactement sous la troisième de ces dalles. Et le centre de cet axe est au milieu de cette dalle. C'est donc elle que le jeu du piston devait amener en place lors de la fermeture de la pyramide, et qui masque l'accès conduisant à la véritable chambre sépulcrale. Mais cet accès n'est pas dans le même plan que le couloir horizontal (...). Il lui est parallèle, mais décalé. Très probablement vers l'ouest, c'est-à-dire vers le centre de la pyramide. Et c'est un couloir de liaison transversal qui y conduit. Un couloir de faible longueur, orienté de l'est à l'ouest et qui n'a pas été bâti, mais percé après coup à travers le massif de la pyramide." (op.cit. p.130)
Une fois que le piston à sable a joué son rôle, son bâti en bois est évidemment supprimé, de même que la partie sud de l'axe de travail du piston, qui est éliminée au burin. Puis "le corps du piston est obturé par des blocs de calcaire et le trou d'échappement [du sable, par le couloir de liaison] bouché au mortier." (p. 132)
Une telle astuce technique a permis, selon Jean-François Sers, aux bâtisseurs de Khéphren de surmonter la difficulté rencontrée par ceux de Khéops, une difficulté non parfaitement résolue par eux, pour rendre le système de sécurité de leur pyramide pleinement efficace et satisfaisant.
Tel est donc, selon Jean-François Sers, le "secret" de la pyramide de Khéphren : l'existence vraisemblable d'une troisième chambre, qui n'aurait jamais été découverte et serait donc restée intacte depuis quarante-sept siècles. Les opérations de prospection, conclut l'auteur, ne seraient pas très complexes, avec les procédés techniques modernes. Mais ceci est une autre histoire...

(1) La première partie de cet ouvrage, consacrée à la pyramide de Khéops, a déjà été présentée dans ce blog. Voir ICI
Les illustrations de cet article sont extraites de l'ouvrage de J.-F. Sers. Elles sont reproduites ici avec l'aimable autorisation des éditions du Rocher.

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