Le Sarthois Édouard de Montulé (1792-?), voyageur et dessinateur, chevalier de l'Ordre royal de la Légion d'Honneur relate, dans son ouvrage Voyage en Amérique, en Italie, en Sicile et en Égypte pendant les années 1816, 1817, 1818 et 1819, tome 2, sa découverte du site de Guizeh, en se référant à Hérodote, tout en précisant qu'il ne comprend pas toujours les descriptions de cet historien.
De ce récit, Françoise Chaserat, conservateur, directeur des musées du Mans, note qu'il est "à plus d'un titre exemplaire. Édouard de Montulé se montre un esprit ouvert, intéressé par tout ce qu'il voit et sans aucun préjugé. Son regard à la fois sur le pays et sur ses habitants est digne d'un disciple de Rousseau." "L'Arabe, écrit de Montulé, est bon, généreux, complaisant même ; esclave d'un gouvernement despotique, sans cesse il cherche à améliorer son sort." (source : Maine Découvertes, n° 17, juin-juillet-août 1998)
J'ai retenu de l'ouvrage d'Édouard de Montulé les quelques extraits qui suivent. L'auteur y développe notamment sa théorie sur les techniques mises en œuvre pour hisser les blocs de pierre à flanc de pyramide en cours de construction, à savoir le recours à un "chemin tournant" et à des "manivelles en bois susceptibles d'être portées d'un gradin à l'autre".
Selon Hérodote, la première des pyramides fut bâtie par Chéops ; elle coûta vingt ans de travail, et des sommes immenses. Cet historien nous dit qu'elle était séparée des autres par un canal du Nil. La plus vigoureuse inspection des lieux ne m'a pas laissé apercevoir la moindre trace de ce canal ; je vous ferai part de mes autres réflexions, à mon retour de la Haute-Égypte, époque à laquelle je me propose de visiter encore les pyramides. Avant de les quitter, je veux pourtant vous soumettre une idée sur les moyens qu'on a employés dans leur construction.
On a généralement supposé que les Égyptiens se servaient de grandes machines pour enlever les masses de pierres dont leurs monuments sont formés, quoiqu'on n'en ait trouvé aucun reste, et que leurs plus petits instruments se soient conservés presqu'intacts jusqu'à nos jours. Ne serait-il pas plus naturel de croire qu'ils faisaient usage de chemins inclinés sur lesquels on roulait simplement les pierres ? Cette manière qui paraîtra d'abord étonnante par la longueur du travail, était peut-être plus rapide que toute autre ; car les enfants même pouvaient apporter les terres.
Voici donc en peu de mots comment je me figure que les pyramides ont été élevées : supposons que la première assise de pierres est placée ; pour poser la seconde, près de l'un des angles, on construisit un chemin en pente douce sur lequel on amena sans peine les pierres de la seconde, qu'on plaça de même que la première assise, dépassant celle-ci de trois pieds. Pour former le troisième lit de pierres, on poussa le chemin en pente jusqu'à l'angle voisin du premier. Si les trois pieds, dont la première assise débordait la seconde, ne suffisaient pas pour le soutenir, on le fit appuyer jusqu'à terre. Arrivés à la quatrième assise, le chemin courut jusqu'au troisième angle en s'appuyant sur les deux premiers gradins. Le talus des terres pouvant être supposé de quarante-cinq degrés, et celui de la pyramide étant aussi de quarante-cinq degrés, vous verrez que le chemin eut toujours six pieds de large et que sa pente n'augmenta pas sensiblement. Si je me suis expliqué clairement, vous devez voir que les pierres seront facilement arrivées par ce chemin tournant jusqu'au sommet, et que de-là, commençant à les tailler en abattant leurs angles, on fit de chaque face un triangle uni, ainsi que le prouve le revêtement qui reste encore à la seconde pyramide. Vous sentez que les espèces de gradins irréguliers.sur lesquels on monte maintenant ne sont autre chose que les pierres qui supportaient celles qui servirent au revêtement : je ne veux pas vous fatiguer plus longtemps du récit des pyramides, nous allons retourner au Caire.
