vendredi 26 mars 2010

Les quatre pyramides de Guizeh, décrites par un guide scientifique, artistique et pittoresque du XIXe s.

Déjà rencontrée dans l'ouvrage du Canadien Léon Gingras L'Orient, ou voyage en Égypte, en Arabie, en Terre-Sainte, en Turquie et en Grèce (1847), la pyramide de Philista vient à nouveau compléter la triade Khéops-Khéphren-Mykérinos dans le Guide en Orient : itinéraire scientifique, artistique et pittoresque, de Richard et Quétin, édité en 1851.
Si les extraits de ce guide n'apportent aucune révélation particulière, ils présentent l'avantage de rappeler l'état des connaissances en "pyramidologie" au début de XIXe siècle, compte tenu du fait que si les auteurs font état des travaux de Belzoni, ils ne font nulle mention de ceux de Vyse and Co, ayant pourtant précédé de dix années la parution de leur ouvrage.
Google maps
Une promenade aux pyramides coûte, par tête, tout compris, vins, ânes, guides, 19 fr.
On peut coucher aux pyramides ; il y a un Abyssinien qui demeure dans un ancien tombeau où on couche très bien ; il faut seulement emporter des manteaux, des couvertures et des coussins.  (...)
Les pyramides sont à 1 lieue ½ (6 kilomètres) du village de Djeesa, dont elles portent le nom. La route qui y conduit passe dans un pays fertile jusqu'auprès du désert, sur l'extrême bord duquel elles sont situées. Elles sont au nombre de quatre, savoir : celle de Chéops, la plus grande, de Céphrènes, de Mycerinus et de Philista.
Indépendamment de ces grandes pyramides, il y a des tumuli sans nombre de la même forme, et les ruines de nombreux édifices et de mausolées, qui du sommet de la grande pyramide paraissent comme des pierres sépulcrales autour d'une église. L'on voit non loin du Sphinx les restes d'un édifice qui, d'après sa surprenante dimension, était probablement un temple. Les pierres qui ont servi à sa construction sont d'une dimension encore plus gigantesque que celles employées aux pyramides. Cette énorme nécropolis semble avoir été ceinte de hautes murailles dont on voit encore les traces. Je ne sache pas qu'aucun auteur ait encore fait mention de ce monument. Si l'on pouvait découvrir l'étendue exacte que ces murs renfermaient, on pourrait peut-être assigner le site de Memphis, sur lequel on a si longtemps discuté.
Pyramide de Chéops : c'est la plus grande des quatre ; elle forme un carré de 746 pieds (248 mètres environ), et sa hauteur perpendiculaire est de 461 pieds (133 mètres), étant de 24 pieds (8 mètres) plus élevée que la coupole de St-Pierre à Rome, et de 117 pieds (39 mètres) plus haute que celle de St-Paul à Londres.
Montée de la grande pyramide : cette montée n'est ni dangereuse ni difficile, et peut se faire dans un quart d'heure ou vingt minutes.
Nolens volens, deux Arabes doivent accompagner le visiteur de chaque côté, en conséquence d'un ordre que donna le pacha à la suite d'un accident qui arriva à un Anglais en descendant cette montée, et qui lui coûta la vie. Il y a 206 rangées de marches en pierre, dont la hauteur moyenne est de 2 à 3 pieds. Vers le centre les degrés sont en grande partie rompus, mais se sont conservés parfaitement entiers aux angles ; ils sont disposés de façon à former des séries de degrés, que la personne la plus timide peut monter sans aucun danger. La quantité de pierres employées dans la construction de cette seule pyramide est estimée à six millions de tonneaux, et l'on prétend que cent mille hommes y ont travaillé. Les quatre angles correspondent aux quatre points cardinaux de la boussole. Le sommet comprend une aire d'environ 30 pieds carrés (10 mètres), tellement couverte d'inscriptions qu'il serait fort difficile pour le voyageur de trouver une seule place pour y inscrire son nom, sans détruire celui d'un précédent visiteur.

