Photo Marc Chartier
Misr, hibat al-Nîl... L'Égypte, don du Nil : de tout temps, les Égyptiens ont conclu avec leur fleuve un contrat à la fois de dépendance et de coexistence pacifique. La dépendance, puis, surtout depuis la construction du barrage d'Assouan, le contrôle des inondations saisonnières de cette artère majeure ont en effet toujours ont été d'une importance première pour la vie économique, sociale, voire religieuse de leur pays. L'on sait notamment le rôle primordial du Nil pour le transport, depuis les carrières d'Assouan, des monolithes de granit intégrés dans la construction de certains organes essentiels de la Grande Pyramide.Les Égyptiens, maîtres de l'eau... De là à en faire des ingénieurs en hydraulique avant l'heure, il n'y a qu'un pas que certains "pyramidologues", patentés ou autoproclamés, ont franchi afin de mettre en formule les techniques de construction telles qu'elles furent, selon eux, appliquées par les anciens bâtisseurs égyptiens.
Ce blog s'est déjà fait l'écho de telle ou telle de ces théories intégrant l'eau comme élément essentiel de leur démonstration. Sans revenir en détail sur leur contenu, ni a fortiori sur les éventuelles bisbilles ou controverses plus musclées qu'elles ont pu déclencher, je les cite simplement pour mémoire. Les liens permettront de les retrouver:
le "mécanisme secret" de Khéops, selon Philippe Lheureux ;
l'escalier hydraulique de Manuel Minguez ;
l'escalier de Khéops de Jean Perrenoud ;
la chambre souterraine de la pyramide de Khéops, selon Jacques Bouet ;
les chevalets équipés de coussins d'eau, selon André Legleye ;
l'ascenseur eau/air de Michel Sabater ;
théorie de Mario Pincherle...
On pourrait également citer, pour compléter ce tableau d'histoires d'eau, les auteurs anciens, notamment arabes, selon lesquels les pyramides ont été construites pour échapper aux effets dévastateurs d'un Déluge annoncé. Ou encore, bien évidemment, l'incontournable Hérodote avec ce texte qui n'a pas fini de mettre en émoi le ban et l'arrière-ban dans le camp des égyptologues : "Chéops, suivant ce que me dirent les Égyptiens, régna cinquante ans. Étant mort, son frère Chéphren lui succéda, et se conduisit comme son prédécesseur. Entre autres monuments, il fit aussi bâtir une pyramide : elle n'approche pas de la grandeur de celle de Chéops (je les ai mesurées toutes les deux) ; elle n'a ni édifices souterrains, ni canal qui y conduise les eaux du Nil ; au lieu que l'autre, où l'on dit qu'est le tombeau de Chéops, se trouve dans une île, et qu'elle est environnée des eaux du Nil, qui s'y rendent par un canal construit à ce dessein."
Je me propose ici de compléter mon inventaire par d'autres théories que je viens de découvrir et qui intègrent l'eau dans l'agencement du chantier de la Grande Pyramide. Il y sera donc question, une nouvelle fois, d'hydraulique.
Mon rôle, tel que je l'ai défini, n'étant ni de justifier ces théories, ni de démontrer leurs éventuelles incohérences, je me limiterai à une présentation sommaire, avec ajout de liens pour inciter le lecteur à se référer, pour de plus amples précisions, à la source même de mes informations.
La première de ces théories a pour auteur l'Américain John J.Williams. Il la dénomme WHTCP (Williams's Hydraulic Theory to Cheops's Pyramid) et la présente, comment s'en étonner, comme la seule pouvant réellement expliquer la construction de la Grande Pyramide, en dépit de l'"arrogance" des archéologues et égyptologues et du silence lourd de signification de Zahi Hawass.
Cette théorie a fait l'objet d'un "manuel" ainsi que d'un résumé sur le site internet de l'auteur.
John J.Williams admet tout d'abord que des rampes ont été nécessaires pour la construction de la pyramide de Khéops jusqu'au niveau du plancher de la Chambre de la Reine. Puis, pour la suite du chantier, jusqu'au sommet de l'édifice, il fait intervenir un ascenseur (ou élévateur) hydraulique "enseveli" (buried) dans le corps de la pyramide et situé sur une verticale entre la Chambre de la Reine et celle du Roi.
Illustration reproduite avec l'autorisation de J.J.Williams
Le parcours du plateau mobile de l'ascenseur va de la Chambre de la Reine, où il est chargé des blocs de pierre, des outils et des ouvriers ou même des animaux du chantier, jusqu'à l'assise supérieure en cours de construction où descendent les ouvriers et où sont déchargés les blocs qui sont ensuite transférés horizontalement, sur des traîneaux, jusqu'à leur emplacement définitif.Le plateau de l'ascenseur est installé et fonctionne dans la seule partie supérieure d'un conduit (shaft) qui part de la chambre souterraine de la pyramide pour aboutir, en fin de construction, jusqu'au sommet de l'édifice.