(...) La grande pyramide, celle de Chéops, a, comme vous savez, deux canaux, tous deux en pente, dont l'un conduit et descend jusqu'aux tombeaux creusés dans le roc et sous l'axe même de l'édifice, et l'autre monte jusqu'à la chambre : vers le milieu de celui-ci, on trouve à droite une ouverture, c'est celle du puits ; au bas du premier, on en trouve une absolument semblable. Moustapha, placé à l'ouverture supérieure, me parla, et j'entendis sa voix du bas du puits où je me trouvais ; ayant même lâché la bougie qu'il tenait à la main, elle tomba à mes pieds. Comme j'avais la certitude que les deux ouvertures se communiquaient, je résolus de parcourir tout l'intérieur de cette espèce de cheminée ronde, mais tant soit peu irrégulière. M. Forest m'accompagna ; chacun de nous était armé d'une lumière que les chauves-souris venaient éteindre à chaque instant.
Nous montions avec peine ; vous vous figurerez la fatigue qu'on éprouve dans un lieu si resserré où l'on étouffe de chaleur. Il est aussi difficile que nécessaire de bien placer ses pieds dans de petites entailles faites dans la pierre ; si l'on en manquait une, on tomberait infailliblement au fond du puits en entraînant tous ceux qui se trouveraient plus bas. Après un quart d'heure, nous arrivâmes à l'ouverture supérieure par laquelle, au premier voyage, j'avais en vain essayé de descendre.
Quel était l'usage de ce puits ? Servit-il, comme a prétendu M. Maillet, à retirer les ouvriers qui firent glisser les pierres destinées à fermer la galerie et le canal ascendant de la pyramide ; ou ne fut-il qu'une communication secrète avec la chambre sépulcrale ? Je le croirais d'autant plus volontiers que, dans cette hypothèse, les tombeaux creusés dans le roc au pied de la pyramide n'auraient été faits que pour tromper la curiosité du voyageur, et la fureur du conquérant qui aurait voulu violer le sarcophage du roi, et que le puits, toujours facile à fermer, aurait néanmoins offert un passage aux prêtres et aux parents du défunt.
(...) Arrivé au pied de la seconde pyramide, au revêtement de laquelle je désirais si ardemment de parvenir, les Arabes m'assurèrent qu'aucun Européen n'y était jamais allé ; cela m'encourageant encore, je commençai à monter, et les deux plus hardis me suivirent. Cette expédition était d'autant plus difficile que, maladroitement, je choisis une des faces qui, nécessairement, ont moins de talus que les angles. Les pierres énormes auxquelles je m'attachais et que je croyais solides, se dérobaient tout-à-coup sous mes mains et roulaient comme une avalanche jusqu'au pied de la pyramide. J'étais exténué ; M. Forest m'avait depuis longtemps abandonné, et je désespérais presque de réussir lorsque je trouvai les assises de pierres un peu plus solides, et bientôt je me vis sous les masses avancées du revêtement. Je m'applaudis pendant quelques moments de mon heureuse réussite, et j'inscrivis mon nom sur l'angle sud-est ; aucun autre n'y était encore..
Il ne reste du revêtement qu'une pointe d'environ quatre-vingts ou cent pieds, toute formée de vastes pierres dont les angles auront été abattus et la surface égalisée de la façon que je vous expliquai à mon premier voyage. J'en ai détaché un très gros morceau qui pourra prouver par la petite mousse qui se trouve encore dessus, que jamais ces monuments ne furent couverts ni de stuc ni de marbre, à moins qu'on ne veuille appeler de ce nom toutes les pierres calcaires ; celles-ci cependant sont un peu plus dures que celles qu'on employa pour la construction du corps de la pyramide.
À l'extrémité, sur une espèce de plate-forme à laquelle les pierres, extrêmement lisses, ne me permettaient pas de parvenir, j'aperçus un bloc qui me sembla de marbre, et travaillé comme le fronton d'un temple grec, ou plutôt comme le piédestal renversé d'une statue colossale.
D'après la tradition, il paraît que ces deux pyramides supportaient chacune une statue d'or, ce qui serait d'autant moins étonnant qu'Hérodote nous dit que deux statues terminaient les pyramides qu'on voyait au milieu du lac Moeris ; qu'au temple de Bélus, à Babylone, il en existait aussi sur des monuments ; et qu'enfin cette idée expliquerait la fureur avec laquelle on s'est attaché à détruire la surface polie qui seule défendait ces édifices.
