Cliché John et Morton Edgar (Wikimedia commons)
Quand verrons-nous le bout de l'"air-channel" ?Qu'on les appelle "shafts", "conduits d'aération", "conduits de ventilation", gaines de ceci ou de cela, les conduits qui partent de la Chambre du Roi et de la Chambre de la Reine gardent peu ou prou leur mystère.
Le suspense, à vrai dire, est bien entretenu par Zahi Hawass depuis l'annonce de nouvelles explorations à l'aide de robots, suite aux précédentes expéditions, sans grands résultats, des "Upaut", de Rudolf Gantenbrink, et "Pyramid Rover", opération menée en partenariat avec la National Geographic Society. Voir ici.
L'an dernier, déjà, on nous avait promis monts et merveilles :"Le 26 juillet 2009 marquera la découverte de l'un des plus grands secrets de la Grande Pyramide de Khéops à Guizeh", déclarait le Secrétaire général du Conseil Suprême des Antiquités égyptiennes, lors d'un symposium organisé dans le cadre du salon international du Livre de Turin (mai 2009). Il révélait qu'une nouvelle expérience à l'aide d'un robot serait menée à court terme par une équipe de scientifiques des universités de Hong Kong et de Manchester à l'intérieur de la pyramide pour découvrir le mystère planant sur la troisième porte de l'un des conduits de l'édifice [selon toute vraisemblance : le conduit sud donnant sur la chambre de la Reine]. Cette porte, poursuivait Zahi Hawass, devrait conduire à la chambre où le pharaon Khéops a été enseveli. (Source : Organisme général de l'information du gouvernement égyptien)
Depuis... plus rien ! Black-out le plus total !
Quel que soit le côté rocambolesque de cette arlésienne ridicule (la science, que je sache, n'est pas du théâtre...), les chercheurs et égyptologues ont, de leur côté et en toute bonne foi, cherché une clé au mystère de la fonction utilitaire ou symbolique de ces conduits au cœur de la pierre. Leurs réponses, certes, sont très contrastées, parfois antinomiques. Mais elles ont le mérite d'exister.
Il était hors de question d'en faire ici une présentation visant à l'exhaustivité. Un volume entier aurait été nécessaire. Je me suis donc limité à un choix que j'estime représentatif, sans jugement de valeur (de quel droit le pourrais-je ?), ni ordre de préséance. Dans l'attente, cela va de soi, que "Pharaoniquement-vôtre" daigne enfin se manifester. Mais au fait ! Peut-être n'a-t-il, pour une fois, rien à révéler qui vienne auréoler son palmarès d'auto-congratulations...
Observations astronomiques :"Il y eut de nombreuses théories visant à faire de la pyramide un observatoire astronomique. Les couloirs de ventilation côté sud auraient pointé pour l'un (celui de la chambre de la reine) vers l'étoile Sirius, et pour l'autre (celui de la chambre du roi) vers l'étoile Alnitak. Or le couloir de ventilation sud de la chambre du roi est incliné suivant un angle de 45° par rapport à l'horizontal. Il pointe donc un point du ciel dont l'altitude est égal à 45° alors que l'altitude de l'étoile Alnitak, à cette époque, était de 44°23' à son zénith. Un écart de moins de 1° qui ne permettait pas cependant d'avoir une visée directe de l'étoile.
Une autre théorie affirme que le conduit de ventilation sud de la chambre de la reine pointait l'étoile Sirius qui, à l'époque, avait une altitude à sa culmination de 37°10'. Or ce conduit, incliné de 38°28', pointe un endroit du ciel dont l'altitude est égale à cette valeur angulaire, une position différente de Sirius de plus d'un degré.
Toutes les étoiles du ciel (hormis l'étoile polaire) ont un mouvement apparent dû à la rotation de la terre sur elle-même, rotation complète effectuée en 24 heures. Ce mouvement implique que, si une étoile (Sirius ou Alnitak) était effectivement visée, alors le but n'était atteint que durant quelques dizaines de secondes, les étoiles étant animées de ce mouvement apparent qui semble les faire parcourir le ciel nocturne. De plus, les deux étoiles n'atteignent pas leur zénith en même temps, Sirius étant d'abord dans l’axe du couloir sud de la chambre de la reine, puis c’est au tour d’Alnitak d’être dans l’axe du conduit sud de la chambre du roi.
Enfin, il faut noter dans le cas où ce fut l'intention des constructeurs de viser ces étoiles, le fait étrange que les conduits de la chambre de la reine n'étaient pas rectilignes, mais accusent au contraire un changement d'axe et, de surcroit, ils étaient bouchés au niveau de la chambre et s'arrêtent à quelques mètres de la surface du monument rendant toute observation de ce fait impossible. De plus dans l'hypothèse d'un changement de plan dans la construction, les rôles différents attribués aux conduits de la chambre du roi et de la chambre de la reine cadrent mal avec un projet calculé sur les astres."
(Source : Wikipédia)
Désiré Raoul Rochette (1790-1854), dans un article publié, en 1841, par le Journal des savants, à propos de l'ouvrage Operations carried on at the Pyramids of Gizeh in 1837, du colonel Howard Vyse (Londres, 1840)
"[Suite aux travaux de recherche effectués par Caviglia, Perring et Vyse sur les "canaux d'aération" de la Grande Pyramide] Ainsi fut résolu un grand problème, qui avait occasionné tant de dépenses et de travaux inutiles, et si fortement excité, en pure perte, l'imagination des voyageurs. Ainsi fut acquis à la science un fait des plus extraordinaires et des plus curieux, le fait qu'il exista, dans la grande pyramide, deux canaux de ventilation, destinés à faire pénétrer l'air extérieur dans la chambre principale de cet édifice, et à y entretenir une température égale et salubre, d'accord avec un système de croyances religieuses, où la conservation éternelle des corps se liait à la doctrine de l'immortalité des âmes. (...) Ce résultat, tel qu'il vient d'être énoncé, est déjà, en effet, d'une grande conséquence par le fait même qu'il constate, et qui n'avait été soupçonné ni indiqué par aucun des auteurs anciens et modernes qui ont parlé des pyramides de Memphis. Il le devient encore davantage, par la preuve péremptoire qu'il fournit, que les canaux en question ne communiquaient point, comme on l'avait supposé, à d'autres appartements, et qu'ainsi il n'existe, dans la pyramide, en fait de chambres et de passages, que ceux qui sont aujourd'hui connus, puisqu'il ne saurait plus être mis en doute que la chambre, pour la ventilation de laquelle ces deux canaux avaient été construits, ne fut effectivement la chambre principale, conséquemment, cette chambre même, avec le sarcophage qu'elle contenait, l'objet réel de l'érection de la pyramide, dont toutes les dispositions intérieures furent dirigées vers ce but unique.
Un second résultat des fouilles du colonel How. Vyse, qui n'est ni moins important, ni moins curieux, c'est la découverte des chambres superposées au plafond de la chambre du Roi."
