Cet ouvrage (éditions Jean-Cyrille Godefroy, Paris, 2004) et la théorie qu'il présente ont eu et continuent d'avoir le retentissement que l'on sait.
En amont d'une lecture de cet ouvrage, il m'a paru intéressant de reprendre ici dans son intégralité le dossier de presse qui lui a été consacré.
Pourquoi une théorie différente sur la construction des pyramides ?
Professeur Davidovits, vous êtes docteur ès sciences et l'on dit de vous que vous êtes le père d'une toute nouvelle branche de la chimie. Partout dans le monde des thèses prolongent, dans des domaines assez variés, vos travaux sur ce que vous avez baptisé "géopolymères". Mais que sont ces géopolymères ?
Professeur Davidovits : Les géopolymères sont des matières minérales obtenues de façon synthétique ; c'est-à-dire par des procédés chimiques que, du reste, la nature réalise elle-même, mais sur des cycles très longs de plusieurs millions d'années.
C'est-à-dire que vous êtes capable de reproduire toutes sortes de pierres, de roches identiques à celles que l'on trouve à l'état naturel ?
Oui et non. Ces pierres de synthèse sont en fait des matériaux ré-agglomérés. Le procédé est expliqué plus en détail dans le livre. Le principe est, en gros, le suivant : on part d'une matière minérale, d'une roche érodée, délitée, naturellement désagrégée – par exemple le calcaire comme celui qui affleure un peu partout dans le Nord de la France – et on va lui redonner une structure compacte grâce à un liant, une colle géologique qui va agglomérer (ou ré-agglomérer) entre elles les particules minérales. Le résultat final est celui d'une roche qui semble parfaitement naturelle : dans notre cas, par exemple, un calcaire extrêmement solide comme peuvent l'être certains calcaires. Le géologue n'y verra que du feu. Seule une observation très fine du liant peut révéler la nature synthétique de la roche puisque nos particules sont incontestablement du calcaire, du granit ou ce que vous voulez.
En amont d'une lecture de cet ouvrage, il m'a paru intéressant de reprendre ici dans son intégralité le dossier de presse qui lui a été consacré.
Pourquoi une théorie différente sur la construction des pyramides ?
Professeur Davidovits, vous êtes docteur ès sciences et l'on dit de vous que vous êtes le père d'une toute nouvelle branche de la chimie. Partout dans le monde des thèses prolongent, dans des domaines assez variés, vos travaux sur ce que vous avez baptisé "géopolymères". Mais que sont ces géopolymères ?
Professeur Davidovits : Les géopolymères sont des matières minérales obtenues de façon synthétique ; c'est-à-dire par des procédés chimiques que, du reste, la nature réalise elle-même, mais sur des cycles très longs de plusieurs millions d'années.
C'est-à-dire que vous êtes capable de reproduire toutes sortes de pierres, de roches identiques à celles que l'on trouve à l'état naturel ?
Oui et non. Ces pierres de synthèse sont en fait des matériaux ré-agglomérés. Le procédé est expliqué plus en détail dans le livre. Le principe est, en gros, le suivant : on part d'une matière minérale, d'une roche érodée, délitée, naturellement désagrégée – par exemple le calcaire comme celui qui affleure un peu partout dans le Nord de la France – et on va lui redonner une structure compacte grâce à un liant, une colle géologique qui va agglomérer (ou ré-agglomérer) entre elles les particules minérales. Le résultat final est celui d'une roche qui semble parfaitement naturelle : dans notre cas, par exemple, un calcaire extrêmement solide comme peuvent l'être certains calcaires. Le géologue n'y verra que du feu. Seule une observation très fine du liant peut révéler la nature synthétique de la roche puisque nos particules sont incontestablement du calcaire, du granit ou ce que vous voulez.
Ainsi, les belles statues exposées dans votre laboratoire qui représentent toutes la même tête déclinée dans diverses pierres sont en géopolymères ?
Bien sûr, elles ont toutes été coulées dans le même moule à partir de pâtes différentes et constituent un échantillonnage de ce que nous savons faire.
Intéressant. Mais comment êtes-vous passé des géopolymères aux pyramides d’Égypte ?
En partie par hasard. J'ai vraiment commencé mon travail de chercheur en 1972. Pendant deux ans, dans mon premier laboratoire de Saint-Quentin en Picardie, j'ai, tout d'abord, travaillé sur les réactions chimiques des argiles. Personne ne s'occupe de nous et avec mon équipe, nous mettons au point nos premières utilisations pour le bâtiment. Mais, en juin 1974, je prends conscience que nous fabriquons des éléments qui sont proches de ceux des ciments naturels, comme des roches à base de feldspaths, de feldspathoïdes. Un jour, en plaisantant, je demande à mes partenaires scientifiques du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris ce qui arriverait si, ayant enfoui dans la terre un morceau de ce produit que nous synthétisions au laboratoire, un archéologue le découvrait dans 3000 ans. Leur réponse est surprenante : l'archéologue analysera cet objet déterré dans le jardin d'une ruine de Saint-Quentin et l'analyse révélera que le plus proche gisement naturel de cette pierre se situe en Égypte, dans la région d'Assouan ! C'est donc ce jour-là qu'il m'apparaît que si je n'indique pas le caractère synthétique du produit que nous venons de mettre au point, on le prend pour une pierre naturelle.
Je crois savoir où vous allez en venir. Pourquoi alors ne pas imaginer que les pyramides soient issues de la même science ?
Les pyramides, mais aussi d'autres mégalithes de l'Antiquité parce que souvent se posent les mêmes énigmes : des carrières toujours éloignées de plusieurs dizaines de kilomètres, quand ce n'est pas plus. Donc des problèmes insolubles concernant le mode de transport, sans compter celui de la taille de ces énormes blocs de pierre à des âges où l'on ne connaît pas encore le fer. Plus j'y pense et moins l'idée me semble absurde. L'analyse des pierres des mégalithes a sûrement été faite superficiellement, et, de toute façon, personne n'a jusqu'à présent mis en doute officiellement leur caractère naturel. À la recherche de renseignements précis, je m'adresse à l'UNESCO. J'obtiens le rapport de l'expédition de 1972 à l'Île de Pâques. Ce rapport contient des données géologiques et minéralogiques sur les statues. Or, certaines de ces données qui concernent les statues les plus anciennes évoquent assez nettement, à la lueur de mes nouvelles connaissances, une fabrication par agglomération.
Êtes-vous en train de nous énoncer l'objet de votre prochain livre ?
Non, parce que ce n'est pas un, mais plusieurs livres qu'il faudrait écrire. En fait, toute une collection, car les renseignements que j'ai rassemblés – et nous sommes toujours en 1974 – autoriseraient une étude approfondie de plusieurs autres sites que ceux des statues de l'Île de Pâques et des pyramides, répartis un peu partout dans le monde. Non, si à l'époque je préfère me concentrer sur l'Égypte, c'est que j'ai déjà reconstitué tout un scénario : les blocs de calcaire tendre extraits des carrières, désagrégés avec de l’eau, pourraient donner une pâte calcaire facilement transportable dans des paniers. Cette pâte, mélangée à des ingrédients comme l'argile kaolinitique, le sel natron et la chaux, pourrait être versée, tassée, compactée dans des moules, comme du béton, sur le site même des pyramides.
À vous entendre, quelque chose d'assez simple dans la mise en oeuvre !
Tout à fait !
L'idée est pour le moins inédite et, telle que vous la présentez, ne semble pas manquer d'intérêt. Je suppose, puisque nous sommes toujours en 1974, que vous n'avez pas tardé à en faire part officiellement.
À ce stade, il faut que je fasse connaître ma théorie, pour qu'en retour on puisse me fournir les informations dont j'ai encore besoin. C'est ainsi qu'après la parution d'un article de l’Agence France Presse repris par les médias français et étrangers, je publie, 4 ans plus tard, mon premier ouvrage en prévision du deuxième Congrès International des Égyptologues, à Grenoble, organisé en 1979 par le CNRS. J'y présentais deux conférences. L'une décrit l'hypothèse de la technique de fabrication des vases égyptiens de pierres dures, par agglomération à l'aide de liants, c'est-à-dire de ciments spéciaux. L'autre, que cette technique est appliquée aussi aux pyramides, grâce à l'action du sel natron (appelée en chimie : carbonate de sodium).
Quelque chose me dit que vos explications n'ont pas soulevé un grand enthousiasme ?
Et pourquoi cela ?
Parce que cela se saurait !
Vous voulez donc savoir ce qui s'est passé ?
S'il vous plaît !
Eh bien, lors de la discussion qui a suivi, on a reconnu que ma thèse sur la fabrication des vases en pierre artificielle était admissible. En effet, les Égyptiens avaient les connaissances chimiques et techniques nécessaires pour les mouler de cette manière (maîtrise du cuivre, des alcalis, de la céramique). Mais on a ajouté que ma transposition de cette alchimie aux pyramides était inconcevable.
C'était le début de la polémique ?
Oui, mais je vous passe et l'historique et l'argumentaire sur lesquels j'aurai l'occasion de revenir. La note à la fin de ce chapitre vous fera revivre l’ambiance qui régnait à cette époque, notamment lors du congrès de Toronto, au Canada.
Mais n'y avait-il pas moyen de trancher par des analyses ? Vous nous avez dit au commencement de cet entretien qu'une observation du liant permet de déterminer la nature de la roche.
Ce sont des analyses très fines qui requièrent des spécialistes et un matériel sophistiqué que nous n'avions pas à l'époque.
Et aujourd'hui ?
Les analyses ont été réalisées il y a peu par une équipe internationale.
Et alors ?
La preuve est faite. Les échantillons que m'avaient donnés l'égyptologue Jean-Philippe Lauer en 1982 sont bien des fragments géopolymères, ce qui confirme mes propres analyses aux rayons X de 1982-1984.
Vous voilà donc un homme heureux !
Je ne suis surtout pas mécontent finalement que ces analyses n'aient pas été faisables il y a vingt ou trente ans, car faute de la "preuve scientifique incontestable", il m'a bien fallu déborder mon domaine de compétence initiale pour investir celui, tout aussi vaste, de l'égyptologie. Et j'ai beaucoup appris. J'étais tout d'abord persuadé que si les pyramides avaient été édifiées telles que je le pensais, il devait forcément au regard de tous les écrits que nous ont laissés les Égyptiens, y en avoir trace quelque part. J'ai donc dû "éplucher" et comparer quantité de traductions dans plusieurs langues. Et j'ai trouvé, car les textes existent et sont même bien connus des spécialistes. Mais, faute de comprendre ce qu'ils décrivaient, les traducteurs s’en sont tenus à des termes imprécis, quand ils les ont traduits ou quand ils n'ont pas interprété le passage tout entier de façon totalement erronée. C'est ainsi que j'ai été amené à remonter aux textes originaux et à entamer un travail de linguiste sur une série de mots techniques. Et vous verrez dans le livre qu'il en va de même pour l'histoire, la religion et même l'économie, en bref, que tout est lié.
À vous suivre, il semblerait que les implications de votre découverte ouvrent un vaste champ d'investigation pour l'archéologie et remettent en cause peut-être bien des choses sur ce que nous croyons savoir. Est-ce cela qui a gêné vos détracteurs ?
Pour ce qui est du travail à venir, vous avez très probablement raison. Quant à mes "détracteurs", je ne sais pas. En tant que chimiste, j'étais surtout un "amateur" aux yeux de beaucoup d'Égyptologues. Donc, a priori, quelqu'un de peu sérieux. Et c'est ce "handicap", somme toute normal, qui m'a contraint à approfondir toujours plus mon argumentation et qui fait que ma thèse a aujourd'hui droit de regard dans la communauté scientifique et comprend son lot de défenseurs.
Pouvez-vous nous citer un exemple qui, indépendamment des pyramides, révèle l’utilisation de cette science chimique ?
Oui, et il est assez spectaculaire. En 1999 se tint au Grand Palais à Paris, une exposition sur l'Ancien Empire égyptien, "L'art égyptien au temps des pyramides". On y présentait des objets de l'Ancien Empire (3000 à 2400 av. J.-C.), comme des statues de pierre dure (granit et gneiss). Parmi d'autres objets remarquables, j'aperçus un vase ou comme l'appelait le catalogue au n°99 une "coupe" ressemblant à un cendrier. La forme de ce vase évoque curieusement la céramique alors qu'il est fait dans une des roches les plus dures qui soient, le gneiss anorthositique. Le commentaire du catalogue la décrit ainsi : "… ses parois sont étonnamment fines et le plissage du bord a tant de naturel que quiconque ignorant qu’il est en pierre pourrait le croire en matériau souple…". Mais le galbe de ses courbes, la finesse du matériau, l'extrême précision de l'ouvrage ne peuvent que surprendre le technicien : comment un vase de ce type a-t-il pu être façonné ? Comment une matière aussi dure et cristalline a-t-elle pu être travaillée sans être cassée par le ciseau du sculpteur ? À cela, les experts n'ont pas de réponse et se contentent de suggérer que l'artisan aurait travaillé avec une extrême lenteur et minutie, en usant cette matière particulièrement dure, millimètre par millimètre, pendant une vie entière. À l’évidence, l’artisan avait employé une technique proche du façonnage de l’argile, substituant la céramique par une pâte de pierre élaborée grâce à la chimie et travaillée comme l’argile. De quoi laisser songeur.
