vendredi 14 janvier 2011

“Je dis que ces pyramides m’ont paru de grands ouvrages, mais non pas des ouvrages d’une grande beauté” (Antoine Morison - XVIIe-XVIIIe s.)

Dans son ouvrage Relation historique d’un voyage nouvellement fait au mont de Sinaï et à Jérusalem (1704), le sieur Antoine Morison se présente lui-même comme chanoine de Bar-le-Duc et chevalier du Saint-Sépulcre. Pour l’heure, nous nous contenterons de ces miettes d’information sur la personnalité de l’auteur, faute de mieux.

Nulle surprise en cela : j’ai retenu de cet ouvrage les quelques pages consacrées aux pyramides de Guizeh.

En regard des acquis de la pyramidologie moderne, les observations et remarques de l’auteur semblent - comment s’en étonner ? - embryonnaires. En abordant les pyramides, Antoine Morison a certes pris la précaution de consulter quelques références classiques (Hérodote, Pline...), mais il se soucie surtout de noter ses propres découvertes, même s’il ne dispose que de moyens rudimentaires (“à la faveur des bougies”). On notera, dans sa relation, des approximations (emploi du mot “environ”), des hésitations et des erreurs (dimensions des blocs de surface de la Grande Pyramide, nombre erroné des blocs au plafond de la chambre du Roi, dimensions de la seconde pyramide comparativement à la Grande Pyramide). Mais le souci d’une observation directe et personnelle est primordial chez Antoine Morison, quitte à s’écarter, même si cela peut sembler “téméraire”, de l’avis de tel ou tel auteur “révéré de toute l’antiquité”. Pline a notamment droit à un traitement de faveur : il semble tellement coutumier de l’exagération qu’il fait “pitié” !

L’auteur se lance alors dans une justification de bon aloi de sa lecture personnelle des pyramides : ni entêtement, ni servilité, mais recours aux lumières, si “faibles” soient-elles, de sa raison.

Quant à son appréciation globale de la qualité esthétique des pyramides, comparativement aux monuments d’autres civilisations, elle n’est pas très originale : “Il y a mieux ailleurs !” Au cours de notre inventaire, nous avons rencontré maintes fois ce même point de vue. Là encore, mais cette fois-ci sur le mode de l’humour, Antoine Morison entend bien se démarquer de ce qu’il faut bien appeler une mode avant l’heure, à savoir “la manie de (certains) voyageurs qui, pour se rendre admirables, veulent que tout le monde admire ce qu’ils ont eux-mêmes admiré”. À bon entendeur...


“Un poète ancien et célèbre, voulant relever la magnificence d’un arc de triomphe dressé dans Rome à l’honneur de Domitien, dit que les pyramides d’Égypte n’ont rien qui lui soit comparable, et que ces ouvrages qu’il appelle des miracles barbares, doivent céder à la délicatesse de celui dont il fait l’éloge. (...)

Quoi qu’il en soit de ces fameux monuments de la folie et de la vanité des anciens Égyptiens, que j’avais souvent vus de loin, et que j’avais tant ouï vanter, ayant excité ma curiosité, Mr. le Consul voulut bien encore me satisfaire sur cet article ; ainsi le trentième jour de janvier de l’année mil six cent quatre-vingt et dix-huit, sans craindre la chaleur excessive qui se faisait alors sentir, nous sortîmes du Caire avant le jour, afin de pouvoir y retourner avant la nuit, après avoir considéré à loisir ces pyramides, qui sont à trois lieues de là, sur un terrain élevé où finit le débordement du Nil, et où commencent les sables et les affreux déserts de la Libye, qui sont si peu praticables, et par conséquent si peu connus. (...)

Après avoir (...) passé cette grande et célèbre campagne alors remplie de toute sorte de fruits et de grains, nous trouvâmes une élévation toute de sable et de rochers, sur laquelle sont ces pyramides fameuses situées à l’occident, et presque vis-à-vis du Caire vieux. Cet ouvrage est le seul qui des sept merveilles du monde subsiste encore. (...)