Benoît de Maillet, dans sa Description de l'Égypte (ouvrage édité par M. l'abbé Le Mascrier en 1740) :
"Précisément au milieu de cette salle [Chambre du Roi], qui a trente-deux pieds de longueur sur dix-neuf de hauteur, et seize de large, on remarque deux trous, placés vis-à-vis l'un de l'autre, à trois pieds et demi d'élévation au dessus du pavé. L'un, tourné du côté du Nord, a un pied de longueur sur huit pouces de hauteur, et traverse par une ligne droite jusqu'à l'extérieur de la pyramide. Ce trou est aujourd'hui bouché par des pierres, à cinq ou sîx pieds de son ouverture. L'autre qu'on a percé du côté du Levant à la même distance du plancher, est parfaitement rond et a assez d'étendue pour qu'on puisse y mettre les deux poings. Il s'élargit d'abord jusqu'à un pied de diamètre, et va en descendant se perdre vers le bas de la pyramide. (...) Je pense, et j'espère que toute personne sensée le jugera comme moi, que l'un et l'autre de ces trous n'ont point eu d'autre usage que de servir aux personnes qui avec le corps du Prince furent enfermées dans ce tombeau. Le premier était destiné à leur donner de l'air. C'était aussi par là qu'elles recevaient de la nourriture et tout ce dont elles pouvaient avoir besoin. Elles avaient sans doute fait provision pour cet usage d'une longue cassette, proportionnée à la grandeur de ce canal. À cette cassette était attachée pour les personnes renfermées dans la pyramide une longue corde, par le moyen de laquelle elles pouvaient tirer la cassette à elles ; et une autre, qui y tenait de même, pendait à l'extérieur, afin que réciproquement on pût retirer la cassette au dehors. Ce fut vraisemblablement par ce moyen qu'on fournit le nécessaire à ceux qui se trouvaient renfermés dans cet édifice, tant qu'il restera entre eux une personne vivante. En y entrant, je suppose que chacune de ces personnes s'était munie d'une caisse pour y être ensevelie. Elles se rendirent toutes successivement les unes aux autres ce pieux et dernier devoir jusqu'à la dernière, qui manqua pour cela d'un secours que le reste de sa compagnie avait trouvé dans elle et dans les autres. Le second trou servait à vider les immondices qui tombaient dans un réduit profond, pratiqué pour cet usage. J'avais dessein de faire chercher dans l'extérieur de la pyramide, à l'endroit auquel le trou carré long correspondait (...). Peut-être y aurait-on trouvé des preuves nouvelles de ce que j'ai avancé. Mais, outre que cette recherche aurait pu donner de l'ombrage aux Puissances du pays, qui n'auraient pas manqué de se figurer qu'on aurait travaillé à découvrir quelque trésor, je jugeai que ce trou pourrait se terminer dans quelque enfoncement de cet extérieur, et j'appréhendai de trouver son extrémité totalement bouchée, ou par le corps de la pyramide, ou du moins par la pierre de revêtissement. Cependant, sur ce que je rapporte, d'autres pourront dans la suite faire chercher à l'endroit où cette ouverture correspondait. Par là on aura une preuve entière de l'usage auquel ce trou était destiné, quoiqu'il ne me paraisse point douteux, et qu'il me semble impossible d'en imaginer d'autre."
J.O. Noyes, dans "A trip from Cairo to the Pyramids", extrait de la revue The National Magazine, volume IX, July 1856 :
"There are narrow passages leading from the king's chamber, which terminate near the summit of the Pyramid. They have not been scientifically explored, but a cat, whose litter of kittens had been placed on the top of the Pyramid, having been let loose in the chamber, she was in a few minutes found with her young. M. Maillet contends that these passages were constructed for the purpose of letting down food to persons who buried themselves in this chamber, for the remainder of their lives, with their deceased king. The object of their construction was, doubtless, the ventilation of the chambers."
Giuseppe Filippo Baruffi (1809-1875), dans des lettres consacrées aux pyramides de Guizeh, publiées dans la revue Museo scientifico, letterario ed artistico, en 1847, sous le titre "Viaggio da Torino alle Piramidi", reconnaît que les "canaux" de la Chambre du Roi avaient, selon l'interprétation de certains, une finalité d'aération de la pièce ; puis il signale que, selon les Bédouins, ces conduits servaient plutôt de canalisations pour l'eau du Nil (sans aucune précision complémentaire sur cette seconde fonction).