Bien sûr, elles ont toutes été coulées dans le même moule à partir de pâtes différentes et constituent un échantillonnage de ce que nous savons faire.
Intéressant. Mais comment êtes-vous passé des géopolymères aux pyramides d’Égypte ?
En partie par hasard. J'ai vraiment commencé mon travail de chercheur en 1972. Pendant deux ans, dans mon premier laboratoire de Saint-Quentin en Picardie, j'ai, tout d'abord, travaillé sur les réactions chimiques des argiles. Personne ne s'occupe de nous et avec mon équipe, nous mettons au point nos premières utilisations pour le bâtiment. Mais, en juin 1974, je prends conscience que nous fabriquons des éléments qui sont proches de ceux des ciments naturels, comme des roches à base de feldspaths, de feldspathoïdes. Un jour, en plaisantant, je demande à mes partenaires scientifiques du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris ce qui arriverait si, ayant enfoui dans la terre un morceau de ce produit que nous synthétisions au laboratoire, un archéologue le découvrait dans 3000 ans. Leur réponse est surprenante : l'archéologue analysera cet objet déterré dans le jardin d'une ruine de Saint-Quentin et l'analyse révélera que le plus proche gisement naturel de cette pierre se situe en Égypte, dans la région d'Assouan ! C'est donc ce jour-là qu'il m'apparaît que si je n'indique pas le caractère synthétique du produit que nous venons de mettre au point, on le prend pour une pierre naturelle.
Je crois savoir où vous allez en venir. Pourquoi alors ne pas imaginer que les pyramides soient issues de la même science ?
Les pyramides, mais aussi d'autres mégalithes de l'Antiquité parce que souvent se posent les mêmes énigmes : des carrières toujours éloignées de plusieurs dizaines de kilomètres, quand ce n'est pas plus. Donc des problèmes insolubles concernant le mode de transport, sans compter celui de la taille de ces énormes blocs de pierre à des âges où l'on ne connaît pas encore le fer. Plus j'y pense et moins l'idée me semble absurde. L'analyse des pierres des mégalithes a sûrement été faite superficiellement, et, de toute façon, personne n'a jusqu'à présent mis en doute officiellement leur caractère naturel. À la recherche de renseignements précis, je m'adresse à l'UNESCO. J'obtiens le rapport de l'expédition de 1972 à l'Île de Pâques. Ce rapport contient des données géologiques et minéralogiques sur les statues. Or, certaines de ces données qui concernent les statues les plus anciennes évoquent assez nettement, à la lueur de mes nouvelles connaissances, une fabrication par agglomération.
Êtes-vous en train de nous énoncer l'objet de votre prochain livre ?
Non, parce que ce n'est pas un, mais plusieurs livres qu'il faudrait écrire. En fait, toute une collection, car les renseignements que j'ai rassemblés – et nous sommes toujours en 1974 – autoriseraient une étude approfondie de plusieurs autres sites que ceux des statues de l'Île de Pâques et des pyramides, répartis un peu partout dans le monde. Non, si à l'époque je préfère me concentrer sur l'Égypte, c'est que j'ai déjà reconstitué tout un scénario : les blocs de calcaire tendre extraits des carrières, désagrégés avec de l’eau, pourraient donner une pâte calcaire facilement transportable dans des paniers. Cette pâte, mélangée à des ingrédients comme l'argile kaolinitique, le sel natron et la chaux, pourrait être versée, tassée, compactée dans des moules, comme du béton, sur le site même des pyramides.
À vous entendre, quelque chose d'assez simple dans la mise en oeuvre !
Tout à fait !
L'idée est pour le moins inédite et, telle que vous la présentez, ne semble pas manquer d'intérêt. Je suppose, puisque nous sommes toujours en 1974, que vous n'avez pas tardé à en faire part officiellement.
À ce stade, il faut que je fasse connaître ma théorie, pour qu'en retour on puisse me fournir les informations dont j'ai encore besoin. C'est ainsi qu'après la parution d'un article de l’Agence France Presse repris par les médias français et étrangers, je publie, 4 ans plus tard, mon premier ouvrage en prévision du deuxième Congrès International des Égyptologues, à Grenoble, organisé en 1979 par le CNRS. J'y présentais deux conférences. L'une décrit l'hypothèse de la technique de fabrication des vases égyptiens de pierres dures, par agglomération à l'aide de liants, c'est-à-dire de ciments spéciaux. L'autre, que cette technique est appliquée aussi aux pyramides, grâce à l'action du sel natron (appelée en chimie : carbonate de sodium).
Quelque chose me dit que vos explications n'ont pas soulevé un grand enthousiasme ?
Et pourquoi cela ?
Parce que cela se saurait !
Vous voulez donc savoir ce qui s'est passé ?
S'il vous plaît !
Eh bien, lors de la discussion qui a suivi, on a reconnu que ma thèse sur la fabrication des vases en pierre artificielle était admissible. En effet, les Égyptiens avaient les connaissances chimiques et techniques nécessaires pour les mouler de cette manière (maîtrise du cuivre, des alcalis, de la céramique). Mais on a ajouté que ma transposition de cette alchimie aux pyramides était inconcevable.
C'était le début de la polémique ?
Oui, mais je vous passe et l'historique et l'argumentaire sur lesquels j'aurai l'occasion de revenir. La note à la fin de ce chapitre vous fera revivre l’ambiance qui régnait à cette époque, notamment lors du congrès de Toronto, au Canada.
Mais n'y avait-il pas moyen de trancher par des analyses ? Vous nous avez dit au commencement de cet entretien qu'une observation du liant permet de déterminer la nature de la roche.
Ce sont des analyses très fines qui requièrent des spécialistes et un matériel sophistiqué que nous n'avions pas à l'époque.
Et aujourd'hui ?
Les analyses ont été réalisées il y a peu par une équipe internationale.
Et alors ?
La preuve est faite. Les échantillons que m'avaient donnés l'égyptologue Jean-Philippe Lauer en 1982 sont bien des fragments géopolymères, ce qui confirme mes propres analyses aux rayons X de 1982-1984.
Vous voilà donc un homme heureux !
Je ne suis surtout pas mécontent finalement que ces analyses n'aient pas été faisables il y a vingt ou trente ans, car faute de la "preuve scientifique incontestable", il m'a bien fallu déborder mon domaine de compétence initiale pour investir celui, tout aussi vaste, de l'égyptologie. Et j'ai beaucoup appris. J'étais tout d'abord persuadé que si les pyramides avaient été édifiées telles que je le pensais, il devait forcément au regard de tous les écrits que nous ont laissés les Égyptiens, y en avoir trace quelque part. J'ai donc dû "éplucher" et comparer quantité de traductions dans plusieurs langues. Et j'ai trouvé, car les textes existent et sont même bien connus des spécialistes. Mais, faute de comprendre ce qu'ils décrivaient, les traducteurs s’en sont tenus à des termes imprécis, quand ils les ont traduits ou quand ils n'ont pas interprété le passage tout entier de façon totalement erronée. C'est ainsi que j'ai été amené à remonter aux textes originaux et à entamer un travail de linguiste sur une série de mots techniques. Et vous verrez dans le livre qu'il en va de même pour l'histoire, la religion et même l'économie, en bref, que tout est lié.