Il est évident au reste que le terrain sur lequel sont élevées ces pyramides servait de cimetière aux anciens Égyptiens, et que les pyramides étaient des mausolées et des tombeaux destinés à la sépulture des Pharaons, des grands de leur cour, ou de ceux qui les faisaient construire, car outre les trois grandes dont j’ai dessein de parler et qui ont le plus de réputation, on y en voit un bon nombre d’autres petites, dont les unes sont presque entièrement cachées sous le sable que le vent a amassé autour, les autres à demi détruites, et d’autres tout à fait ruinées, sans parler de certains sépulcres fort longs, de figure carrée, bâtis de pierre très proprement taillées, élevés de terre d’environ trois pieds, avec des ouvertures au milieu, par lesquelles on voit dans les caveaux voûtés l’endroit où les corps étaient inhumés. (...)

Ces trois pyramides célèbres sont bâties sur la même ligne, et sont parfaitement orientées, c’est-à-dire que leur quatre faces regardent directement les quatre parties du monde.
Illustration : Lehnert et Landrock
La Grande Pyramide “fut anciennement terminée d’une autre manière qu’elle ne l’est aujourd’hui”

La première pyramide, qui est la plus grosse et la plus élevée de toutes, est composée de deux cent vingt-sept degrés, selon la supputation du Chevalier Baureins de Rhutant Parisien, parent de Mr. le Consul de France, avec qui je montai sur la pointe de cette pyramide, et de deux cent vingt-cinq selon la mienne propre. Ces degrés sont inégaux, car les uns sont de cinq pieds de hauteur, les autres de quatre, de trois et de deux et demi. Pour y monter avec moins de danger, quoique toujours avec beaucoup de peine, il faut prendre l’angle qui se présente d’abord à ceux qui viennent aux pyramides par la route du Caire ; autrement on s’exposerait évidemment au péril de rouler en bas et d’être moulu en tombant de degré en degré jusqu’au pied de la pyramide ; car outre qu’on trouve par cet endroit des degrés plus larges, ils y sont aussi moins couverts de sable, de mortier et d’éclats de pierres que que partout ailleurs.

Étant arrivé sur la pointe avec des fatigues très grandes, car je ne montai la plupart de ces degrés qu’en m’élançant d’abord sur mon ventre à cause de leur hauteur, et après quelques vertiges que la chaleur et la hauteur du lieu me causèrent, quoique je me visse prodigieusement élevé, je ne pus convenir de ce que j’avais lu dans les lettres d’un fameux voyageur italien (1), qui veut que cette pyramide égale en hauteur la boule qui termine le dôme de la basilique de Saint-Pierre de Rome (...).

Un auteur (2) qui a donné ses voyages au public au commencement de ce siècle qui va finir, dit qu’il trouva sur la pointe de cette pyramide une plate-forme carrée, de plus de quinze pieds de diamètre et faite d’une seule pierre. Cette pierre n’y est plus, et je ne conçois pas bien comment on a pu enlever une masse si effroyable, comme il avoue lui-même ne pouvoir comprendre avec quelles machines on a pu l’élever si haut. Il est évident néanmoins que cette pyramide fut anciennement terminée d’une autre manière qu’elle ne l’est aujourd’hui, car on a fait rouler en bas avec de grands efforts deux pierres d’environ six à sept pieds de largeur en carré, et trois à quatre de profondeur, comme il est aisé d’en juger à la vue de deux autres pierres semblables qui restent, ce qui fait que la pyramide n’est pas finie de tous côtés par une hauteur égale. Il est probable que cette pyramide fut d’abord absolument terminée en pointe, non seulement parce que telle est la nature et la perfection de la pyramide, mais encore parce que la voisine à laquelle celle-ci a servi de modèle est encore finie de la sorte. (...)
Auteur non mentionné
Quelques auteurs, fondés sur de simples conjectures ou sur de faux mémoires, ont avancé que cette pyramide n’est autre chose qu’une montagne très élevée, taillée en forme pyramidale ; mais pour parler ainsi, il faut n’avoir pas été sur les lieux, où l’on ne voit guère de terrain plus élevé que celui sur lequel cette pyramide est construite ; d’ailleurs, toutes les pierres qui la composent sont distinguées entre elles, et liées avec la chaux et le sable. Enfin, les bâtiments qui sont dans l’intérieur de cette pyramide font voir combien ce sentiment est peu juste..

