jeudi 1 novembre 2018

"Sous Khufu, à la IVe dynastie, on atteignit une précision extraordinaire dans le détail pour les travaux de la plus grande envergure" (Flinders Petrie)

extraits de Arts et métiers de l'ancienne Égypte, 1915, par W. M. Flinders Petrie, professeur d'égyptologie à l'Université de Londres

"On a souvent discuté sur la manière dont s'exécutait le placement des pierres dans une construction. Ordinairement, les fondations étaient posées sur un lit de sable pur, ce qui permettait de disposer correctement les divers lits en partant d'un niveau exact. Il paraît très probable, en ce qui concerne les temples, que l'intérieur était rempli de terre au fur et à mesure de l'avancement de la construction : ainsi on pouvait travailler les murs, les tambours des colonnes et les architraves aussi aisément que s'il s'était agi des parties les plus basses. Ce même mode est suivi avec succès dans les réparations que l'on fait actuellement à Karnak. 
Mais lorsqu'il s'agissait de lever des pierres, pour une pyramide ou un pylône, il fallait recourir à un échafaudage. Il subsiste encore des restes d'une rampe massive en briques contre les deux faces des pylônes inachevés de Karnak. Ce n'est, il est vrai, que la masse générale de l'échafaudage qui a subsisté, car les degrés par lesquels on hissait les pierres ont dû être en pierre, des briques se seraient effritées et auraient été réduites en poussière, si elles avaient eu à supporter directement un tel effort.
Pour les petits blocs, on se servait d’une espèce de bascule en bois, dont on a retrouvé de nombreux modèles parmi les copies d'outils dans les dépôts de fondation. 

illustration extraite de l'ouvrage de F. Petrie
En appuyant sur l’une des extrémités et en glissant un coin en dessous, on pouvait basculer le bloc et le soulever ainsi progressivement, une fois d’un côté, une fois de l’autre. Les blocs de grandes dimensions étaient probablement levés par balancement. Si une poutre repose vers le milieu sur deux supports, il suffit d'un très léger effort pour la soulever complètement d'un des deux supports ; alors, en surélevant celui-ci, on peut basculer la poutre du côté opposé et surélever le support inférieur à son tour. En la balançant ainsi et en surélevant alternativement chacun des supports, une poutre peut être rapidement levée jusqu'à ce qu'on puisse la tirer sur le gradin suivant du remblai. C'est probablement en opérant de la sorte qu'on est parvenu à élever dans la pyramide de Khufu les cinquante-six poutres de granit, qui pèsent chacune au delà de cinquante tonnes. (...) 
Avant d'abandonner ce sujet, nous attirerons l'attention sur la précision et la minutie du travail des Égyptiens, qualités qui se remarquent davantage dans le travail de la pierre que dans celui de n'importe quelle autre matière. Sous Khufu, à la IVe dynastie, on atteignit une précision extraordinaire dans le détail pour les travaux de la plus grande envergure. C'est ainsi que sa pyramide ne présente qu'une erreur de 15 millimètres sur son côté de 230 mètres, ce qui équivaut à une différence de 1 sur 15,0oo ; l'angle des coins est correct à 12" près. Un simple changement de température au cours d'une journée peut produire sur une coudée des erreurs plus grandes. La précision du nivellement et du fini des pierres est en rapport ; les joints de plus de 1m8o de long sont corrects à un quart de millimètre près. Dans la pyramide de Khafra, la variation est de 4 centimètres sur 215 mètres et de 33" aux angles. La pyramide de Menkaura est moins correcte avec une moyenne de 8 centimètres sur 106 mètres et de 1'50" aux angles. À Dahshour, les erreurs sont de 9 centimètres sur 190 mètres à la base et de 3 centimètres sur 52 mètres, avec des erreurs d'angles de 4' et 10'. (...)
Autant qu'on le sache, les époques postérieures n'ont rien laissé qui puisse être comparé à cette perfection dans le travail."