Émile Prisse d'Avennes (1807-1879), dans Histoire de l'art égyptien d'après les monuments depuis les temps les plus reculés jusqu'à la domination romaine, Paris, 1868-1877 :
"Quelques mots sur certaines opinions erronées, qui ont encore cours, à propos des tombeaux. On a cherché à expliquer l'usage des conduits d'air ménagés dans les pyramides de Gizeh (...). On a prétendu qu'ils avaient été établis uniquement pour donner de l'air aux ouvriers : cela ne peut être (...). Ces conduits ont été ménagés, selon quelques-uns, dans l'espoir de conserver à l'âme du mort une communication avec le monde extérieur. Ne pourrait-on pas même supposer, dans ce cas, que ces issues auraient été établies, dans la croyance que l'âme pourrait ainsi parvenir plus facilement au corps, lorsqu'au bout de trois mille ans obligatoires elle viendrait le ressusciter ? Quoi qu'il en soit, nous ne le croyons pas, parce que les triples cercueils de pierre, de bois et de carton, hermétiquement fermés, contredisent cette opinion."
Antoine-Jean Letronne (1787-1848), dans le Journal des savants, 1840-1841 :
"On a cru que le conduit de la grande pyramide avait servi, par son inclinaison, à observer, de l'intérieur, l'étoile polaire. Cette idée est, en elle-même, bien peu vraisemblable : quelle pouvait être, en effet, l'utilité d'une telle disposition dans un monument destiné à rester fermé à jamais ? Mais elle est détruite par la découverte d'un même conduit incliné dans toutes les autres, conduit dont l'inclinaison varie entre a 6° et 27°, pour la première, la deuxième, la troisième, la quatrième, la cinquième et la neuvième ; entre 30° et 34°, pour les trois autres ; et l'on n'a guère besoin des savants calculs que sir John Herschel a pris la peine de faire, pour reconnaître que de tels conduits n'ont jamais pu servir à aucun usage astronomique. La quantité de cette inclinaison tenait à une habitude générale, comme celle des faces, qui, dans toutes les pyramides, est d'une égalité presque parfaite, puisque les limites extrêmes en sont comprises entre 51° 50' et 52° 20' ; d'un autre côté, les chambres ou niches sépulcrales placées, dans toutes, au bout de ces conduits, prouvent une destination uniforme, celle de servir de tombeaux, comme toute l'antiquité l'atteste."
Daniel Ramée (1806-1887), dans Histoire générale de l'architecture, tome premier, 1860 :
"Il y a dans la grande pyramide de Gizeh deux ventilateurs qui, de la chambre dite du Roi, aboutissent à l'extérieur : l'un au nord, a 70m91 de longueur ; l'autre au midi, de 53m10 de longueur. Ils ont environ 22 centimètres carrés, et leur issue extérieure est à une hauteur inclinée ou oblique de 108m85 de la base de l'édifice. La naissance intérieure de ces ventilateurs est à 91 centimètres au-dessus du sol de la salle du Roi. Est-il croyable que ces ventilateurs n'étaient destinés qu'à procurer de l'air aux momies de rois déposées dans la salle en question ? Ce qui est plus probable et beaucoup plus certain, c'est que ces ventilateurs avaient pour but de rendre cette salle temporairement habitable aux prêtres et aux savants qui venaient, à certaines époques, y faire des cérémonies et des expériences se rapportant au but de la pyramide, qui était un temple à la terre et le dépôt officiel de tous les étalons des mesures astronomiques et itinéraires du pays."