L’opinion la plus commune et la mieux fondée est que cette pyramide n’a pas toujours été à l’extérieur revêtue de simples roches en forme de degrés comme elle l’est aujourd’hui, mais que ces degrés ont été couverts depuis le pied jusqu’à la pointe, de grandes pièces de marbre blanc, dont on trouve encore sur les marches des morceaux lisses et bien polis qui y sont restés, comme nous en trouvâmes nous-mêmes. On ajoute que les Califes et les derniers rois d’Égypte, non seulement firent arracher ce marbre pour en orner leurs palais, mais qu’ils accordèrent aussi aux grands du royaume la même liberté et le même privilège, et que c’est ce qui a rendu le marbre si commun dans les mosquées et dans toutes les maisons des bourgeois du Caire qui y sont distingués ou par leurs emplois ou par leurs richesses.

J’appuie cette tradition sur quatre raisons que mon lecteur ne méprisera peut-être pas s’il veut bien y faire un peu d’attention. La première est que les deux pyramides voisines ont été couvertes, l’une de pierres de taille, et l’autre de marbre granité, ce qui est sans contestation comme on le verra tantôt. Or celle-ci étant la première en ordre, en grosseur, en beauté et en élévation, est-il probable qu’elle leur ait été inférieure en ce point ? Secondement, il est évident que si on n’eût pas voulu la couvrir, du moins eût-on rendu les marches égales, ou bien on les eût fait diminuer de grosseur et de hauteur à mesure que la pyramide elle-même va en se rétrécissant vers sa pointe, pour observer les proportions et la symétrie que l’art et le bon sens suggéraient, dans un dessein de cette importance, et dans un ouvrage par lequel le Roi qui en fut l’auteur prétendait follement rendre immortelle la mémoire de son nom ; mais ces règles ont été négligées, comme on le voit, puisque le vingtième degré est plus haut que le douzième, le soixantième l’est plus que le trentième, ainsi du reste. Troisièmement, si le marbre qui couvrait cette pyramide n’en eût pas été arraché avec violence, on ne verrait pas les marches couvertes comme elles le sont presque partout de chaux, de sable, d’éclats de pierres, et on n’y trouverait pas ces morceaux de marbre qui s’y voient, car il n’est pas probable qu’on les y ait portés à dessein, ou qu’ils s’y soient rencontrés par hasard. Enfin, le naturaliste Pline, auteur fort ancien, dit qu’on admirait de son temps certains Égyptiens qui, par une agilité incroyable, montaient du pied de cette pyramide jusque sur sa pointe, s’y attachant pieds et mains par le moyen d’une matière gluante. Si donc cette pyramide n’eût été lisse de haut en bas, comment ces Égyptiens se seraient-ils rendus si admirables ? Le seraient-ils plus que moi qui y suis monté sans aucun secret ni artifice ?


Entre toutes les pyramides répandues dans cette campagne de sable, celle-ci est la seule qui soit ouverte, ce qui a fait croire à quelques-uns qu’elle n’a jamais été fermée, et que le corps du Roi qui la fit construire pour lui servir de mausolée n’y a jamais été mis ni enfermé ; mais pour être persuadé du contraire, il suffit de voir l’ouverture, par laquelle on entre dans l’intérieur de cette pyramide, car les pierres qu’on en a arrachées font connaître évidemment qu’elle a été forcée, et que cette entrée qui était revêtue comme tout le reste n’a été découverte qu’après une longue recherche et après un très grand travail.

On tient par une tradition commune en Égypte (mais de laquelle je ne me rendrai pas caution) que ceux qui ouvrirent cette pyramide, et qui pénétrèrent jusques dans l’endroit où était le corps du Roi, au lieu des trésors qu’ils se flattaient d’y trouver (car c’était la coutume des grands d’Égypte d’ordonner qu’on enfermât dans leur tombeau des richesses considérables avec leur corps), ils n’y trouvèrent qu’un juste et sanglant reproche, fait à cette avarice qui les portait à aller troubler le repos des morts et remuer leurs cendres. Que l’impie n’aura pour fruit de son impiété que le seul chagrin d’avoir été méchant sans aucun fruit. On ajoute que ces espérances ainsi frustrées empêcheront depuis l’exécution du dessein qu’on avait d’ouvrir les autres.