Peut-être qu'arrivé sous le revêtement encore existant de la seconde pyramide, fatigué du travail, on trouva quelque moyen de parvenir au sommet ; ce qu'on put faire, en enfonçant successivement des morceaux de fer entre le joint des pierres, ou bien en lançant, au moyen d'une flèche, au-dessus de la plate-forme, une petite corde qui en entraîna une plus grosse, ou même une échelle. Je sais qu'on m'objectera que, pour arriver aux statues, on n'avait pas besoin de détruire le revêtement entier ; mais la fureur de Cambyse a dû nécessairement s'assouvir sur des monuments qui, par leur grandeur et leur renommée, blessaient plus que tout autre les yeux d'un barbare. On croirait que du sommet de la première pyramide on pourrait distinguer ce qui occupe la plate-forme de la seconde ; mais non, ces deux masses si rapprochées par la base sont tellement éloignées par leur sommet qu'on ne voit que confusément de l'une sur l'autre.
Avant de quitter la pyramide, je dois vous faire observer qu'on n'y trouve aucune espèce d'hiéroglyphes ; ce qui est contraire à l'assertion d'Hérodote, qui dit qu'elles en étaient couvertes ; je dois avouer d'ailleurs que je ne comprends pas toujours les descriptions de cet auteur : il dit que la pyramide de Chéops était entourée du Nil, et, comme je l'ai déjà remarqué, on n'en voit pas la possibilité. La seconde pyramide n'avait point, selon lui, de canal ni de chambre intérieure ; vous avez vu que M. Belzoni les a trouvés, et que je m'y suis promené pendant plus de trois quarts d'heure. L'opinion de l'historien grec sur la construction des pyramides me paraît plus plausible, et convient d'autant plus volontiers qu'elle ne suppose point ces grandes machines dont on a prétendu que les Égyptiens faisaient usage ; il dit qu'après avoir placé la première assise, on se servit, pour élever les pierres de la seconde, de manivelles en bois peu pesantes et susceptibles d'être portées d'un gradin à l'autre; il cite une inscription qui indiquait les dépenses en argent, en aulx et en oignons qu'avait nécessitées l'érection de ce fastueux tombeau : si jamais elle exista, elle fut détruite avec le revêtement, peut-être même est-ce cette suite d'hiéroglyphes qu'on voit gravés dans une carrière voisine. Je vous ai sans doute bien fatigué du récit des pyramides ; mais en visitant ces monuments, la curiosité craint toujours d'oublier quelque chose.
Les illustrations sont extraites de l'ouvrage d'Édouard de Montulé
De ce récit, Françoise Chaserat, conservateur, directeur des musées du Mans, note qu'il est "à plus d'un titre exemplaire. Édouard de Montulé se montre un esprit ouvert, intéressé par tout ce qu'il voit et sans aucun préjugé. Son regard à la fois sur le pays et sur ses habitants est digne d'un disciple de Rousseau." "L'Arabe, écrit de Montulé, est bon, généreux, complaisant même ; esclave d'un gouvernement despotique, sans cesse il cherche à améliorer son sort." (source : Maine Découvertes, n° 17, juin-juillet-août 1998)
J'ai retenu de l'ouvrage d'Édouard de Montulé les quelques extraits qui suivent. L'auteur y développe notamment sa théorie sur les techniques mises en œuvre pour hisser les blocs de pierre à flanc de pyramide en cours de construction, à savoir le recours à un "chemin tournant" et à des "manivelles en bois susceptibles d'être portées d'un gradin à l'autre".
Selon Hérodote, la première des pyramides fut bâtie par Chéops ; elle coûta vingt ans de travail, et des sommes immenses. Cet historien nous dit qu'elle était séparée des autres par un canal du Nil. La plus vigoureuse inspection des lieux ne m'a pas laissé apercevoir la moindre trace de ce canal ; je vous ferai part de mes autres réflexions, à mon retour de la Haute-Égypte, époque à laquelle je me propose de visiter encore les pyramides. Avant de les quitter, je veux pourtant vous soumettre une idée sur les moyens qu'on a employés dans leur construction.
On a généralement supposé que les Égyptiens se servaient de grandes machines pour enlever les masses de pierres dont leurs monuments sont formés, quoiqu'on n'en ait trouvé aucun reste, et que leurs plus petits instruments se soient conservés presqu'intacts jusqu'à nos jours. Ne serait-il pas plus naturel de croire qu'ils faisaient usage de chemins inclinés sur lesquels on roulait simplement les pierres ? Cette manière qui paraîtra d'abord étonnante par la longueur du travail, était peut-être plus rapide que toute autre ; car les enfants même pouvaient apporter les terres.
Voici donc en peu de mots comment je me figure que les pyramides ont été élevées : supposons que la première assise de pierres est placée ; pour poser la seconde, près de l'un des angles, on construisit un chemin en pente douce sur lequel on amena sans peine les pierres de la seconde, qu'on plaça de même que la première assise, dépassant celle-ci de trois pieds. Pour former le troisième lit de pierres, on poussa le chemin en pente jusqu'à l'angle voisin du premier. Si les trois pieds, dont la première assise débordait la seconde, ne suffisaient pas pour le soutenir, on le fit appuyer jusqu'à terre. Arrivés à la quatrième assise, le chemin courut jusqu'au troisième angle en s'appuyant sur les deux premiers gradins. Le talus des terres pouvant être supposé de quarante-cinq degrés, et celui de la pyramide étant aussi de quarante-cinq degrés, vous verrez que le chemin eut toujours six pieds de large et que sa pente n'augmenta pas sensiblement. Si je me suis expliqué clairement, vous devez voir que les pierres seront facilement arrivées par ce chemin tournant jusqu'au sommet, et que de-là, commençant à les tailler en abattant leurs angles, on fit de chaque face un triangle uni, ainsi que le prouve le revêtement qui reste encore à la seconde pyramide. Vous sentez que les espèces de gradins irréguliers.sur lesquels on monte maintenant ne sont autre chose que les pierres qui supportaient celles qui servirent au revêtement : je ne veux pas vous fatiguer plus longtemps du récit des pyramides, nous allons retourner au Caire.
(...) La grande pyramide, celle de Chéops, a, comme vous savez, deux canaux, tous deux en pente, dont l'un conduit et descend jusqu'aux tombeaux creusés dans le roc et sous l'axe même de l'édifice, et l'autre monte jusqu'à la chambre : vers le milieu de celui-ci, on trouve à droite une ouverture, c'est celle du puits ; au bas du premier, on en trouve une absolument semblable. Moustapha, placé à l'ouverture supérieure, me parla, et j'entendis sa voix du bas du puits où je me trouvais ; ayant même lâché la bougie qu'il tenait à la main, elle tomba à mes pieds. Comme j'avais la certitude que les deux ouvertures se communiquaient, je résolus de parcourir tout l'intérieur de cette espèce de cheminée ronde, mais tant soit peu irrégulière. M. Forest m'accompagna ; chacun de nous était armé d'une lumière que les chauves-souris venaient éteindre à chaque instant.
Nous montions avec peine ; vous vous figurerez la fatigue qu'on éprouve dans un lieu si resserré où l'on étouffe de chaleur. Il est aussi difficile que nécessaire de bien placer ses pieds dans de petites entailles faites dans la pierre ; si l'on en manquait une, on tomberait infailliblement au fond du puits en entraînant tous ceux qui se trouveraient plus bas. Après un quart d'heure, nous arrivâmes à l'ouverture supérieure par laquelle, au premier voyage, j'avais en vain essayé de descendre.
Quel était l'usage de ce puits ? Servit-il, comme a prétendu M. Maillet, à retirer les ouvriers qui firent glisser les pierres destinées à fermer la galerie et le canal ascendant de la pyramide ; ou ne fut-il qu'une communication secrète avec la chambre sépulcrale ? Je le croirais d'autant plus volontiers que, dans cette hypothèse, les tombeaux creusés dans le roc au pied de la pyramide n'auraient été faits que pour tromper la curiosité du voyageur, et la fureur du conquérant qui aurait voulu violer le sarcophage du roi, et que le puits, toujours facile à fermer, aurait néanmoins offert un passage aux prêtres et aux parents du défunt.
(...) Arrivé au pied de la seconde pyramide, au revêtement de laquelle je désirais si ardemment de parvenir, les Arabes m'assurèrent qu'aucun Européen n'y était jamais allé ; cela m'encourageant encore, je commençai à monter, et les deux plus hardis me suivirent. Cette expédition était d'autant plus difficile que, maladroitement, je choisis une des faces qui, nécessairement, ont moins de talus que les angles. Les pierres énormes auxquelles je m'attachais et que je croyais solides, se dérobaient tout-à-coup sous mes mains et roulaient comme une avalanche jusqu'au pied de la pyramide. J'étais exténué ; M. Forest m'avait depuis longtemps abandonné, et je désespérais presque de réussir lorsque je trouvai les assises de pierres un peu plus solides, et bientôt je me vis sous les masses avancées du revêtement. Je m'applaudis pendant quelques moments de mon heureuse réussite, et j'inscrivis mon nom sur l'angle sud-est ; aucun autre n'y était encore..