À vous suivre, il semblerait que les implications de votre découverte ouvrent un vaste champ d'investigation pour l'archéologie et remettent en cause peut-être bien des choses sur ce que nous croyons savoir. Est-ce cela qui a gêné vos détracteurs ?
Pour ce qui est du travail à venir, vous avez très probablement raison. Quant à mes "détracteurs", je ne sais pas. En tant que chimiste, j'étais surtout un "amateur" aux yeux de beaucoup d'Égyptologues. Donc, a priori, quelqu'un de peu sérieux. Et c'est ce "handicap", somme toute normal, qui m'a contraint à approfondir toujours plus mon argumentation et qui fait que ma thèse a aujourd'hui droit de regard dans la communauté scientifique et comprend son lot de défenseurs.
Pouvez-vous nous citer un exemple qui, indépendamment des pyramides, révèle l’utilisation de cette science chimique ?
Oui, et il est assez spectaculaire. En 1999 se tint au Grand Palais à Paris, une exposition sur l'Ancien Empire égyptien, "L'art égyptien au temps des pyramides". On y présentait des objets de l'Ancien Empire (3000 à 2400 av. J.-C.), comme des statues de pierre dure (granit et gneiss). Parmi d'autres objets remarquables, j'aperçus un vase ou comme l'appelait le catalogue au n°99 une "coupe" ressemblant à un cendrier. La forme de ce vase évoque curieusement la céramique alors qu'il est fait dans une des roches les plus dures qui soient, le gneiss anorthositique. Le commentaire du catalogue la décrit ainsi : "… ses parois sont étonnamment fines et le plissage du bord a tant de naturel que quiconque ignorant qu’il est en pierre pourrait le croire en matériau souple…". Mais le galbe de ses courbes, la finesse du matériau, l'extrême précision de l'ouvrage ne peuvent que surprendre le technicien : comment un vase de ce type a-t-il pu être façonné ? Comment une matière aussi dure et cristalline a-t-elle pu être travaillée sans être cassée par le ciseau du sculpteur ? À cela, les experts n'ont pas de réponse et se contentent de suggérer que l'artisan aurait travaillé avec une extrême lenteur et minutie, en usant cette matière particulièrement dure, millimètre par millimètre, pendant une vie entière. À l’évidence, l’artisan avait employé une technique proche du façonnage de l’argile, substituant la céramique par une pâte de pierre élaborée grâce à la chimie et travaillée comme l’argile. De quoi laisser songeur.
Certainement, mais avouez aussi que prêter à des hommes d'il y a pratiquement 5000 ans des connaissances qui font figure aujourd'hui d'une science et d'une technologie d'avant-garde, ça a de quoi laisser perplexe !
Certes, mais on peut aussi appréhender les choses autrement. Est-ce au fond si étonnant qu'une civilisation qui a tant vénéré la pierre, symbole d'éternité (et l'on verra que l'acte d'agglomération est indissociable du fait religieux) oriente une partie de son énergie à l'observation, à l'étude et à l'expérimentation du minéral ? Ainsi, ses connaissances ne sont pas apparues ex nihilo. Elles sont le produit d'une histoire, c'est-à-dire d'une longue transmission d'initié à initié, avec ses découvertes, ses échecs, ses savants dont un au moins, Imhotep, le plus génial probablement, nous est connu. À ce titre, elle relève d'un véritable statut de science. Et cette science, comme d'autres, s'est perdue. L'histoire du progrès scientifique n'est pas linéaire, pas plus que celle du progrès tout court, nous le savons bien. Enfin, et toujours pour s'ouvrir d'autres perspectives, n'est-il pas paradoxal que notre société occidentale moderne qui a tant investi dans l'étude des règnes animal et végétal (d'où est issue la chimie du pétrole) se soit si peu préoccupée du minéral ? Autrement dit, votre perplexité est peut-être plus à mettre sur le compte de notre ignorance que sur celui de l'incontestable génie des anciens Égyptiens.
Résumé de la Théorie (argumentaire simplifié)
Le professeur Joseph Davidovits, dans ses livres Ils ont bâti les pyramides (2002) et La nouvelle histoire des pyramides (2004), présente une théorie sur la construction des pyramides : celles-ci ont été bâties en employant de la pierre ré-agglomérée (du calcaire naturel traité comme un béton, puis moulé), et non à l'aide d'énormes blocs taillés et traînés sur des rampes. Initialement publiée à New York en 1988 sous le titre The pyramids: an enigma solved, cette thèse est reprise dans les livres récemment publiés en français avec une importante mise à jour des éléments concrets absents de la première édition américaine.
La théorie est basée sur des analyses scientifiques, des éléments archéologiques, des textes hiéroglyphes ainsi que des aspects religieux et historiques. À l'opposé des autres théories ne cherchant qu'une explication technique aux pyramides du plateau de Guizeh, voire uniquement à celle de Khéops, sa théorie est une présentation globale de la construction de toutes les pyramides d'Égypte pendant 250 ans, de la première de Djoser à celles en briques crues.
Théorie
1. La formule et les matériaux utilisés:
Le matériau le plus important est le calcaire. Les analyses du géochimiste allemand D.D. Klemm [1] démontrent que 97 à 100% des blocs proviennent de la couche de calcaire tendre et argileuse située dans l'Oued (wadi) en contrebas du plateau de Guizeh. Or, d'après l'égyptologue M.Lehner [2], les Égyptiens employèrent un calcaire tendre et friable, inutilisable comme pierre de taille. Les ouvriers n'ont pas mis en œuvre le calcaire dur et dense situé à proximité des pyramides, sauf à de rares exceptions pour les restaurations ultérieures. Le géologue L. Gauri [3] démontre que ce calcaire est fragile, car il inclut des matériaux argileux (notamment une argile kaolinite) sensibles à l'eau expliquant l'extrême fragilité du corps du Sphinx, alors que sa tête, taillée dans la couche géologique dure et dense, a résisté à 4000 ans d'érosion.
Ce calcaire argileux tendre, trop fragile pour être une pierre de taille, est bien adapté à l'agglomération. De plus, il contient naturellement des ingrédients géopolymériques réactifs, comme l'argile kaolinitique, indispensable pour fabriquer la colle géologique (le ciment de liaison) et assurer la géosynthèse.
Il n'est pas nécessaire de broyer cette pierre, car elle se désagrège facilement avec l'eau du Nil pendant les inondations (l'Oued ou wadi est rempli d'eau à ce moment) pour former une boue calcaire. À cette boue, on ajoute des matériaux géologiques réactifs (la mafkat, un silicate hydraté de cuivre et d'alumine, surexploitée au temps de Khéops dans les mines du Sinaï) [4], le sel natron égyptien (carbonate de soude, présent massivement dans le Wadi Natrum), et de la chaux provenant de cendres de plantes et de bois [5]. On transporte cette boue de calcaire dans des paniers, on la verse, puis la tasse dans des moules (faits en bois, pierre, brique crue), directement sur le chantier. La méthode est identique à celle du pisé, encore utilisé aujourd'hui.
Ce calcaire, ré-aggloméré par réaction géochimique, durcit naturellement pour fournir des blocs résistants. Les blocs sont ainsi constitués de 90 à 95% de calcaire naturel en agrégats avec les coquillages fossiles, et de 5 à 10% de colle géologique (ciment dit "géopolymérique") à base d'alumino-silicates.
2. Pourquoi les géologues ne voient rien ?
Cela tient à la colle géologique qui, bien qu'artificielle, est vue par les géologues soit comme une impureté, donc inutile à étudier, soit comme un liant naturel. Au mieux, les outils d'analyses et les méthodes de travail des géologues prennent le ciment pour un "liant micritique" parfaitement naturel. Une pierre calcaire artificielle contenant 15% de liant synthétique a été fabriquée par Joseph Davidovits et soumise à des géologues qui n'ont rien soupçonné [6]. Un géologue non formé à la chimie des géopolymères affirmera de bonne foi que les pierres sont naturelles.
3. La formule chimique:
La géosynthèse consiste à faire réagir l'argile kaolinite (naturellement incluse dans le calcaire de Guizeh) avec de la soude caustique (cf. formule chimique 1). Pour fabriquer cette soude caustique, on fait intervenir le natron égyptien (carbonate de sodium) et la chaux éteinte (issue de cendres de plantes) (cf. formule chimique 2). On obtient alors de la soude qui va réagir avec l'argile. Mais le plus intéressant est que cette réaction chimique crée du calcaire pur ainsi que de l'hydrosodalite (un minéral appartenant à la famille des feldspathoïdes ou des zéolithes). [6]
Certes, mais on peut aussi appréhender les choses autrement. Est-ce au fond si étonnant qu'une civilisation qui a tant vénéré la pierre, symbole d'éternité (et l'on verra que l'acte d'agglomération est indissociable du fait religieux) oriente une partie de son énergie à l'observation, à l'étude et à l'expérimentation du minéral ? Ainsi, ses connaissances ne sont pas apparues ex nihilo. Elles sont le produit d'une histoire, c'est-à-dire d'une longue transmission d'initié à initié, avec ses découvertes, ses échecs, ses savants dont un au moins, Imhotep, le plus génial probablement, nous est connu. À ce titre, elle relève d'un véritable statut de science. Et cette science, comme d'autres, s'est perdue. L'histoire du progrès scientifique n'est pas linéaire, pas plus que celle du progrès tout court, nous le savons bien. Enfin, et toujours pour s'ouvrir d'autres perspectives, n'est-il pas paradoxal que notre société occidentale moderne qui a tant investi dans l'étude des règnes animal et végétal (d'où est issue la chimie du pétrole) se soit si peu préoccupée du minéral ? Autrement dit, votre perplexité est peut-être plus à mettre sur le compte de notre ignorance que sur celui de l'incontestable génie des anciens Égyptiens.
Résumé de la Théorie (argumentaire simplifié)
Le professeur Joseph Davidovits, dans ses livres Ils ont bâti les pyramides (2002) et La nouvelle histoire des pyramides (2004), présente une théorie sur la construction des pyramides : celles-ci ont été bâties en employant de la pierre ré-agglomérée (du calcaire naturel traité comme un béton, puis moulé), et non à l'aide d'énormes blocs taillés et traînés sur des rampes. Initialement publiée à New York en 1988 sous le titre The pyramids: an enigma solved, cette thèse est reprise dans les livres récemment publiés en français avec une importante mise à jour des éléments concrets absents de la première édition américaine.
La théorie est basée sur des analyses scientifiques, des éléments archéologiques, des textes hiéroglyphes ainsi que des aspects religieux et historiques. À l'opposé des autres théories ne cherchant qu'une explication technique aux pyramides du plateau de Guizeh, voire uniquement à celle de Khéops, sa théorie est une présentation globale de la construction de toutes les pyramides d'Égypte pendant 250 ans, de la première de Djoser à celles en briques crues.
Théorie
1. La formule et les matériaux utilisés:
Le matériau le plus important est le calcaire. Les analyses du géochimiste allemand D.D. Klemm [1] démontrent que 97 à 100% des blocs proviennent de la couche de calcaire tendre et argileuse située dans l'Oued (wadi) en contrebas du plateau de Guizeh. Or, d'après l'égyptologue M.Lehner [2], les Égyptiens employèrent un calcaire tendre et friable, inutilisable comme pierre de taille. Les ouvriers n'ont pas mis en œuvre le calcaire dur et dense situé à proximité des pyramides, sauf à de rares exceptions pour les restaurations ultérieures. Le géologue L. Gauri [3] démontre que ce calcaire est fragile, car il inclut des matériaux argileux (notamment une argile kaolinite) sensibles à l'eau expliquant l'extrême fragilité du corps du Sphinx, alors que sa tête, taillée dans la couche géologique dure et dense, a résisté à 4000 ans d'érosion.
Ce calcaire argileux tendre, trop fragile pour être une pierre de taille, est bien adapté à l'agglomération. De plus, il contient naturellement des ingrédients géopolymériques réactifs, comme l'argile kaolinitique, indispensable pour fabriquer la colle géologique (le ciment de liaison) et assurer la géosynthèse.
Il n'est pas nécessaire de broyer cette pierre, car elle se désagrège facilement avec l'eau du Nil pendant les inondations (l'Oued ou wadi est rempli d'eau à ce moment) pour former une boue calcaire. À cette boue, on ajoute des matériaux géologiques réactifs (la mafkat, un silicate hydraté de cuivre et d'alumine, surexploitée au temps de Khéops dans les mines du Sinaï) [4], le sel natron égyptien (carbonate de soude, présent massivement dans le Wadi Natrum), et de la chaux provenant de cendres de plantes et de bois [5]. On transporte cette boue de calcaire dans des paniers, on la verse, puis la tasse dans des moules (faits en bois, pierre, brique crue), directement sur le chantier. La méthode est identique à celle du pisé, encore utilisé aujourd'hui.
Ce calcaire, ré-aggloméré par réaction géochimique, durcit naturellement pour fournir des blocs résistants. Les blocs sont ainsi constitués de 90 à 95% de calcaire naturel en agrégats avec les coquillages fossiles, et de 5 à 10% de colle géologique (ciment dit "géopolymérique") à base d'alumino-silicates.
2. Pourquoi les géologues ne voient rien ?
Cela tient à la colle géologique qui, bien qu'artificielle, est vue par les géologues soit comme une impureté, donc inutile à étudier, soit comme un liant naturel. Au mieux, les outils d'analyses et les méthodes de travail des géologues prennent le ciment pour un "liant micritique" parfaitement naturel. Une pierre calcaire artificielle contenant 15% de liant synthétique a été fabriquée par Joseph Davidovits et soumise à des géologues qui n'ont rien soupçonné [6]. Un géologue non formé à la chimie des géopolymères affirmera de bonne foi que les pierres sont naturelles.
3. La formule chimique:
La géosynthèse consiste à faire réagir l'argile kaolinite (naturellement incluse dans le calcaire de Guizeh) avec de la soude caustique (cf. formule chimique 1). Pour fabriquer cette soude caustique, on fait intervenir le natron égyptien (carbonate de sodium) et la chaux éteinte (issue de cendres de plantes) (cf. formule chimique 2). On obtient alors de la soude qui va réagir avec l'argile. Mais le plus intéressant est que cette réaction chimique crée du calcaire pur ainsi que de l'hydrosodalite (un minéral appartenant à la famille des feldspathoïdes ou des zéolithes). [6]
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Résumé de la formule chimique du liant de la pierre ré-agglomérée:
argile + natron + chaux => feldspathoïde + calcaire (c'est-à-dire une pierre naturelle)
Le liant de la pierre ré-agglomérée est le résultat d'une géosynthèse (un géopolymère) qui crée deux minéraux naturels : le calcaire et le feldspath hydraté (feldspathoïde). On comprend pourquoi les géologues peuvent être facilement trompés.
4. Les analyses scientifiques:
Les méthodes d'analyses couramment utilisées par les géologues ne sont pas pertinentes. Pour démontrer le caractère artificiel, il faut employer des méthodes plus puissantes (analyses par synchrotron, microscopie électronique à balayage SEM et à transmission TEM, la Résonnance Magnétique Nucléaire, Particle Induced Gamma-Ray Emission, Particle Induced X-Ray Emission, Fluorescence X, Diffraction RX). Ces outils sont rarement utilisés dans cette situation.
Des études ont été faites, toutes démontrent que les pierres des pyramides sont artificielles. [7]
Les Preuves archéologiques
1. Les textes hiéroglyphes:
L'Égypte des pharaons est bien connue grâce à ses nombreuses stèles, fresques et papyri décrivant toutes sortes de savoirs religieux, scientifiques, techniques, l'artisanat, l'agriculture, la médecine, l'astronomie... Or, il n'existe aucun document hiéroglyphique décrivant la
construction des pyramides avec des pierres taillées, des rampes, des traîneaux en bois. À l'inverse, de nombreux textes montrent que les anciens Égyptiens possédaient la connaissance de la pierre de synthèse.
La Stèle de la Famine se trouve sur l'île de Séhel près d'Éléphantine, gravée sur un rocher. Elle met en scène le dieu Khnoum, le pharaon Djoser et son architecte Imhotep, constructeur de la première pyramide de Saqqarah. Cette inscription contient 650 hiéroglyphes désignant soit des roches et des minéraux, soit leurs procédés de transformation. Dans la colonne 12, on peut lire : "Avec ces produits (minéraux) ils ont bâti (...) la tombe royale (la pyramide)". Dans les colonnes 18 à 20, le dieu Khnoum donne à Djoser les minéraux nécessaires à la construction de ces monuments sacrés. Cette liste ne fait pas mention des traditionnelles pierres dures et compactes de construction comme le calcaire (ainr-hedj), le grès monumental (ainr-rwdt) ou le granit d'Assouan (mat). En étudiant ce texte, on constate qu'on ne peut pas construire une pyramide ou un temple avec de simples minéraux, sauf s'ils sont employés pour fabriquer le liant de la pierre ré-agglomérée. [8]
La stèle d'Irtysen C14 du Musée du Louvre est une autobiographie du sculpteur Irtysen sous un des pharaons Mentouhotep, XIe dynastie (2000 av. J.-C.). Elle présente la technique de fabrication des statues en pierres synthétiques ("pierre coulée"). [9]
La fresque de Ti, Ve dynastie (2450 av. J.-C.), illustre le travail de sculpteurs d'une statue en bois, la confection d'une statue en pierre et le mélange dans des vases. Cette fresque montre parfaitement la différence entre tailler une statue (ici en bois avec les signes hiéroglyphes décrivant l'opération de la taille), le façonnage d'une statue (en pierre synthétique avec les signes hiéroglyphes représentant l'action de "synthétiser", "faite de main d'homme"), et le mélange des produits chimiques caustiques pour façonner cette statue dans des vases en céramique. [10]
2. L'invention de la pierre ré-agglomérée: croissance et déclin d'une technologie
Avant la première pyramide édifiée en pierre, les anciens Égyptiens ont érigé des monuments très imposants en briques d'argile crue. Ce sont les grandes enceintes des temples funéraires de la IIe dynastie, dont celui de Khasekhemwy (2730 av. J.-C.). Sa muraille massive est en briques d'argile crue, donc en matériau moulée. Il est généralement admis, puisque ces briques ont été façonnées dans des moules, que leur dimension doit être uniforme. Or, c'est faux. Bien qu'ayant été fabriquées dans des moules, les briques d'argiles sont d'environ 5 tailles différentes, impliquant l'usage de plusieurs gabarits. Ces différences de proportions se retrouveront dans toutes les pyramides. Cette hétérogénéité permet aux monuments de résister aux séismes en évitant l'amplification de l'onde sismique dans le bâtiment. 20 ans plus tard, Djoser ordonne à Imhotep de lui construire un monument pour l'éternité en pierre.
Le scribe Imhotep est l'inventeur de la pierre ré-agglomérée (2650 av. J.-C.) et l'architecte de la première pyramide d'Égypte. Au lieu d'utiliser la brique d'argile crue, il remplace simplement l'argile par un calcaire ré-aggloméré et garde la même technique de moulage de briques. C'est pourquoi la première pyramide est faite en petites briques qui grossissent en dimension au fur et à mesure que l'invention est maîtrisée. Les briques sont fabriquées sur le lieu d'extraction de la pierre, dans l'Oued (wadi à l'est du complexe [11]) au moment de la crue du Nil, puis portées et placées sur la pyramide.
Son invention, héritée du pisé et de la brique crue, se perfectionne lors de l'édification des pyramides des IIIe et IVe dynasties. À partir de la petite brique de calcaire de Saqqarah, la dimension des pierres augmente graduellement. Pour les pyramides de Meidoum et la Rhomboïdale, les blocs sont produits près du site et montés sur la pyramide. Il y a toujours un Oued (wadi) à proximité pour désagréger le calcaire facilement avec de l'eau et préparer le mélange lors des crues du Nil.
