lundi 25 octobre 2010

“Historiquement, l'idée de la pyramide est née de l'essai de superposition de plusieurs mastabas, pour un effet architectural” (Étienne Drioton -XXe s.)

À l’occasion d’une visite au site de Guizeh de Son Altesse impériale le Prince héritier d’Iran, le chanoine Étienne Drioton (1889-1961), directeur général du Service des Antiquités de l'Égypte, a rédigé une plaquette sous le titre Le Sphinx et les pyramides de Giza (1939).
Dans les quelques extraits que j’ai choisis ici, on remarquera plus particulièrement les affirmations de l’auteur concernant les trois chambres de la Grande Pyramide, qui, selon lui, révèlent des changements successifs apportés par l’architecte dans le plan de l’édifice. Cette opinion, on le sait, ne fait pas l’unanimité parmi les égyptologues.





E. Drioton
"A côté, et immédiatement au sud, du temple ruiné situé en avant du Sphinx, un édifice moins détruit retient l'attention. On a pris l'habitude de l'appeler, à cause de son voisinage, le «Temple du Sphinx ». En fait c'est le temple d'accueil de la seconde Pyramide, en quelque sorte sa porterie au niveau de la vallée du Nil. Une chaussée droite s'en détache à l'arrière et se dirige, en escaladant le plateau en oblique, vers la Pyramide de Chéphren. On en suit facilement le tracé aplani, vierge aujourd'hui de toute superstructure. Cette voie ascendante se perd dans un massif de ruines, celles du temple funéraire adossé à la pyramide. Cette dernière met le terme à l'ensemble par sa gigantesque masse triangulaire.
[Les pyramides] n'étaient (…) pas, comme on se l'imagine trop communément, des blocs erratiques posés sur le désert. Mais, au-dessus d'un temple ouvert au culte des vivants, à l'extrémité d'une longue montée qui traversait le champ des morts, après un temple d'en-haut où les rites les plus saints étaient célébrés, elles se présentaient comme la montagne éternelle qui conservait jalousement, et protégeait par sa masse pour les siècles des siècles, le corps du dieu qu'était le pharaon, aux abords de cette immensité insondable du désert occidental où le soleil se couchait chaque soir. Les noms qu'elles portaient dans l'antiquité, «l'Horizon de Chéops», «Chéphren est grand», «Mycérinus est divin», définissent cette apothéose.
De plus, dans la symbolique solaire qui a pénétré l'architecture funéraire de la IVe dynastie, la silhouette des pyramides représentait une goutte triangulaire de lumière, la dernière, figée sur terre, d'une chaîne immatérielle et invisible de triangles semblables qui remontait jusqu'au soleil, et par laquelle l'esprit du roi pouvait s'élever jusqu'au ciel. (...)




À quelle époque ce travail gigantesque [la construction du Sphinx] a-t-il été accompli ? On ne sait encore rien d'absolument sûr à ce sujet. Il paraît pourtant évident que le Sphinx est antérieur à la construction de la Pyramide de Chéphren (vers 2650 av. J.-C.) , puisque le temple d'accès de cette pyramide est déporté vers le sud par rapport à l'axe normal, occupé par le Sphinx. Par ailleurs la plate-forme sur laquelle est posé le Sphinx est établie en contre-bas dans une cuve creusée de trois côtés dans le roc vif, exactement comme l'assiette de la seconde Pyramide. Cette similitude de procédé peut indiquer une identité d'architecte. Il faudrait en conclure que Chéphren, ayant jeté son dévolu sur cette partie du désert pour y établir sa nécropole au sommet de la vallée montante qui donne accès au plateau, aurait trouvé en son milieu un sanctuaire antique où l'on adorait, en relation avec un grand rocher, le génie du lieu. Il aurait d'abord bâti à ce dieu un nouveau temple, et sculpté dans le rocher son image colossale, pour qu'elle veillât à jamais sur son propre repos. (…)
La nudité de ces parois [celles du temple jouxtant le Sphinx] reflète, croit-on, une philosophie religieuse de la royauté propre à l'apogée de l'Ancien Empire. Elle a son correspondant dans la nudité absolue des couloirs et de la chambre sépulcrale des pyramides de cette époque, alors que sous les dynasties suivantes couloir et chambre sont couverts de textes magiques, propres à assurer la protection du roi et ses destinées outre-tombe. Sous la IVe dynastie, le roi n'a cure d'un pareil service : c'est de droit divin qu'il accède à l'apothéose après sa mort ; il est dieu sans restriction dans l'autre monde comme ici bas. Plus tard, après l'affaiblissement de la royauté, il aura de nouveau recours aux formules héritées des temps passés. Pour l'instant il est Dieu, et cela suffit à tout. (…)
Historiquement, l'idée de la pyramide est née de l'essai de superposition de plusieurs mastabas, pour un effet architectural. (...)
Les plus grandes et les plus fameuses des pyramides sont celles de Giza : celle de Chéops, bien qu'épointée, mesure encore 137 mètres de hauteur, celle de Chéphren,135 m.50, et celle de Mycérinus 66. Toutes sont pleines, à part, pour la grande Pyramide, quelques espaces de
décharge dans la construction, et elles ne renferment que le caveau funéraire du roi avec son corridor d'accès. L'entrée de celui-ci, obstrué définitivement, après l'achèvement de la
pyramide par le revêtement de calcaire, se trouve sur la face nord.
Le fait que la grande Pyramide comporte trois chambres intérieures, à des étages différents, ne doit pas faire illusion : il ne s’agit pas d'un tombeau de famille. Cette pluralité correspond à des changements successifs dans les plans de l'architecte qui, au cours même du travail, a agrandi son œuvre et remonté en conséquence le caveau central, abandonnant par deux fois les projets précédents en voie d'exécution. (...)"


Pour le texte intégral de cette plaquette : gizapyramids

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