L’ouvrage Au Pays des Pyramides (1906), du R.P. Eugène Chautard (1851-1915), des Missions africaines de Lyon, ancien missionnaire en Égypte et au Dahomey, trouve directement son inspiration dans Hérodote. On ne peut en être surpris, tant le Père de l’Histoire a marqué de ses écrits de nombreuses générations de chercheurs ou de passionnés d’égyptologie.
Voici la présentation qui est faite de cet ouvrage, dans un préambule au style assurément d’une autre époque : “Devenu directeur au grand séminaire des Missions Africaines, après avoir évangélisé l'Égypte et le Dahomey, le P. Chautard a rapporté de ses courses apostoliques des souvenirs très vivants et très pittoresques. C'est vraiment un charme que de voyager en sa compagnie Au pays des Pyramides. En nous faisant visiter Alexandrie, Le Caire, Memphis et sa nécropole, les rives du Nil et le canal de Suez, notre aimable cicérone nous fournit une foule de renseignements précieux, si bien qu'après avoir fermé le livre, nous sommes tout étonnés d'avoir appris tant de choses sur l'Égypte ancienne et moderne. L'ouvrage est d'une lecture très attrayante : il est écrit « à la missionnaire », c'est-à-dire dans un style simple et entraînant, avec, çà et là, des traits et des anecdotes d'un pittoresque savoureux.”
“À propos de la grande Pyramide, deux choses vous stupéfient : la somme de travail qu'a dû coûter ce monument cyclopéen et la difficulté de hisser à plus de cent quarante mètres de hauteur des blocs de pierre pesant parfois plusieurs tonnes, à une époque où l'on ne connaissait ni la vapeur, ni l'électricité.
Hérodote visita les pyramides, vers l'an 450 avant Jésus-Christ. Elles étaient alors revêtues d'un enduit couvert d'hiéroglyphes. Une de ces inscriptions portait que les ouvriers avaient dépensé seize cents talents d'argent pour leur nourriture en ail, en persil et en oignons. Et il fait remarquer que la somme dépensée en autre nourriture et en outils a dû être fabuleuse.
Suivant le même historien, cent mille hommes, que l'on remplaçait tous les trois mois, auraient été employés par le roi Chéops, les uns à extraire des pierres des montagnes arabiques, les autres à les transporter jusqu'au Nil. À partir d'un débarcadère, on construisit une chaussée en pierre de taille ornée de figures sculptées et aboutissant à l'emplacement de la pyramide à édifier.
Cette chaussée monumentale, dont on retrouve encore les traces, coûta dix ans de travail, et la construction de la pyramide elle-même exigea vingt ans. Donc trente années de travail pour cent mille Égyptiens !
D'après Hérodote, on commença d'abord par construire les chambres souterraines, puis les chambres intérieures, qui devaient servir de caveau au roi et à la reine.
Le caveau du roi, auquel on accède par des couloirs, contient encore de nos jours un sarcophage de granit rouge, sans ornements ni hiéroglyphes ; mais la momie royale a disparu depuis des siècles.
Le caveau de la reine ne contient pas même un sarcophage.
Hérodote ne nous dit pas si l'on a construit les pyramides tout d'une pièce, ce qui aurait simplifié la difficulté. Mais l'étude de l'ensemble des Pyramides, faite par le docteur Lepsius et d'autres savants, a prouvé que leur construction avait commencé par le centre et s'était développée par couches concentriques que l'on ajoutait successivement autour du noyau central, à mesure que la vie du roi se prolongeait.
Les Pyramides étaient, en effet, destinées à être les tombeaux des princes qui les ont fait construire ; impossible d'en douter aujourd'hui.
Chaque souverain, dès son avènement au trône, faisait commencer la construction de sa pyramide tumulaire, et sur de modestes proportions, afin d'en assurer l'achèvement, en cas de mort prématurée. À mesure qu'il avançait en âge, le prince faisait ajouter de nouvelles couches de maçonnerie à son tombeau pyramidal. À sa mort, on terminait simplement la couche commencée, on déposait le corps du roi dans le caveau et on couvrait la pyramide d'un revêtement très résistant, qui en faisait disparaître les gradins et scellait le tombeau du roi défunt pour le garder inviolable. Si le roi Chéops avait vécu plus longtemps, nous aurions donc eu une pyramide encore plus massive et plus élevée. Quels hommes que ces anciens Égyptiens ! Quelles grandes choses la vie future leur a inspirées et fait exécuter ! Que ces créateurs des Pyramides et des momies étaient loin de la conception des fours crématoires !
L'Égypte n'est pas seulement le pays des Pyramides, c'est encore celui des Sphinx. Si on y voit une centaine de pyramides de toutes dimensions, on y compte encore un plus grand nombre de sphinx, dont beaucoup malheureusement ont été mutilés.