La perspective que l'on a du sommet a quelque chose de si solennel, de si mélancolique, que l'on ne peut l'envisager sans indifférence. D'un côté l'on aperçoit le vaste et terrible désert, l'emblème du silence du tombeau, avec ses collines et ses rochers stériles de sable, interrompus seulement par les traces de quelques caravanes, dont plusieurs ont péri dans ces déserts sans bornes ; tandis que d'un autre côté, comme en compensation de cette affreuse stérilité, le Nil éternel répand dans son cours à travers la haute Égypte la fertilité parmi les champs de blé et les pâturages, parsemés de villes et de villages entourés de palmiers, de sycomores, d'orangers et de citronniers. Dans le lointain vous apercevez les dômes des mosquées du Caire, avec ses jardins, et la chaîne du Mokattam s'élevant par derrière ; au sud, les pyramides de Sakkara, à l'est desquelles s'élèvent de petits monuments de même genre. Vers le sud est la statue gigantesque du Sphinx, au-dessous de laquelle est immédiatement une rangée innombrable de tumuli et de ruines d'où s'élèvent trois autres pyramides inférieures.
Intérieur de la Grande Pyramide : l'entrée se trouve sur le côté du nord ; elle est remplie de pierres et de décombres jusqu'au seizième degré. Après avoir grimpé par-dessus, on gagne un passage étroit d'environ 3 pieds et demi carrés, garni en entier de granit poli, et qui descend dans l'intérieur par un angle de 27 degrés. Au lieu de suivre le passage jusqu'où il a été creusé, le voyageur tourne à droite jusqu'à ce qu'il arrive à une montée rapide presque perpendiculaire, où l'on a pratiqué une fausse entrée, qu'il grimpe avec l'assistance de ses deux guides arabes, et il se trouve de nouveau dans le passage naturel qui a environ 5 pieds (1 mètre 66 centimètres) de hauteur et 100 de longueur (33 mètres 30 centimètres), formant une montée continuelle jusqu'à ce qu'il atteigne une sorte de palier, dans un coin duquel est l'entrée du puits mentionné par Pline.
En allant droit en avant dans un passage étroit, on arrive à la chambre de la Reine. On trouve, immédiatement au-dessus, jointe par un plan incliné de 120 pieds de longueur (60 mètres), la chambre du Roi, qui a 37 pieds 3 pouces (12 mètres) sur 17 pieds 2 pouces (5 mètres 70 centimètres), et environ 20 pieds de hauteur. Comme tous les passages, cette chambre est garnie entièrement de granit poli. Il y a à l'extrémité de cette chambre un grand sarcophage en marbre sans couvercle. Immédiatement au-dessus de la chambre du Roi, il y en a trois autres plus petites, où l'on monte au moyen d'échelles. Elles ont été découvertes en 1838 par le colonel Vyse ; elles portent les noms de Nelson, Wellington et Campbell, gravés sur les murs. On pourra encore en découvrir quelques autres centaines, dans un massif aussi considérable que cette pyramide. Le voyageur doit visiter toutes ces chambres, ainsi que celle de Davidson.
Le puits : l'objet le plus intéressant qui vient ensuite est le puits dont Pline fait mention, et qui a 86 pieds cubiques de profondeur (28 mètres). La descente commence par un creux de 22 pieds de profondeur (7 mètres) ; à 8 pieds de celui-ci il y a une autre descente perpendiculaire de 5 pieds, et à 4 pieds 10 pouces de celle-ci, il y en a une troisième.
Après avoir descendu un peu plus bas, on trouve une grotte de l4 pieds sur 4 à 5, assez élevée pour se tenir debout. De ce point, le puits va en pente ; la profondeur totale des trois creux est de 155 pieds (53 mètres environ), 30 de plus que la mesure de Pline. Au fond du puits il y a un chemin à gauche qui conduit dans le passage principal. Le voyageur a alors le choix de sortir de la pyramide par le même endroit par où il est entré, ou de pousser plus loin son exploration. Malgré toutes les recherches, la chambre de son royal fondateur n'a pas encore été découverte. Suivant Hérodote, elle est située dans un endroit isolé, qu'il appelle une île au centre de l'édifice, et l'eau qui la protège y vient par un canal qui communique au Nil. Si ce récit est exact, cette chambre et l'île doivent être à plus de 30 pieds au-dessous de la base de la pyramide, et doivent avoir été creusées à une profondeur considérable dans le roc.
La pyramide de Céphrènes :  cette pyramide se trouve sur un sol plus élevé que celle de Chéops ; elle est construite de la même pierre et jointe avec le même ciment. Il est très difficile d'y monter ; cependant beaucoup de voyageurs sont parvenus à son sommet ; sa base a 684 pieds (227 mètres), et sa hauteur est de 456 pieds (152 mètres).
Hérodote rapporte que cette pyramide n'avait point de chambres ; mais il paraît qu'elles ont été bien connues des Sarrasins, sinon des Grecs et des Romains, lorsqu'ils étaient en possession du pays.
Mais elles furent inconnues des voyageurs modernes jusqu'au 28 mars 1816, que Belzoni, après des travaux immenses, découvrit la véritable entrée. Ce passage a 4 pieds (1 mètre 30 centimètres) de large, 3 pieds 1/2 de hauteur (1 mètre 15 centimètres) et descend vers le centre sur la longueur de 104 p. 5 pouces sous un angle de 26 degrés. Ce passage, comme celui de la pyramide précédente, est doublé de larges blocs de granit poli. Vient ensuite un chemin semblable au premier, au bout duquel il y a une pente perpendiculaire de 15 pieds (5 mètres) qui conduit dans un autre passage qui descend sous un angle de 26 degrés vers le nord. Le visiteur monte ensuite un plan incliné vers un passage horizontal qui conduit à une chambre centrale d'environ 46 pieds 3 pouces (15 mètres) sur 16 pieds 3 pouces ( 5 mètres 30 centimètres), ayant 23 pieds 1/2 de hauteur (7 mètres 75 centimètres), taillée dans le roc solide du bas en haut. Un autre passage, avec une descente de 26 degrés ayant une direction à l'ouest, mène à une chambre semblable qui a 32 pieds sur 9 pieds 9 pouces (10 mètres sur 3 mètres) et une hauteur de 8 pieds 1/2 (3 mètres). Jusqu'à présent on n'a pas découvert d'autre chambre dans cette pyramide.

Mykérinos et pyramides satellites (Google maps)
La pyramide de Mycerinus n'a que 162 pieds (54 mètres) de hauteur sur une base de 280 pieds (95 mètres). Elle était autrefois revêtue de granit rouge, dont on voit de grandes masses entassées tout autour.
La pyramide de Philista, ou la quatrième grande pyramide : elle est située à peu près sur la même ligne que les autres, mais un peu plus à l'ouest. Elle est de 100 pieds (33 mètres) plus petite que la troisième pyramide ; mais elle est pareillement sans revêtement. Le sommet se termine par une seule pierre d'une grande dimension qui paraît avoir servi comme de piédestal. Ni cette pyramide ni celle de Mycérinus n'ont encore été explorées par des voyageurs modernes, quoiqu'il soit plus que probable qu'elles ont été l'une et l'autre ouvertes par les Sarrasins.
  

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