lundi 1 mars 2010

"Ces masses prodigieuses de terre et de pierre, dont l'usage pourtant paraît si frivole" (P.L. Moreau de Maupertuis - XVIIIe s. - à propos des pyramides d'Égypte)

Extraits des Œuvres, tome second (1752) du mathématicien, astronome et naturaliste français Pierre Louis Moreau de Maupertuis (1698-1759).
À noter ce souhait que Vyse mettra en œuvre un siècle plus tard : l'usage de la poudre pour mieux examiner les entrailles des pyramides.


Moreau de Maupertuis (Wikimedia commons)
Ce n'est pas sans raison qu'on a compté parmi les merveilles du Monde ces masses prodigieuses de terre et de pierre, dont l'usage pourtant paraît si frivole, ou du moins nous est resté si inconnu. Les Égyptiens, au lieu de vouloir instruire les autres peuples, semblent n'avoir jamais pensé qu'à les étonner. Il n'est cependant guère vraisemblable que ces pyramides énormes n'aient été destinées qu'à renfermer un cadavre ; elles cachent peut-être les monuments les plus singuliers de l'Histoire et des Sciences de l'Égypte. On raconte qu'il y a 900 ans qu'un Calife curieux [al-Ma'moun] fit tant travailler pour en ouvrir une qu'on parvint à y découvrir une petite route qui conduit à une salle, dans laquelle on voit encore un coffre de marbre ou une espèce de cercueil. Mais quelle partie ce qu'on a découvert occupe-t-il d'un tel édifice ? N'est-il pas fort probable que bien d'autres choses y font renfermées ? L'usage de la poudre rendrait aujourd'hui facile le bouleversement total d'une de ces pyramides : et le Grand Seigneur les abandonnerait sans peine à la moindre curiosité d'un Roi de France.
J'aimerais cependant bien mieux que les Rois d'Égypte eussent employé ces millions d'hommes qui ont élevé les pyramides dans les airs, à creuser dans la terre des cavités dont la profondeur répondît à ce que les ouvrages de ces Princes avaient de gigantesque. Nous ne connaissons rien de la Terre intérieure : nos plus profondes mines entament à peine sa première écorce. Si l'on pouvait parvenir au noyau , il est à croire qu'on trouverait des matières fort différentes de celles que nous connaissons, et des phénomènes bien singuliers. Cette force tant disputée qui, répandue dans tous les corps, explique si bien toute la Nature, n'est encore connue que par des expériences faites à la superficie de la Terre : il serait à souhaiter qu'on pût en examiner les phénomènes dans ces profondes cavités.

Aucun commentaire: