Victor Guérin (1824-1894) est un archéologue français, qui fut professeur de rhétorique dans divers établissements, avant d’être nommé membre de l’École d’Athènes. Au cours de ses voyages, il s’intéressa particulièrement aux antiquités du Liban, de la Phénicie, de la Palestine, de la Jordanie, de l’Égypte... (*)
Le texte qui suit est extrait de son ouvrage La Terre sainte. [Première partie] : son histoire, ses souvenirs, ses sites, ses monuments, édité en 1884.
Précisons d’emblée qu’il n’y a pas de révélations particulières à en attendre. Par contre, il se singularise par un bel optimisme et un ton élogieux sur l’art et la manière de construire mis en oeuvre par les bâtisseurs des pyramides. Quand on planche des heures durant sur ce sujet, il est bon de rencontrer, au moins de temps à autre, un tel enthousiasme. Merci Monsieur Guérin !
“Bientôt, on touche aux Pyramides, et ces gigantesques constructions semblent devenir de plus en plus colossales, à mesure que l’on s’en approche davantage.
L’emplacement qu’occupent les trois plus célèbres d’entre elles forme un plateau elliptique dans une sorte d’enfoncement de la montagne libyque. La hauteur de ce plateau au-dessus de la vallée est d’une quarantaine de mètres. Sa longueur de l’est à l’ouest est de deux kilomètres, et sa largeur, du sud au nord, d’un kilomètre et demi. Il est entièrement rocheux, et les architectes chargés de bâtir la première et la plus grande des pyramides, celle de Chéops, ont dû d’abord commencer par le dresser et l’aplanir, mais en laissant néanmoins un noyau destiné à servir de soubassement à cet incomparable monument. Ils ont dû aussi disposer et élever les chaussées dont il est question dans Hérodote, et qui elles-mêmes ont coûté des labeurs énormes. Les restes de trois de ces plans inclinés en belles pierres de taille se voient encore vers l’est dans la direction du Nil. La plupart des matériaux, en effet, avec lesquels ont été construites les trois grandes pyramides, proviennent des carrières de Torah et de Masarah, situées au-delà du fleuve dans la chaîne arabique, et pour amener de ces deux points éloignés au plateau où elles devaient être employées, des pierres d’une dimension et d’un poids si considérables à travers des plaines que le Nil inonde annuellement pendant plusieurs mois, il fallait de hautes et solides chaussées s’élevant progressivement de l’est à l’ouest jusqu’au niveau du plateau.
Les trois pyramides s’alignent dans la direction du nord-est au sud-ouest. La plus grande précède au nord ; la plus petite est la plus méridionale. Des fossés ont été pratiqués dans le roc autour des deux principales ; actuellement ils sont en partie comblés par les sables. La deuxième et la troisième étaient, en outre, environnées d’une enceinte murée.
À peine le voyageur est-il arrivé en présence et auprès de ces prodiges des temps pharaoniques, qu’il ne peut s’empêcher de rester quelque temps comme stupéfait et muet d’admiration devant tant de grandeur et de majesté. (...)
Qu’on songe (...) a ce qu’il a fallu de temps et de bras d’hommes pour exploiter les carrières, élever les chaussées, niveler et préparer le plateau, charrier cette quantité prodigieuse de pierres et les agencer ensuite entre elles avec un art si parfait dans la construction de ce gigantesque édifice, qu’après tant de siècles écoulés depuis, aucune assise n’a fléchi, aucun bloc n’a bougé de place. Au dire des anciens, des centaines de mille hommes ont concouru pendant de longues années à ce travail, qui semble dépasser les bornes ordinaires des forces et de la puissance humaines, et qui n’a pu s’accomplir qu’avec les efforts réunis d’un peuple tout entier. Qu’on songe aussi à l’habileté singulière et à la science consommée des architectes qui ont conçu et exécuté une pareille oeuvre. Ils devaient être certainement secondés par des astronomes fort instruits, car l’orientation toute seule d’un semblable monument, sans être mathématiquement irréprochable, est néanmoins si suffisamment exacte qu’aujourd’hui encore, on ne réussirait peut-être pas à tracer sans dévier un peu une méridienne d’une aussi grande étendue que celle-là. (...)
[À propos de la destination des pyramides] Qu’il me suffise de dire ici que les pyramides qui nous occupent en ce moment ont toujours été considérées par les anciens comme des tombeaux. Sans doute une intention astronomique a pu présider à leur orientation, mais il n’en est pas moins incontestable qu’elles avaient été élevées pour renfermer des momies royales, et ce qui le prouve, c’est que dans chacune d’entre elles on a trouvé un sarcophage. (...)
Telle est, dans son état actuel, l’une des villes [Memphis] les plus célèbres que les hommes aient habitées. Ses monuments sacrés et profanes ont disparu ou sont bouleversés de fond en comble. Leurs débris dispersés ont été décorer ailleurs d’autres temples et d’autres palais, ou bien sont ensevelis sous des amas de terre et de matériaux concassés. En même temps que le Nil, dans ses débordements annuels, s’empare d’une partie de l’emplacement qu’elle occupait, le sable du désert, de son côté, s’est avancé de proche en proche et recouvre de plus en plus, comme sous un linceul, une autre partie de sa primitive enceinte. Ses tombeaux seuls sont encore debout, et particulièrement ses pyramides, qui semblent jeter un défi au temps et aux hommes, et dire à l’un : Vous ne me détruirez pas, et aux autres : Vous ne m’égalerez jamais.”
Source : Gallica
(*) J’ai trouvé ces éléments biographiques sur le Dictionnaire biographique Imago Mundi. À noter qu’ils diffèrent, pour les dates, de ceux proposés par Wikipédia.
Une autre note sur cet auteur : ICI
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire