lundi 22 février 2010

Thalès de Milet, à l'ombre de la Grande Pyramide

D'après Wikimedia
Les dimensions des pyramides du plateau de Guizeh, à commencer par la plus célèbre d'entre elles, celle de Khéops, ont de tout temps titillé la curiosité des "visiteurs" du site, entre autres des égyptologues ou archéologues.
On retrouve trace de cette habitude, devenue presque une manie, dès les premières pages de l'histoire des pyramides. Ainsi, la tradition veut que Thalès de Milet (-625 ?-547 ?), à qui l'on demandait son avis sur la hauteur de la Grande Pyramide, ait affirmé, en présence du roi d'Égypte : "Le rapport que j'entretiens avec mon ombre est le même que celui que la pyramide entretient avec la sienne." Sa conclusion aurait été la suivante :"À l'instant où mon ombre sera égale à ma taille, l'ombre de la pyramide sera égale à sa hauteur."
Il y avait toutefois un hic, et même plusieurs en cascade : tout d'abord, si notre philosophe-savant pouvait aisément mesurer la longueur de sa propre ombre et la prendre en considération (ac = ad), il n'en allait pas de même pour la pyramide où seule l'ombre extérieure (BC) était visible. Il fallait, au moins théoriquement, rajouter AB (demi-côté de la pyramide, soit EB : 2) pour obtenir AC = AD.
"Théoriquement", car survint un deuxième problème. Pour que le raisonnement pût fonctionner, il fallait en effet que la hauteur AD ne fût pas quelconque, mais perpendiculaire à la base EB de la pyramide, pour former un triangle ADC rectangle isocèle. Dans ce cas seulement, AB = EB : 2
Troisième et dernier hic : pour que l’ombre fût égale à l’"objet" (Thalès et pyramide), il fallait que les rayons fussent inclinés à 45°, pour obtenir un triangle rectangle isocèle (adc et ADC). "Cela n’a donc pu se passer en été car à Gizeh, à 30° de latitude dans l’hémisphère nord, là où se trouve la pyramide de Khéops juste au-dessus du tropique, les rayons sont presque verticaux à midi. Il n’y aurait donc pas eu d’ombre ! Selon les astronomes, la mesure de Thalès n’a pu être effectuée que le 21 novembre ou le 20 janvier pour que l’ombre soit de même longueur que l’objet à midi." (Thérèse Eveilleau : Thalès et la pyramide).
Si elle est célébrée par les historiens anciens ou modernes, l'attribution de cette belle trouvaille à notre cher Thalès est par contre remise en cause par certains critiques (Bernard Vitrac, Michel Serres...). N'ayant nulle compétence particulière en ce domaine, je me contente de vous proposer ici quelques avis pour compléter ce mini-dossier qui avait sa place, me semble-t-il... à l'ombre de Khéops !
Thalès de Milet (Wikimedia commons)
"Une version de la légende de la découverte du résultat par Thalès pourrait être la suivante. Lors d'un voyage en Égypte, Thalès aurait visité les pyramides construites plusieurs siècles plus tôt. Admirant ces monuments, il aurait été mis au défi d'en calculer la hauteur. Thalès aurait donc entrepris une mesure des pyramides, dont le principe reposerait sur le concept de triangles semblables et de proportionnalité. Thalès aurait remarqué qu'à cette époque de l'année, à midi, l'ombre portée d'un homme ou d'un bâton égalait la taille de l'homme ou la longueur du bâton. Les rayons de soleil pouvant être supposés parallèles, Thalès en aurait déduit qu'il en serait de même pour la hauteur de la pyramide et son ombre projetée. Encore fallait-il être capable de mesurer l'ombre projetée : il aurait repéré le sommet de l'ombre projetée de la pyramide, mais pour la mesurer dans son entier, il lui aurait fallu partir du centre de la pyramide qui n'était pas accessible. Thalès aurait bénéficié d'un atout supplémentaire : non seulement l'ombre portée égalait la hauteur de la pyramide, mais les rayons du soleil étaient perpendiculaires à une arête de la base. Le sommet de l'ombre de la pyramide se serait alors trouvé sur la médiatrice d'un côté de la base. Il lui aurait suffi de mesurer la distance séparant l'extrémité de l'ombre et le milieu du côté, d'ajouter à cette longueur un demi-côté pour obtenir la hauteur de la pyramide. Le fait que le sommet de l'ombre de la pyramide soit sur la médiatrice d'un côté à midi ne tient absolument pas du hasard, mais au fait que les pyramides sont orientées plein sud ou plein ouest. La pyramide de Khéops est située à une latitude de 30°, la longueur de l'ombre égale celle du bâton lorsque le soleil fait 45° avec la verticale. L'angle que forme le soleil avec la verticale varie au cours de l'année entre 6,73° (au plus fort de l'été) et 53,27° (au plus fort de l'hiver) et ne fait un angle de 45° que deux fois dans l'année (le 21 novembre et le 20 janvier). Ce serait un hasard extraordinaire que Thalès se fût trouvé là à cet instant précis. À toute autre période de l'année, la longueur de l'ombre est proportionnelle à la hauteur. Thalès aurait lui-même fait ces remarques. Il serait retourné et aurait expliqué que la hauteur de la pyramide est proportionnelle à la longueur de son ombre. En comparant la longueur de l'ombre et la hauteur d'un bâton planté, il lui aurait été facile de connaître le coefficient de proportionnalité et de l'appliquer ensuite à l'ombre de la pyramide pour en déterminer sa hauteur. " (Wikipédia)