Cette ouverture qui regarde l’occident n’est point faite au pied de la pyramide, mais à plus de trente pieds de hauteur, et on y monte insensiblement et aisément par le moyen des ruines qui y sont, et du sable que le vent y a poussé. Ce trou qui est un carré d’environ trois pieds et demi, et bâti de pierres très grandes, très polies et très bien liées, est une espèce de canal d’environ cent pieds de longueur, qui descend jusqu’au pied de la pyramide, c’est-à-dire jusqu’au roc sur lequel elle est élevée, et qui par conséquent peut avoir trente pieds de pente et de profondeur. Ceux qui veulent entrer dans cette pyramide et en voir les bâtiments, pour éviter la peine de descendre à tâtons et courbé jusqu’au fond de ce premier canal, ils s’y laissent glisser sur leur séant, ce qui est plus doux et plus aisé, la pierre étant partout lisse comme un marbre bien poli.

Vers la fin de cette coulisse est un grand amas de sable qui nous aurait empêché de passer (bouchant presque entièrement ce trou) si deux Arabes que Mr. le Consul avait envoyés pour détourner le sable ne nous eussent fait un passage fort étroit, et dans lequel j’étais fort à la presse, quoique je fusse moins épais que le bon évêque arménien, après lequel immédiatement j’y entrai, ou plutôt après lequel je fus je fus attiré par les deux Arabes gagés à ce dessein. (...)

J’échappai cependant de ce genre de torture que je souffris dans le sable, qui peut occuper un espace d’environ douze à quinze pieds, au bout duquel je me trouvai plus au large dans une manière de petite grotte, de laquelle je montai par une allée qui peut avoir soixante pas de longueur. Au bout de cette allée est une espèce de puits qu’on dit être d’une profondeur considérable. Comme il n’y eut jamais de source d’eau dans cet endroit, on ne peut comprendre à quelle fin il y a été creusé et bâti. Ce puits qui termine cette allée commence un canal d’environ cent pieds de longueur, mais si bas qu’il faut y ramper ; et mes mes mains m’y furent d’un plus grand secours que mes pieds même.

De ce canal je passai dans une chambre d’environ trente pieds de longueur sur seize de largeur, dont les murailles et la voûte qui finit en pointe sont revêtues de marbre granite. On tient que le Roi qui fit bâtir la pyramide destina cette chambre à la sépulture de la Reine sa femme ; voilà pourquoi on l’appelle la salle de la Reine. Il n’y a cependant rien dans cette salle qui marque que la Reine y ait été mise après sa mort ; on voit seulement dans la muraille une espèce de niche dans laquelle une personne peut être debout, mais cette situation n’est pas la posture qui convient le mieux aux morts.

Après avoir suffisamment examiné cette salle funèbre, nous retournâmes sur nos pas par la même route, et au bout du même canal vis-à-vis du puits dont j’ai parlé, nous montâmes par une allée fort rapide d’environ cent pieds de longueur, dont la voûte était fort élevée, ensuite de quoi, passant par un canal aussi bas que le premier d’environ trente pieds de longueur, nous entrâmes dans une chambre tant soit peu longue et plus large que la première. On l’appelle salle du Roi, parce qu’on tient que le Roi y fut enseveli dans un tombeau de sept pieds de longueur, de trois de largeur, et de deux et demi de profondeur, qui s’y voit encore. Ce tombeau est d’un marbre granité qui sonne comme de l’argent quand on le touche, et il est d’une dureté si extraordinaire que de quelque coup de marteau qu’on le frappe, il n’est pas possible d’en rien arracher.

Le plafond de la salle est composé de sept pierres de marbre d’une longueur suffisante pour poser leurs bouts sur les murailles qui sont revêtues d’un marbre de même espèce.

À côté du tombeau est un petit caveau dans lequel un des nôtres descendit, mais il le trouva vide et n’y vit rien de remarquable. Après avoir tout considéré à la faveur de nos bougies, nous sortîmes de la pyramide avec les mêmes peines que nous avions souffertes pour y entrer. Pour moi, j’en vis hors à peu près avec la même joie qu’aurait un mort sorti de son tombeau, pour jouir de nouveau de la vie, de la liberté et de la lumière qui lui seraient pour un temps échappées.

La seconde pyramide qui me parut d’un quart moins grosse et élevée que la première, était autrefois couverte d’une pierre de taille très belle et si bien liée que ce qui en reste semble être d’une seule pièce. Elle en est encore couverte de la hauteur d’environ trente-cinq ou quarante pieds au-dessous de sa pointe.

La troisième pyramide, qui est d’un tiers au moins inférieure en hauteur à la seconde, la surpassait en beauté, car elle était toute revêtue d’un marbre granite qui en est entièrement détaché, mais qui n’est pas tout enlevé, une bonne partie de ce marbre étant resté autour. (...)

Quoiqu’il semble téméraire à un auteur moderne de vouloir s’écarter d’une opinion révérée de toute l’antiquité (3), qui a regardé les pyramides dont je viens de parler comme des miracles de l’art, je vous déclare, mon cher lecteur, que je ne saurais me résoudre à errer avec elle. J’avoue que je ne dois pas être entêté de mes sentiments propres, mais aussi je ne crois pas devoir me laisser si fort prévenir du sentiment d’autrui que je ne puisse rien accorder aux faibles lumières de ma raison. Sans donner donc dans la manie de ces voyageurs qui, pour se rendre admirables, veulent que tout le monde admire ce qu’ils ont eux-mêmes admiré, peut-être sans sujet ; je dis que ces pyramides m’ont paru de grands ouvrages, mais non pas des ouvrages d’une grande beauté, étant dépouillées des ornements qui brillent dans ces édifices pompeux de France et d’Italie, où l’architecture étale avec tant de délicatesse, sur un dessin majestueux et hardi, de quoi charmer les yeux, divertir l’imagination et enlever l’esprit ; car enfin, quel est le monarque aujourd’hui (si pourtant il pouvait s’en trouver quelqu’un qui fût travaillé de cette maladie d’esprit des anciens rois d’Égypte) qui ne puisse en vingt années assembler une montagne de pierres et de marbre, et lui donner la figure d’une pyramide. Nos Rois savent (grâces à Dieu) faire un meilleur et plus prudent usage de leurs finances (...).

À deux cents pas ou environ de la grande pyramide, du côté de l’orient, se voit la tête d’une sphinx (4), dont le corps est enterré sous sous le sable. Ce qui paraît du col de cette figure peut avoir quinze pieds de hauteur, et la tête qui est encore toute entière est d’une grosseur si extraordinaire qu’elle fournissait à onze personnes que nous étions assez d’ombre pour nous parer de l’extrême chaleur que nous souffrions dans ces sables. Comme cette figure est sans doute proportionnée, elle doit avoir plus de cent pieds de longueur, et par conséquent sa grosseur est prodigieuse.

Pline en parle avec tant d’exagération qu’il me fait pitié, et je douterais de sa bonne foi en d’autres choses, si je n’excusais sa trop grande crédulité en celle-ci.

La tête de cette sphinx est creuse, ce qui a fait dire que les prêtres de ces temples voisins et ruinés (...), montant à la faveur de la nuit dans cette tête, s’y tenaient cachés pour parler à certains jours marqués au peuple qui s’assemblait et qui écoutait les discours de ces imposteurs, comme des oracles que prononçait cette idole. Ce que j’admirais le plus dans cette divinité monstrueuse était la vivacité de sa peinture, et surtout du vermillon de ses joues, qui semble y être appliqué depuis deux ans seulement, quoiqu’il en ait bien plus de deux mille.”


(1) Pietro della Valle

(2) de Villamont

(3) Hérodote

(4) au féminin dans le texte

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