Howard Vyse (1784-1853), dans Operations carried on at the pyramids of Gizeh in 1837 :
" Mr. Hill proceeded with his operations at the southern air-channel, and about seven feet from the surface of the Pyramid, he found within it a large stone which he was afraid would get fixed further down. He therefore removed it with the utmost caution, which was fortunate for Mr. Perring, who was employed in the King's Chamber, and having contrived to force his head and shoulders at that very moment into the lower part of the channel, would probably have been killed had the stone in question fallen through it. Upon the removal of this block the channel was completely open ; an immediate rush of air took place, and we had the satisfaction of finding that the ventilation of the King's Chamber was perfectly restored, and that the air within it was cool and fresh. The channel above the stone was clean, but below it was much blackened with fires made from time to time in the lower part to discover its direction. It was nearly or quite horizontal through the wall of the King's Chamber, and afterwards ascended in one continued line to the opening on the outer side of the Pyramid ; but as the King's Chamber is to the southward of the centre of the Pyramid, and as the openings of both the air-channels are at the same height, the line of the southern is considerably shorter, and more inclined than that of the northern — the length of the southern air-channel being 174 ft. 3 in., that of the northern, 233 feet. Had not the upper part of the latter channel been forced, and that of the southern filled up with the above-mentioned stone, both of them would in all probability have remained open, and the ventilation of this wonderful structure would have continued as perfect as when it was first built. It is to be remarked, that, as the apartment is to the eastward, the ventilation by the air-channels, which are in the centre, is oblique.
These channels had probably always excited particular attention ; indeed, we are informed by Greaves, that the lower part of the southern had been forced, and was blackened with smoke in 1638. They are noticed by various travellers, and have given rise to many fanciful conjectures by M. Maillet and others ; it is therefore surprising that their direction was so long unknown. It is, however, satisfactorily proved by these operations that they were intended to ventilate the King's Chamber, and that they have no communication with any other apartments ; and, consequently, it might be inferred that no chambers, or passages, exist in the Pyramid besides those already discovered."
G.B. Smith, dans The civil engineer and architect's Journal, vol. XVII, 1854 :
"This method of solar ventilation, which has so recently been applied in the United States, is nevertheless the most ancient in existence ; having been applied at least 4000 years ago in that most venerable monument of Egypt, the great pyramid of Cheops (Khoufou or Suphis). In the first volume of Vyse on the pyramids of Gizeh, a description is given by Colonel Vyse, of the operations for removing the obstructions from two narrow apertures or tunnels, which ascend from the great chamber near the centre of the pyramid to the surface in an inclined direction. These had long been conjectured to be ventilators, and when the rubbish had been removed from them, the previous conjectures proved to be correct. The suffocating mephitic air of this, the King's chamber, was immediately changed by a rush of pure air from without.
The manner by which these air channels acted when the present entrance passages were closed, has not hitherto been explained, Mr. Smith stated, by any writer on these monuments. As the mode of action is extremely simple and efficient, and the very durable apparatus entirely self-acting, requiring no attention whatever, being moreover in as perfect a condition as on the remote day when it was finished, 120 generations ago, it deserves our attention. An inspection of the accompanying diagram will exhibit the plan at a glance. A, B, C, shows the pyramid in section (the closed passages are not represented) ; D, the King's chamber ; E, F, the north air channel ; G, H, the south air channel, which being more heated from the sun's rays striking on the south side of the mass A, B, the air will be heated, and thus rarified will rise in it by the pressure of the dense column in the northern or cooler side of the pyramid, day and night for ever.
During the process of building the chamber, and until the external casing of the pyramid was added, it cannot be doubted that the action would be perfect ; but even when cased, the joints would not be perfectly air-tight, and therefore would permit some circulation of air.
Recently, in Philadelphia, advantage had been taken of certain brick walls containing flues ; the walls being heated by the sun to which they were exposed, rarified the air in the flues which communicated at their lower portions with the apartments to be ventilated, and the plan has been found, even with thin walls, quite effectual, and was strongly recommended for adoption in many places where it might be applicable."
Georges Goyon : Le secret des bâtisseurs des grandes pyramides - La fabuleuse histoire de Khéops, J'ai Lu, 1990 :
" (...) pendant toute la durée des travaux, le couloir ascendant aussi bien que les murs de la Grande Galerie étaient bâtis à ciel ouvert, donc à la lumière du jour. Puisque toutes les maçonneries étaient édifiées par assises successives, les murs de la galerie étaient forcément bâtis comme les parois d'une tranchée ouverte. Donc, il n'était pas nécessaire de prévoir un système d'aération. Sauf à un seul moment. C'est lorsque la Chambre de la reine venait d'être recouverte de son plafond. Mais cette situation ne dura que peu de temps. À partir du moment où on reprit la construction de la Grande Galerie, on jugea inutile de poursuivre l'installation des canalisations de la chambre qui venait d'être achevée et ce furent celles de la Chambre du roi qui prirent la relève.
Celles-ci aboutissaient à l'extérieur du revêtement de la pyramide et les orifices furent maintenus ouverts jusqu'au moment des obsèques du pharaon. C'est à cet instant-là seulement que les orifices furent murés dans la Chambre du roi et peut-être aussi à l'autre extrémité, sur les flancs du monument, afin d'empêcher l'intrusion des animaux, tels que les chauves-souris, susceptibles de souiller la tombe royale." (pp. 238-239)
Philippe Lheureux, dans Le mécanisme secret de la grande pyramide d'Égypte :
"Pour comprendre véritablement le rôle de cette structure, il faut avant tout abandonner l’idée de tombeau. Abandon assez facile si l’on admet que les deux conduits dits "de ventilation" et débouchant en façade faisaient courir de gros risques à la momie et au mobilier funéraire. Outre les insectes, le sable et éventuellement la pluie, il aurait suffi que des hommes versent de l’eau dans ces conduits pour noyer la momie et le mobilier royal. Des pilleurs auraient pu en avoir l’idée, rien que pour voir où l’eau allait ressortir. C’est un risque que Khéops ne pouvait pas prendre s’il voulait vivre éternellement.
Tout s’éclaire si l’on commence à regarder la chambre du roi comme une simple cuve étanche en granit, munie de deux conduits d’alimentation en eau et fermée par un système de vanne à guillotine en granit (la chambre des herses)."
Anthony P. Sakovich, dans un article publié en 2005-2006 par la revue du Centre de Recherches Américain du Caire, affirme que dans la Grande Pyramide, dans la mesure où les chambres dites "de la Reine" et "du Roi" sont situées bien au-dessus de l'entrée principale de l'édifice, les bâtisseurs ont dû faire le nécessaire pour l'aménagement d'un "canal" en oblique, taillé à l'intérieur de la pyramide, destiné à permettre aux eaux célestes de l'Abîme de venir inonder la chambre funéraire. Or, "il est évident que les conduits, orientés vers le nord et le sud, de la troisième chambre répondent à cette nécessité".
Dans cette logique, l'existence de tels conduits dans la seconde chambre ("Chambre de la Reine") s'explique simplement par le fait que celle-ci fut momentanément destinée à recevoir la sépulture royale : elle devait donc être "spirituellement correcte", donc équipée des conduits pour les eaux régénératrices, remplaçant la chambre souterraine dont l'aménagement fut abandonné pour cause d'inutilité. Et de même lors de l'achèvement de la Chambre du Roi, y compris de ses conduits : il devenait inutile de poursuivre l'aménagement de la Chambre de la Reine, notamment l'installation de ses conduits, ceux-ci n'ayant plus aucune fonction.
Pour permettre aux eaux cosmiques de couler au travers de la structure de la pyramide, transformant au passage le sarcophage royal en une "île" (nouveau Tertre Primordial), les extrémités extérieures des deux canaux devaient se trouver à la même hauteur.
L'orientation N/S des conduits-canaux pointe vers la localisation céleste de la "Grande Voie d'Eau" (waterway) des anciens Égyptiens (faussement interprété comme la Voie Lactée), parallèle au cours du Nil.
En conclusion, l'auteur affirme que "les conduits dans la pyramide de Khéops, n'ont rien à voir avec les étoiles ou le soleil (…). Ce ne sont pas non plus des conduits de ventilation. Leur utilité est uniquement d'être un canal reliant le sud de la "Grande Voie d'Eau", à travers la chambre sépulcrale de Khéops, au nord de ce même équivalent (counterpart) céleste du Nil."