"... presque tous ceux qui parlent du séjour de Thalès en Égypte racontent, à propos de notre philosophe, un fait qui nous semblerait bien simple aujourd'hui, mais qui produisit alors l'effet d'une véritable merveille.
Arrivé à Memphis, où résidaient les plus savants géomètres, Thalès se fit conduire au pied d'une pyramide, et là, en présence du roi, de toute la cour et de tout le collège sacerdotal, il enseigna aux prêtres à mesurer la hauteur de cette pyramide au moyen de l'ombre projetée par ce monument.
Cette opération, qui frappa d'étonnement tous les spectateurs, est devenue chez les savants modernes un grand sujet de dispute. Les uns la font valoir comme un argument qui prouverait que Thalès n'a jamais mis le pied en Égypte. Qu'avait-il besoin, en effet, d'aller y apprendre la géométrie, puisqu'il la savait mieux que les prêtres de ce pays ? Les autres accordent le voyage en Égypte, mais ils nient l'opération, par la raison qu'elle exige la connaissance des propriétés du triangle équilatéral, et que la science de Thalès ne s'élevait pas jusque-là.
On peut répondre aux derniers : Qu'en savez-vous ? Les mathématiques étaient une science qui n'était pas faite, mais qui se faisait tous les jours à l'époque de Thalès. Parmi les savants qui s'y appliquaient, celui-ci trouvait un théorème, celui-là un autre ; un troisième les éclaircissait par une démonstration nouvelle. Dans ces acquisitions que la science faisait successivement, il est quelquefois très-difficile, faute de textes précis, de faire la part de chaque inventeur. Ainsi, pour ne parler que de Thalès, qui est réputé avoir fait plus de découvertes en géométrie que ses contemporains, nous trouvons qu'on lui attribue d'avoir le premier inscrit le triangle rectangle dans un demi-cercle ; mais Diogène Laërce, qui lui accorde ce mérite, le donne aussi à Pythagore.
Quant à la première objection, elle nous paraît sans aucun fondement. Ne voit-on pas tous les jours les hommes adonnés à une science rechercher, par cette raison et à ce titre même, ceux qui la cultivent, afin d'échanger avec eux leurs connaissances ? Rien, à coup sûr, ne nous paraîtrait plus rationnel que d'admettre chez Thalès les notions de géométrie élémentaire que son opération suppose, car il connaissait les propriétés du triangle isocèle, ou à deux côtés égaux. Il savait que, si deux lignes droites se coupent, les angles opposés au sommet sont égaux ; que les triangles qui ont leurs angles égaux ont leurs côtés proportionnels, etc. Mais il nous semble que l'opération, faite comme on la raconte, n'exigeait pas même tant de science géométrique. Ne pouvait-il pas planter à côté de la pyramide un bâton d'une hauteur connue, et mesurer l'ombre de ce bâton en même temps que celle de la pyramide ? Il n'avait plus ainsi qu'à trouver, par une proportion arithmétique, le quatrième terme dont trois lui étaient connus. Ne pouvait-il pas, encore plus simplement, attendre le moment où l'ombre de son bâton, dressé verticalement, serait égale à sa hauteur, et mesurer au même moment l'ombre de la pyramide ? La pyramide aurait été ainsi mesurée directement, comme le bâton, par son ombre même.
De l'étonnement des prêtres dans cette circonstance n'allons pas conclure, d'ailleurs, que les prêtres égyptiens n'avaient aucune connaissance sérieuse en géométrie. L'histoire des sciences prouve que beaucoup de découvertes tout aussi simples ont souvent produit un étonnement extrême. Une théorie est connue, enseignée depuis des siècles ; l'occasion d'en faire une application heureuse se présente tous les jours, et personne n'y songe, les savants moins que tous les autres. L'homme ingénieux qui le premier s'avise de cette application se couvre, par ce facile mérite, d'une gloire sans pareille." (Louis Figuier, Vies des savants illustres, depuis l'antiquité jusqu'au dix-neuvième siècle, 1866)