Il ne reste du revêtement qu'une pointe d'environ quatre-vingts ou cent pieds, toute formée de vastes pierres dont les angles auront été abattus et la surface égalisée de la façon que je vous expliquai à mon premier voyage. J'en ai détaché un très gros morceau qui pourra prouver par la petite mousse qui se trouve encore dessus, que jamais ces monuments ne furent couverts ni de stuc ni de marbre, à moins qu'on ne veuille appeler de ce nom toutes les pierres calcaires ; celles-ci cependant sont un peu plus dures que celles qu'on employa pour la construction du corps de la pyramide.
À l'extrémité, sur une espèce de plate-forme à laquelle les pierres, extrêmement lisses, ne me permettaient pas de parvenir, j'aperçus un bloc qui me sembla de marbre, et travaillé comme le fronton d'un temple grec, ou plutôt comme le piédestal renversé d'une statue colossale.
D'après la tradition, il paraît que ces deux pyramides supportaient chacune une statue d'or, ce qui serait d'autant moins étonnant qu'Hérodote nous dit que deux statues terminaient les pyramides qu'on voyait au milieu du lac Moeris ; qu'au temple de Bélus, à Babylone, il en existait aussi sur des monuments ; et qu'enfin cette idée expliquerait la fureur avec laquelle on s'est attaché à détruire la surface polie qui seule défendait ces édifices.
Peut-être qu'arrivé sous le revêtement encore existant de la seconde pyramide, fatigué du travail, on trouva quelque moyen de parvenir au sommet ; ce qu'on put faire, en enfonçant successivement des morceaux de fer entre le joint des pierres, ou bien en lançant, au moyen d'une flèche, au-dessus de la plate-forme, une petite corde qui en entraîna une plus grosse, ou même une échelle. Je sais qu'on m'objectera que, pour arriver aux statues, on n'avait pas besoin de détruire le revêtement entier ; mais la fureur de Cambyse a dû nécessairement s'assouvir sur des monuments qui, par leur grandeur et leur renommée, blessaient plus que tout autre les yeux d'un barbare. On croirait que du sommet de la première pyramide on pourrait distinguer ce qui occupe la plate-forme de la seconde ; mais non, ces deux masses si rapprochées par la base sont tellement éloignées par leur sommet qu'on ne voit que confusément de l'une sur l'autre.
Avant de quitter la pyramide, je dois vous faire observer qu'on n'y trouve aucune espèce d'hiéroglyphes ; ce qui est contraire à l'assertion d'Hérodote, qui dit qu'elles en étaient couvertes ; je dois avouer d'ailleurs que je ne comprends pas toujours les descriptions de cet auteur : il dit que la pyramide de Chéops était entourée du Nil, et, comme je l'ai déjà remarqué, on n'en voit pas la possibilité. La seconde pyramide n'avait point, selon lui, de canal ni de chambre intérieure ; vous avez vu que M. Belzoni les a trouvés, et que je m'y suis promené pendant plus de trois quarts d'heure. L'opinion de l'historien grec sur la construction des pyramides me paraît plus plausible, et convient d'autant plus volontiers qu'elle ne suppose point ces grandes machines dont on a prétendu que les Égyptiens faisaient usage ; il dit qu'après avoir placé la première assise, on se servit, pour élever les pierres de la seconde, de manivelles en bois peu pesantes et susceptibles d'être portées d'un gradin à l'autre; il cite une inscription qui indiquait les dépenses en argent, en aulx et en oignons qu'avait nécessitées l'érection de ce fastueux tombeau : si jamais elle exista, elle fut détruite avec le revêtement, peut-être même est-ce cette suite d'hiéroglyphes qu'on voit gravés dans une carrière voisine. Je vous ai sans doute bien fatigué du récit des pyramides ; mais en visitant ces monuments, la curiosité craint toujours d'oublier quelque chose.
Les illustrations sont extraites de l'ouvrage d'Édouard de Montulé
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