Illustration extraite du site Numerus (Michel Sélaudoux)
Michel Sélaudoux, dans Numerus :
"Les gaines ont été non seulement réalisées avec grand soin et difficultés (et représentent une quantité de travail importante), mais elles sont en relations géométriques particulières entre elles et les autres éléments de la pyramide. Ces relations exactes ne peuvent pas être justifiées uniquement par un usage rituel ou par l'une quelconque des hypothèses que l'on peut habituellement formuler quant à leur fonction. (*)
Ces valeurs d'angles si particulières ont-elles été un objectif ou une conséquence de la méthode utilisée pour le concept ?
À défaut de réponse pour ce qui est de leur rôle, elles témoignent d'une connaissance parfaite de la géométrie et qui plus est, de sa mise en oeuvre architecturale dont la pureté du résultat n'a de corollaire que dans la complexité des interactions. Elles s'inscrivent parfaitement dans ce que j'appelle le concept mathématique de Khéops qui n'utilise que des rapports simples, ce avec une methode de mise en oeuvre aisée.
(*) Hypothèse de communication humaine: 20 centimètres par 20 ne permettent pas le passage d'un homme ni même d'un enfant; la voix non plus ne peut se propager sur plus de 60 mètres avec un tympan de pierre de 8 centimètres en clôture ; pas de communication visuelle ou lumineuse puisque la gaine est obturée et pour la chambre royale, et la gaine nord par exemple n'est pas rectiligne. On ne peut donc pas non plus parler de système de visée d'étoiles.
Hypothèse de circulation physique d'un liquide ou d'un pulvérulent : il irait vers le bas qui était obturé par construction. Quant à la ventilation, le fait que les extrémités soient closes élimine également cette hypothèse.
Hypothèse de moyen d'architecte ? Pour vérifier la stabilité de la construction dans le temps on pourrait imaginer un son émis dans la chambre de la Reine en frappant sur le tympan de pierre. Ce son serait écouté en partie haute après avoir ouvert la porte de pierre. L'absence de propagation pouvant signifier un éboulement ou une rupture entre les deux. Si j'émets cette hypothèse, c'est par défaut, car à la vérité je ne pense pas que les constructeurs se seraient astreints à des rapports géométriques si complexes, précis et contraignants dans leur mise en oeuvre pour un tel objectif.
Hypothèse de rôle cultuel ou magique pour les défunts, à supposer qu'il y en eut ? Pour les mêmes raisons que ce qui précède, je n'y crois guère.
Illustration extraite du site Mystérieuses Pyramides (Khoufou)
Michel Michel (Khoufou), dans Mystérieuses Pyramides :
" C'est une certitude, à l'origine, les conduits ne débouchaient pas dans la "chambre de la reine". La pierre qui constitue à la fois le mur de la chambre et la partie terminale du conduit n'étant pas totalement perforée, ménageait un tympan de 8 cm d'épaisseur environ qui les rendait indécelables. Ceux qui ont observé ces conduits après 1872 et qui ignoraient les conditions de leur découverte ont pensé qu'ils servaient à l'aération de la chambre, mais il est évident que cette interprétation est inacceptable.
On ne peut pas affirmer que l'extrémité inférieure des conduits [de la "chambre du roi"] ne débouchaient pas dans la chambre, comme ceux de la "chambre de la reine", mais la similitude des caractéristiques de l'ensemble des conduits est suffisante pour lever tout doute à ce sujet.
Quelques observations préliminaires : 1°. Les conduits de la "chambre du roi" débouchent à l'extérieur à un même niveau. 2°. Le débouché du conduit sud de la "chambre du roi" est à la verticale de l'extrémité supérieure du conduit sud de la chambre de la reine, et il est probable que la partie nord, qui n'a pas pu être visitée, présente la même caractéristique. 3°. Dans l'antiquité, lorsque le revêtement était intact, on pouvait monter jusqu'au sommet de la pyramide puisque la plate-forme du sommet fut plusieurs fois mesurée. Ceux qui en ont témoigné n'étaient pas des adeptes de l'escalade et il faut sans doute en conclure que la pyramide possédait au moins un escalier.