À compter de la pyramide rouge de Snéfrou (à Daschour), les blocs sont fabriqués sur place, car les dimensions sont trop importantes pour être transportées.
À Guizeh, certaines pierres (notamment celles du temple de Khefren) atteignent plus de 30 tonnes. Comment les auraient-ils taillées simplement avec des outils en cuivre tendre, sans roue ni poulie?
D'après Guy Demortier [12], ré-agglomérer des blocs sur place simplifie grandement les problèmes de logistique. Au lieu des 25.000 à 100.000 ouvriers nécessaires pour la taille [13], il déduit que l'occupation du site ne dépassa jamais 2300 personnes, ce que confirme l'égyptologue M. Lehner à propos de ses fouilles du village des ouvriers à Guizeh.
Le déclin de la technologie en pierre agglomérée se manifeste avec la pyramide de Mykérinos qui ne représente que 7% en volume de celle de Khéops. Pourquoi cette pyramide est-elle soudainement si petite ? Ce déclin aurait été causé par une brusque réduction des ressources en minéraux réactifs, comme l'épuisement des principales mines du Sinaï à la fin de la IVe dynastie.
Les expéditions de B. Rothenberg [4] montrèrent qu'on avait extrait d'énormes quantités de turquoises et de chrysocolles (appelées mafkat en égyptien), quantités excluant leur utilisation en orfèvrerie et décoration, comme le confirme l'égyptologue Sydney Aufrère [14].
Le déclin résulterait aussi d'une catastrophe écologique et agricole limitant radicalement la production de chaux provenant des cendres de plantes brûlées à cet effet. Si on brûle plus qu'on ne peut produire ou renouveler, une famine ou un désastre écologique peut survenir. Analysée par D.D. Klemm [15], la chaux, présente dans les mortiers des IIIe et IVe dynasties, disparaît dans celles des Ve et VIe. En effet, les pyramides suivantes, et notamment celle d'Ouserkaf, premier roi de la Ve dynastie, sont ridiculement petites comparées à celle de Mykérinos. Elles étaient recouvertes à l'origine d'un revêtement de calcaire qui cachait la masse des blocs naturels mal agencés. Cette pyramide n'est qu'un assemblage disparate de pierres couvrant une chambre funéraire faite, cette fois, en pierre ré-agglomérée et protégée par d'énormes linteaux de plusieurs dizaines de tonnes. Seul le cœur de ces pyramides est fabriqué avec soin, le reste étant assemblé de manière précaire, car les matériaux réactifs se font rares. On est donc en présence d'un tout autre système qui ne peut être expliqué par la pierre taillée. Si les pyramides de Guizeh avaient été taillées, comment expliquer une telle chute de qualité architecturale alors que la pierre est un matériau abondant ? La taille aurait permis une qualité de construction équivalente comparée à celles de Guizeh, même avec des pyramides d'une hauteur plus raisonnable, mais ce n'est pas le cas.
Face à un appauvrissement des ressources, à partir de la XIIe dynastie (1990-1780 av. J.-C.), le pharaon Amenemhat I et ses successeurs construisent des pyramides en briques crues. Mais là aussi, seule la chambre funéraire est construite en pierre ré-agglomérée avec grand soin. Pourtant, les Égyptiens n'ont pas choisi de tailler la pierre pour le corps des pyramides lui préférant la brique crue, alors qu'ils disposaient d'outils en bronze plus durs, plus aptes à tailler la pierre.
On constate alors que la technologie de la pierre ré-agglomérée, après un essor formidable, une maîtrise parfaite du procédé, une exploitation intense de ses ressources, a débouché sur un déclin architectural et surtout extrêmement rapide. Un épuisement des ressources minières en réactifs chimiques, et un désastre écologique et agricole expliquent ce déclin. [16] [17]
3. Le contexte religieux:
Pourquoi cette nécessité de construire en pierre agglomérée ou de conserver le système de l'agglomération alors qu'ils pouvaient tailler la pierre?
Chez les anciens Égyptiens, la pierre avait une valeur sacrée, utilisée uniquement à des fins religieuses qui interdisaient son utilisation dans des bâtiments à usage profane (construits plutôt en briques de limon, argile et bois, jamais en pierre). Ce n'est que sous les Ptolémée, 2000 ans après les pyramides, que la pierre devint un matériau de construction banal. Les causes de cette distinction sont religieuses.
La civilisation égyptienne s'étire sur plus de 3000 ans et, contrairement à ce que pense le grand public, elle n'est pas homogène. Ainsi, il y a deux genèses expliquant la création du monde. Deux divinités distinctes revendiquent la création du monde et de l'homme : Khnoum et Amon. Le dieu Khnoum est vénéré durant l'Ancien et le Moyen Empire (3000 à 1800 av. J.-C.). Il est représenté sous la forme d'un homme à tête de bélier aux cornes horizontales. Il personnifie le Nil nourricier et à Éléphantine, Thèbes, Héracléopolis, Memphis, il est le dieu créateur. Dans son acte de création, il "pétrit" l'humanité sur son tour de potier avec le limon du Nil et d'autres minéraux comme le mafkat, le natron, à l'instar de la genèse biblique et coranique. Cela ne donne pas une argile quelconque, mais une pierre appelée "ka", c'est-à-dire l'âme qui n'est pas esprit, mais pierre éternelle. Khnoum et toutes les incarnations divines de Râ sont matérialisés par l'acte de fabrication de la pierre. Son signe hiéroglyphique est un vase de pierre dure comme ceux des époques nagadéennes (3500 à 3000 av. J.-C.). Ainsi, sous l'Ancien Empire, l'acte d'agglomération avait pour but de reproduire l'intervention divine lors de la création du monde et de l'âme humaine.
Pour les deux principaux pharaons de l'Ancien Empire, Djoser et Khéops, les liens avec Khnoum sont attestés par les découvertes archéologiques (cf. la Stèle de la Famine). Aussi, le véritable nom de Khéops est Khnoum-Khoufou (que le dieu Khnoum protège Khéops). Khéops aurait-il attaché son nom à un dieu secondaire? Non, Khnoun est bien un dieu majeur. C'est simplement la perception du panthéon égyptien qui n'est pas correcte.
Amon est le second démiurge. Il n'est à l'origine qu'une divinité insignifiante. Il devient dieu dynastique lors de la XIIe dynastie (1800 av. J.-C.), mais il n'est pas encore démiurge, rôle toujours réservé à Khnoum. Puis, il devient le "roi des dieux" et les prêtres lui donnent le pouvoir de création du monde. Dans le mythe de la genèse, Amon est identifié à une montagne sacrée et il "taille" chaque être dans une partie de lui-même, c'est-à-dire à même la montagne sacrée. Amon et toutes les incarnations divines d'Amon-Râ sont donc matérialisés par l'acte de la taille de la pierre, et sont à l'origine des monuments du Nouvel Empire, comme ceux de Ramsès II, 1300 ans après les pyramides.
On comprend alors pourquoi les tombes ne sont plus sous des pyramides, symboles d'agglomération, mais sous une montagne sacrée, la Vallée des Rois, symbole d'Amon. De même, les temples sont construits en pierre taillée avec grands soins et les obélisques sont appelés les "doigts d'Amon". Comme durant l'Ancien Empire, où le nom de Khnoum ("celui qui lie") se trouve dans le nom complet de Khéops (Khnoum-Khoufou), le nom d'Amon ("celui qui est caché") se rencontre dans les noms des pharaons du Nouvel Empire comme Amenhotep.
Arguments opposés à la théorie de la taille
Voici les arguments avancés par les partisans de la taille pour démontrer que cette technique était celle utilisée à l'époque de la construction des pyramides. Or, ces preuves sont anachroniques ; elles datent du Moyen et Nouvel Empire, époques où l'on taillait la pierre, et non de l'Ancien Empire, le temps des pyramides.
L'extraction des blocs aurait été faite au moyen de coins de bois que l'on mouille pour faire éclater la pierre. Or, D.D. Klemm démontre que cette technique primitive n'a été utilisée que très tardivement par les Romains. Chaque période a laissé des traces distinctes de taille dans les carrières permettant ainsi de les dater, sauf au temps des pyramides qui n'ont pas de trace. [18]
Le bas relief de Djehoutihotep illustre le transport sur un traîneau d'une statue colossale [19]. De même, R. Stadelman découvrit que les ouvriers d'Amenemhat II avaient transporté par traîneaux des pierres dérobées de la pyramide de Snéfrou, utilisée comme une vulgaire carrière. Ces deux événements eurent lieu sous la XIIe dynastie (1800 av. J.-C.), soit 700 ans après la construction des pyramides.
La stèle de Toura montre un bloc de pierre tiré sur un traîneau par des boeufs [20]. Elle ne constitue pas une preuve parce qu'encore une fois, elle date d'environ 1000 ans après la construction des grandes pyramides.
La fresque de Rekhmiré présente des tailleurs de pierres en train de dresser des blocs avec des outils en bronze. Mais ces nouveaux outils étaient inconnus des constructeurs de pyramides 1300 ans auparavant.
Les rampes seraient en briques d'argile crue, de plusieurs kilomètres de long (qu'elles soient droites ou hélicoïdales, sans parler du problème du passage aux tournants), représentant une masse de matériaux considérable. Chaque équipe devrait asperger le sol avec de l'eau pour faciliter le glissement du traîneau. Mais l'action de l'eau transforme la rampe en une pente savonneuse et très glissante. Après le passage de plusieurs équipes, elle se serait couverte de boue où traîneaux et tireurs s'enliseraient !
Il n'existe aucune théorie officielle de la taille, du halage des blocs sur des traîneaux et des rampes. Au lieu de cela, environ une vingtaine proposent leurs solutions. Ces théories ne sont pas basées sur des textes hiéroglyphes, ne correspondent pas à la technologie trouvée sur les sites archéologiques, et ne tiennent pas compte du contexte historique et religieux. Ces théories se focalisent sur la pyramide de Khéops, la plus remarquable, mais ne peuvent s'appliquer aux pyramides qui la précèdent, ni aux suivantes, et encore moins à celles en brique crue.
Notes et références
[1] Klemm, Steine und Steinbrüche in Alten Ägypten, Springer Verlag Berlin Heidelberg, 1993.
[2] M. Lehner, The Development of the Giza Necropolis: The Khufu project, Mitteilungun des Deutschen Institutes, Abteilung Kairo, 41, p. 149, 1985.
[3] L. Gauri, Geological study of the Sphinx, Newsletter American Research Center in Egypt, No 127, pp. 24-43, 1984.
[4] B. Rothenberg, Sinai exploration 1967-1972, Bulletin, Museum Haaretz Tel Aviv, 1972, p. 35
[5] J. Davidovits, Ils ont bâti les pyramides, éd. J-C Godefroy, Paris, 2002, pp. 161-162, 307-311
[6] J. Davidovits, La nouvelle histoire des pyramides, éd. J-C Godefroy, Paris, 2004, pp. 57-58 et 72
[7] Voir les réf. [5] et [6] pour les notes bibliographiques complètes et les débats avec les géologues.
[8] Pyramid Man-Made Stone, Myths or Facts, III. The Famine Stela Provides the Hieroglyphic Names of Chemicals and Minerals Involved in the Construction , Davidovits J., 5th Int. Congress of Egyptology, Cairo, Egypt, 1988; Egyptian Antiquities Organization; EGY; 1988; pp. 57-58 in Résumés des Communications. Voir aussi les réf. [5] et [6].
[9] J. Davidovits, Ils ont bâti les pyramides, éd. J-C Godefroy, Paris, 2002, pp. 229-236
[10] J. Davidovits, La nouvelle histoire des pyramides, éd. J-C Godefroy, Paris, 2004, pp. 145-150
[11] M. Lehner, The Complete Pyramids, Thames and Hudson, 1997, p. 83
[12] G. Demortier, La construction de la pyramide de Khéops, Revue des questions scientifiques, Bruxelles, 2004, Tome 175, p. 341-382
[13] M. Lehner, The Complete Pyramids, Thames and Hudson, 1997, p. 224
[14] Sydney Aufrère, L'univers minéral dans la pensée égyptienne, IFAO, Le Caire, 1991, Volume 2, p. 494
[15] D.D. Klemm and R. Klemm, Mortar evolution in the old kingdom of Egypt, Archaeometry '90, Birkhaüser Verlag, Basel, Suisse, 1990, pp. 445-454
[16] J. Davidovits, Ils ont bâti les pyramides, éd. J-C Godefroy, Paris, 2002, pp. 297-328
[17] J. Davidovits, La nouvelle histoire des pyramides, éd. J-C Godefroy, Paris, 2004, pp. 207-228
[18] Klemm, The archaeological map of Gebel el Silsila, 2nd Int. Congress of Egyptologists, Grenoble, 1979, Session 05.
[19] J. P. Adam, l'Archéologie devant l'imposture, éd. Robert Laffont, Paris, 1975, p. 158
[20] Vyze-Perring, The Pyramids of Gizeh, Vol. III, p. 99
Illustration de la théorie (Dessins de Serge Dutfoy)
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1 commentaire:
je suis de plus en plus convaincu que le moulage des pierres explique beaucoup de réalisations.
Mais pour la roches dures, il reste à expliquer le procédé .
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