"Ainsi, vous, Thalès, le roi d'Égypte vous admire beaucoup, et, entre autres choses, il a été, au-delà de ce qu'on peut dire, ravi de la manière dont vous avez mesuré la pyramide sans le moindre embarras et sans avoir eu besoin d'aucun instrument. Après avoir dressé votre bâton à l'extrémité de l'ombre que projetait la pyramide, vous construisîtes deux triangles par la tangence d'un rayon, et vous démontrâtes qu'il y avait la même proportion entre la hauteur du bâton et la hauteur de la pyramide qu'entre la longueur des deux ombres." (Plutarque, Le Banquet des sept sages)

Selon des sources historiques reprises par Aldo Bonet, dans un article publié sur le site www.matematicamente.it ("Talete il padre dell'astronomia razionale"), "Thalès de Milet a beaucoup voyagé en Égypte et en Asie Mineure. Il s'y est intéressé, avec un esprit "polyédrique" constructif et inventif de géométrie, d'astronomie, d'ingénierie, de physique, de philosophie, de spéculations commerciales et même de politique".
Aldo Bonet poursuit en démontrant que Thalès "a probablement découvert et expliqué les théorèmes fondamentaux de la géométrie 'sacrée' des prêtres égyptiens", en substituant, dans un esprit philosophique, un Principe Premier naturel et universel à une quelconque divinité. Puis il conclut :"Il ne nous est certes pas difficile d'imaginer un Thalès astronome qui, en utilisant (…) l'idée 'utopiste' ou 'sacrilège' de franchir la ligne de l'horizon pour explorer ou violer le Cosmos des dieux, de déterminer une échelle du ciel jusqu'alors exclusivement réservé au dieu égyptien Thot, de calculer un rapport entre le Soleil et son orbite en un 'voyage' autour de la Terre, voyage réservé au seul dieu suprême et cosmique Râ qui rencontrait au couchant la déesse égyptienne Nout, [il ne nous est donc pas difficile d'imaginer que Thalès] ait été à l'origine de la plus grande révolution culturelle et scientifique de l'homme qui a probablement éclipsé, comme première victime d'excellence, le dieu créateur en personne, Râ, qui s'identifiait au couchant, dans un appel quotidien, au dieu Râ-Atum, devenu ensuite Amon-Râ."

1 commentaire:

Aldo a dit…

Je m'excuse pour la traduction française avec Google.

Je tiens à remercier Jean-Pierre Houdin pour son intérêt et aussi à mon article, Marc Chartier pour la publication.

S'il vous plaît noter une curiosité.

La science de Thales: la géométrie, la philosophie, la physique, l'astronomie, pourrait probablement déterminer la hauteur de la pyramide, même lorsque les pyramides ont été exprimés pas l'ombre

Voir sur mon site:

www.storiadellamatematica.it

À la page 131-132-133 et la figure 34.

Merci beaucoup.

Aldo Bonet