Mon hypothèse : Des "chapelets de boules" (succession de boules enfilées sur les échelons d'une échelle de corde), introduits dans les conduits, sont manipulés avec une corde depuis l'escalier extérieur. Lorsque la corde est alternativement tirée et relâchée, les boules se cognent les unes aux autres et transmettent une succession de bruits sourds jusqu'à la chambre par l'intermédiaire du "tympan". Si tous les chapelets sont reliés les uns aux autres avec des cordelettes circulant dans de fins boyaux horizontaux et verticaux (env. 5 cm de diamètre), on obtient un effet alternatif parfaitement synchronisé: Boum Boum Boum Boum Boum à droite puis à gauche, etc.
Imaginons un individu placé dans une des chambres entre les "tympans" des conduits et soumis à un tambourinage prolongé. Pour peu qu'on lui ait administré un euphorisant quelconque (drogue), il est fort probable qu'il entre dans une transe profonde. Ce procédé serait donc lié à une cérémonie rituelle comparable à celles des rites vaudous (tam-tam).
Il est possible que des boyaux secondaires horizontaux et verticaux, dont les extrémités sont situées aux débouchés des conduits de la "chambre du roi", soient passés inaperçus du fait de leur diamètre réduit et parce que du sable s'y est introduit. Ils devraient se situer environ un ou deux mètres au-dessus et au-dessous des sorties nord et sud des conduits de la "chambre du roi".
Ce procédé n'a sans doute jamais servi car, ici et là, le façonnage des conduits à été saboté par des ouvriers peu scrupuleux ou distraits. La présence de la porte ne me semble pas indispensable. Il est toutefois possible qu'un réduit soit aménagé derrière elle, pour remiser les "chapelets"."
Jean-Pierre Houdin, dans Khéops, Les secrets de la construction de la Grande Pyramide, éditions du Linteau, 2006 :
"Pendant la construction de la Chambre du Roi, la réalisation de la pyramide intérieure empêchait toute communication entre les zones nord et sud de la pyramide. Grâce à l' "interphone" imaginé à partir de la Chambre de la reine et à ses conduits, tous les ordres de manœuvre pouvaient être transmis entre ces deux zones.
En dehors des périodes d'utilisation, des portes en calcaire munies de poignées en cuivre étaient posées à l'embouchure de chacun des conduits pour éviter qu'un élément étranger n'y pénètre. À la fin du chantier de la Chambre du Roi, ces portes furent scellées définitivement à l'emplacement où elles se trouvent actuellement." (p. 91)
Jean Rousseau : Construire la Grande Pyramide, L'Harmattan, 2001 :
"À 1m50 du sol de la chambre [Chambre du Roi], deux conduits carrés de douze doigts de côté s'engagent, à l'horizontale, dans les murs nord et sud avant de se diriger sous une pente de 40 et 50° vers les faces de la pyramide. Ces canaux d'aération, qui existent également dans la Chambre de la Reine, sont une innovation que l'on retrouve dans la pyramide de Chephren, mais uniquement à titre symbolique, car seuls y figurent, peints en rouge, les carrés d'où ces canaux auraient pu démarrer. Leur fonction d'aération est discutable (d'ailleurs le canal sud de la Chambre de la Reine est obturé par un bouchon hermétique en pierre taillée, support de deux pièces en cuivre ainsi que l'a montré l'exploration de R. Gantenbrick en 1993 à l'aide d'un engin télécommandé). Comme est discutable l'opinion qu'ils aient été réservés au ka royal, lequel n'en avait nul besoin pour traverser des dizaines de mètres de blocs de pierre. Ce cloisonnement correspondait-il à la sortie du canal sur la face d'une pyramide primitive intérieure à la pyramide actuelle ?" (p. 64)
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