Illustration : R.Castelnuovo (Wikimedia commons)
L'élément dynamique de ce système est exclusivement hydraulique : la partie du conduit sous la Chambre de la Reine est une sorte de grosse canalisation (plumbing, "plomberie") qui, grâce à une vis sans fin (dénommée plus tard vis d'Archimède) ou autre pumping mechanism, amène l'eau de la chambre souterraine jusqu'au fond de la plate-forme de l'ascenseur pour la pousser vers le haut. La manœuvre de descente s'amorce dès que l'eau s'évacue du système vers la Grande Galerie, par un clapet situé au niveau de l'entrée de la Chambre du Roi.La Grande Galerie fait donc office d'immense réservoir qui déverse son contenu, selon un débit régulé par des valves, dans la chambre souterraine, via le puits partant de l'entrée du couloir horizontal menant à la chambre de la Reine.
Au point de convergence du bas de la Grande Galerie, du sommet du couloir ascendant, de l'entrée du couloir horizontal menant à la Chambre de la Reine et du puits débouchant sur la chambre souterraine, John J.Williams prévoit un mécanisme complexe, fonctionnant toujours avec la force motrice de l'eau provenant de la Grande Galerie, pour hisser les blocs de pierre le long du couloir ascendant jusqu'au couloir horizontal, où ils sont transportés sur traîneaux, avec la force humaine, pour être ensuite chargés sur la plate-forme de l'ascenseur.
Ce point précis de la théorie étant plutôt complexe, je préfère rapporter directement les explications de l'auteur : "At this convergence point, there was a large water wheel or water-powered windlass (or other water-powered device) which drove spools through an axle (...). One spool was on each side of the front area of the horizontal passage to the "Queen's Chamber," and has a rope wrapped around it. The ropes were lowered to the bottom of the ascending passage, and wrapped around the stone(s) (and-or attached to the loaded sleds or skids) to be lifted up this passage (26.3 degrees incline). Water is delivered from the Grand Gallery to the water wheel/windlass system using a valve to control the hydraulic power ; the well shaft drains the water back to the subterranean chamber. The water wheel/windlass turns, thereby turning the spools, thereby wrapping up the ropes with great force, thereby pulling up the stone(s)/sleds/skids until it/they reached the top of the ascending passage and onto the horizontal passage to the Queen's Chamber."
À ce point, trois questions au minimum restaient sans réponse :
1) Comment la Grande Galerie a-t-elle approvisionnée en eau au point de départ ?
2) Comment est assurée l'étanchéité du système ?
3) Comment - par quelle force - est actionnée la vis sans fin hissant l'eau de la chambre souterraine jusqu'au fond de la plate-forme ?
John J.Williams a eu l'amabilité de répondre au courrier que je lui ai adressé. Voici sa réponse :
1) The water fills the Grand Gallery in two ways:
- a : When the Great Pyramid was being built, of course the huge top level area being worked on was open to the rain. At that time, Egypt received greater rainfall than it does today. This rain would then drain into the Grand Gallery, which was the hole at the top, to help keep it filled.
- b : When the hydraulic elevator starts to descend from the top level (when the top level was above the Grand Gallery), after discharging its stones and workers, a valve near the entrance to the King's Chamber is opened between the water-filled elevator shaft and the Grand Gallery, which pours the water from the shaft into the top of the Grand Gallery, causing the elevator to descend at the rate controlled by this valve and also filling the Grand Gallery. The water which filled the hydraulic elevator shaft to lift the elevator originated from the Subterranean Chamber (SC), and was probably pumped into the elevator shaft using screw-like water pumps (later attributed to Archimedes).
Up to the Queen's Chamber level, ramps were probably mostly used to lift the stones as they would have been practical up to about that level. As the top level rose above the Queen's Chamber, method (a) above was increasingly used to fill the Grand Gallery. As the top level rose above the King's Chamber, the top level area decreased in size (less rain water run off) while the volume of the elevator shaft increased in size, the result being that method (b) contributed increasing proportions of the Grand Gallery water.
2) I do not know how or to what extent the Grand Gallery was sealed on its bottom or sides. Some water leakage likely occurred. At the bottom of the Grand Gallery, there was a valve just above the water wheel which was opened to release its water to turn the water wheel, which in turn wrapped up ropes to pull up sleds with stones on them up the Ascending Ramp. This water was drained from the water wheel along the crooked-looking Well Shaft which connects the top of the Ascending Ramp to the Descending Ramp near the SC. Some water was also probably diverted down the Ascending Ramp to lubricate it.
Illustration : Silberwolf (Wikimedia commons)
3) Using screw pumps appear to me to be the most logical and likely means that the pyramid builders used to pump water. They are simple to imagine, relatively easy to make using primitive tools, relatively easy to apply, and efficient. They are basically Archimedes water screws. Usually, water screws were used to lift water from a lake or river to a higher level to irrigate crops. However, in this case, the screws operated in a closed system, drawing water from the SC and forcing it into the elevator shaft underneath the elevator platform, thus lifting it. As the screw turns, the water that is picked up from the SC supply is forced into the elevator shaft, which of course, requires force and energy to do. This energy could have been supplied by humans or animals. Recall the movie, "Conan, the Barbarian" - the wheel that Arnold turned to grind grain is similar to that which would have probably been used to turn the water screws. Or perhaps a hamster cage type wheel type. Or a windlass type. Or a crank on a medieval trebuchet or catapult or Roman ballista type. The pump wheels could have been horizontal or vertical. Animal grease was probably likely used to both lubricate them and seal them. Plus d'informations
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