Allons visiter le plus célèbre de tous, le sphinx de Guizeh ; il est en plein désert, à cinq ou six cents mètres de la grande Pyramide. On sait que le sphinx a un corps de lion terminé par un buste et une tête de femme. Plus d'un Oedipe a essayé de deviner la signification des sphinx égyptiens. Le concours est encore ouvert, à moins que vous ne vouliez y voir le symbole de l'humanité : force et courage chez l'homme, représenté par le lion ; grâce et adresse chez la femme.
On comprendrait alors que les souverains fastueux de l'antique Égypte aient disposé comme symbole de la puissance, d'innombrables sphinx en longues avenues qui proclament d'avance et l'importance des monuments et la gloire de leurs fondateurs. Dans cette hypothèse, l'avenue des béliers de Karnak désignerait probablement les valeureux soldats qui furent l'instrument des conquêtes du prince, son créateur.
Le sphinx de Guizeh provient, je crois, d'une autre conception ; son isolement et sa très haute antiquité lui donnent un caractère à part. D'après une inscription hiéroglyphique, il serait bien antérieur aux Pyramides puisqu'il aurait été réparé par le roi Chéops, fondateur de la première Pyramide. La même inscription nous dépeint le sphinx comme la représentation du dieu Horn-em-Khou (Horus dans le soleil brillant).
Donnons-en une description sommaire. Le sphinx de Guizeh est un rocher naturel que l'on a façonné en forme de lion à tête de femme et accroupi. Ses dimensions sont vraiment colossales : la longueur, depuis les pattes jusqu'à la naissance de la queue, est de cinquante-sept mètres ; la tête seule mesure neuf mètres depuis le menton jusqu'au sommet du front ; malheureusement, le nez est mutilé et le menton ébréché.
Malgré ces mutilations, le colosse impressionne encore vivement. Sa figure exprime un calme infini, une grandeur majestueuse, et son regard, fixé sur l'Orient, semble vouloir interroger l'avenir, cet autre sphinx impénétrable.
Les sables du désert de Libye menacent toujours d'enterrer le sphinx, comme ils ont englouti tant d'autres monuments, parmi lesquels un temple de granit, découvert par Mariette-bey, à proximité du sphinx lui-même.
Ce temple est un édifice de forme rectangulaire, construit en superbe granit rose, à grains très fins. Une grande salle en occupe le milieu ; on y voit six piliers de granit, dont les monolithes mesurent jusqu'à cinq mètres de longueur. Des blocs d'albâtre surmontent les piliers des deux chambres voisines. L'absence de toute moulure, de toute ornementation, de toute inscription, fait supposer que ce temple remonte à une antiquité supérieure à celle de la grande Pyramide.”
Source : Gallica
Voici la présentation qui est faite de cet ouvrage, dans un préambule au style assurément d’une autre époque : “Devenu directeur au grand séminaire des Missions Africaines, après avoir évangélisé l'Égypte et le Dahomey, le P. Chautard a rapporté de ses courses apostoliques des souvenirs très vivants et très pittoresques. C'est vraiment un charme que de voyager en sa compagnie Au pays des Pyramides. En nous faisant visiter Alexandrie, Le Caire, Memphis et sa nécropole, les rives du Nil et le canal de Suez, notre aimable cicérone nous fournit une foule de renseignements précieux, si bien qu'après avoir fermé le livre, nous sommes tout étonnés d'avoir appris tant de choses sur l'Égypte ancienne et moderne. L'ouvrage est d'une lecture très attrayante : il est écrit « à la missionnaire », c'est-à-dire dans un style simple et entraînant, avec, çà et là, des traits et des anecdotes d'un pittoresque savoureux.”
“À propos de la grande Pyramide, deux choses vous stupéfient : la somme de travail qu'a dû coûter ce monument cyclopéen et la difficulté de hisser à plus de cent quarante mètres de hauteur des blocs de pierre pesant parfois plusieurs tonnes, à une époque où l'on ne connaissait ni la vapeur, ni l'électricité.
Hérodote visita les pyramides, vers l'an 450 avant Jésus-Christ. Elles étaient alors revêtues d'un enduit couvert d'hiéroglyphes. Une de ces inscriptions portait que les ouvriers avaient dépensé seize cents talents d'argent pour leur nourriture en ail, en persil et en oignons. Et il fait remarquer que la somme dépensée en autre nourriture et en outils a dû être fabuleuse.
Suivant le même historien, cent mille hommes, que l'on remplaçait tous les trois mois, auraient été employés par le roi Chéops, les uns à extraire des pierres des montagnes arabiques, les autres à les transporter jusqu'au Nil. À partir d'un débarcadère, on construisit une chaussée en pierre de taille ornée de figures sculptées et aboutissant à l'emplacement de la pyramide à édifier.
Cette chaussée monumentale, dont on retrouve encore les traces, coûta dix ans de travail, et la construction de la pyramide elle-même exigea vingt ans. Donc trente années de travail pour cent mille Égyptiens !
D'après Hérodote, on commença d'abord par construire les chambres souterraines, puis les chambres intérieures, qui devaient servir de caveau au roi et à la reine.
Le caveau du roi, auquel on accède par des couloirs, contient encore de nos jours un sarcophage de granit rouge, sans ornements ni hiéroglyphes ; mais la momie royale a disparu depuis des siècles.
Le caveau de la reine ne contient pas même un sarcophage.
Hérodote ne nous dit pas si l'on a construit les pyramides tout d'une pièce, ce qui aurait simplifié la difficulté. Mais l'étude de l'ensemble des Pyramides, faite par le docteur Lepsius et d'autres savants, a prouvé que leur construction avait commencé par le centre et s'était développée par couches concentriques que l'on ajoutait successivement autour du noyau central, à mesure que la vie du roi se prolongeait.
Les Pyramides étaient, en effet, destinées à être les tombeaux des princes qui les ont fait construire ; impossible d'en douter aujourd'hui.
Chaque souverain, dès son avènement au trône, faisait commencer la construction de sa pyramide tumulaire, et sur de modestes proportions, afin d'en assurer l'achèvement, en cas de mort prématurée. À mesure qu'il avançait en âge, le prince faisait ajouter de nouvelles couches de maçonnerie à son tombeau pyramidal. À sa mort, on terminait simplement la couche commencée, on déposait le corps du roi dans le caveau et on couvrait la pyramide d'un revêtement très résistant, qui en faisait disparaître les gradins et scellait le tombeau du roi défunt pour le garder inviolable. Si le roi Chéops avait vécu plus longtemps, nous aurions donc eu une pyramide encore plus massive et plus élevée. Quels hommes que ces anciens Égyptiens ! Quelles grandes choses la vie future leur a inspirées et fait exécuter ! Que ces créateurs des Pyramides et des momies étaient loin de la conception des fours crématoires !
L'Égypte n'est pas seulement le pays des Pyramides, c'est encore celui des Sphinx. Si on y voit une centaine de pyramides de toutes dimensions, on y compte encore un plus grand nombre de sphinx, dont beaucoup malheureusement ont été mutilés.
Allons visiter le plus célèbre de tous, le sphinx de Guizeh ; il est en plein désert, à cinq ou six cents mètres de la grande Pyramide. On sait que le sphinx a un corps de lion terminé par un buste et une tête de femme. Plus d'un Oedipe a essayé de deviner la signification des sphinx égyptiens. Le concours est encore ouvert, à moins que vous ne vouliez y voir le symbole de l'humanité : force et courage chez l'homme, représenté par le lion ; grâce et adresse chez la femme.
On comprendrait alors que les souverains fastueux de l'antique Égypte aient disposé comme symbole de la puissance, d'innombrables sphinx en longues avenues qui proclament d'avance et l'importance des monuments et la gloire de leurs fondateurs. Dans cette hypothèse, l'avenue des béliers de Karnak désignerait probablement les valeureux soldats qui furent l'instrument des conquêtes du prince, son créateur.
Le sphinx de Guizeh provient, je crois, d'une autre conception ; son isolement et sa très haute antiquité lui donnent un caractère à part. D'après une inscription hiéroglyphique, il serait bien antérieur aux Pyramides puisqu'il aurait été réparé par le roi Chéops, fondateur de la première Pyramide. La même inscription nous dépeint le sphinx comme la représentation du dieu Horn-em-Khou (Horus dans le soleil brillant).
Donnons-en une description sommaire. Le sphinx de Guizeh est un rocher naturel que l'on a façonné en forme de lion à tête de femme et accroupi. Ses dimensions sont vraiment colossales : la longueur, depuis les pattes jusqu'à la naissance de la queue, est de cinquante-sept mètres ; la tête seule mesure neuf mètres depuis le menton jusqu'au sommet du front ; malheureusement, le nez est mutilé et le menton ébréché.
Malgré ces mutilations, le colosse impressionne encore vivement. Sa figure exprime un calme infini, une grandeur majestueuse, et son regard, fixé sur l'Orient, semble vouloir interroger l'avenir, cet autre sphinx impénétrable.
Les sables du désert de Libye menacent toujours d'enterrer le sphinx, comme ils ont englouti tant d'autres monuments, parmi lesquels un temple de granit, découvert par Mariette-bey, à proximité du sphinx lui-même.
Ce temple est un édifice de forme rectangulaire, construit en superbe granit rose, à grains très fins. Une grande salle en occupe le milieu ; on y voit six piliers de granit, dont les monolithes mesurent jusqu'à cinq mètres de longueur. Des blocs d'albâtre surmontent les piliers des deux chambres voisines. L'absence de toute moulure, de toute ornementation, de toute inscription, fait supposer que ce temple remonte à une antiquité supérieure à celle de la grande Pyramide.”
Source : Gallica
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