samedi 27 février 2010

Pour une connaissance parfaite des pyramides, "il ne reste presque plus rien à déterrer" (Claude Sicard - début XVIIIe s.)

Claude Sicard (1670 ou 1677-1726) était membre de la Compagnie de Jésus (Jésuites). Il fut envoyé au Caire en 1712 (date approximative). De son séjour en terre égyptienne, au cours duquel il s'intéressa tant aux monuments chrétiens qu'à l'archéologie, il avait l'intention de publier une relation, mais celle-ci ne fut malheureusement pas éditée comme telle et le manuscrit n'en fut jamais retrouvé. Les seuls éléments qui nous soient parvenus se présentent sous forme soit de comptes rendus, soit de lettres.
Les textes ci-dessous sont extraits des Lettres édifiantes et curieuses, écrites par des missionnaires de la Compagnie de Jésus, volume 5, 1780.
On relèvera ce qu'écrit Claude Sicard au terme de son "Discours sur l'Égypte", des propos que l'on pourrait considérer comme le vade-mecum de tout bon pyramidologue : "En général, qui veut avoir une connaissance parfaite des Pyramides, il faut qu'il examine de quels matériaux elles sont bâties, quelle est leur figure, leur dimension, leur destination, leur nombre, le temps auquel elles ont été élevées, quand elles ont été ouvertes, et qui sont ceux qui les ont dépouillées, surtout les trois de Memphis, de leurs ornements et des richesses qui y étaient renfermées."

Détail d'une carte dressée par Claude Sicard (source : Gallica)
Du Père Sicard, missionnaire en Égypte, à Son Altesse Sérénissime Monseigneur le Comte de Toulouse (lettre écrite le 1er mai 1716)

Hérodote nous apprend que le Roi Cleopos employa cent mille hommes, l'espace de dix ans, à ouvrir des carrières dans la montagne du levant du Nil, et à en transporter les pierres au-delà du fleuve ; que pendant dix autres années suivantes , les mêmes cent mille hommes furent occupés à élever une pyramide construite de ces pierres tendres, et blanches en sortant de la carrière , mais qui peu à peu se durcissent à l'air et brunissent.
(…) Plus nous nous approchions du Caire, plus nous découvrions de nouvelles pyramides. Celles qui sont dans la plaine de Moknan sont en grand nombre ; mais les plus fameuses de toutes, pour leur hauteur, leur circonférence et leur construction, sont les trois grandes pyramides de Gizé, que l'on mettait autrefois au nombre des sept merveilles du monde.
Notre lente navigation me donna tout le temps de les contempler ; mais il ne me fut pas possible de vérifier les mesures des hauteurs et des largeurs que les voyageurs leur donnent. Les uns disent que la plus haute et la plus large est composée de deux cent vingt-sept degrés inégaux entre eux ; d'autres prétendent qu'elle a deux cent quatre-vingt-six toises quatre pieds de hauteur, que chaque côté de sa base a cent treize toises quatre pieds, et chaque face du piédestal deux cent soixante et dix toises cinq pieds de long. Je ne sais si l'on croira ce que Pline dit des dépenses qui furent faites en raves et en oignons pour la seule nourriture des ouvriers. Il prétend qu'elles allèrent à huit cents talents.

Quoi qu'il en soit, il est certain qu'il a fallu et bien du temps et bien du monde pour construire ces masses énormes, qui n'ont aujourd'hui de beauté, que cette prodigieuse hauteur et épaisseur ; mais elles pouvaient autrefois être regardées comme une des merveilles du monde, lorsqu'elles étaient revêtues en dehors des plus beaux marbres de l'Égypte, et qu'en dedans elles contenaient de grandes salles qui en étaient incrustées. On les appelait les salles du Roi et de la Reine. Ces marbres ont été enlevés par les derniers Rois d'Égypte qui en ont orné leurs palais : il n'en reste plus que quelques morceaux d'un côté et d'un autre, qui sont des marques visibles de leur ancienne magnificence.
À deux ou trois cents pas de la grande pyramide, et presque vis-à-vis du vieux Caire, à l'occident, proche le rivage du Nil, nous vîmes la tête du sphinx, dont les voyageurs ont tant parlé. Le reste du corps est enterré sous le sable. À juger de sa grosseur par ce qu'on voit de sa tête, il faut qu'elle soit énorme. Je ne ferai pas cependant caution de tout ce que Pline en rapporte. Il dit que la tête de ce monstre a douze pieds de circuit, quarante-trois pieds de longueur, et en profondeur depuis le sommet de la tête jusqu'au ventre, cent soixante et douze pieds. On croit, ajoute le même auteur, que le Roi Amasis y a été enterré.
La fable a fait rendre des oracles à cette figure monstrueuse, qui était la Divinité champêtre des habitants ; mais ces oracles étaient une frauduleuse invention de leurs Prêtres qui, ayant creusé sous terre un canal aboutissant au ventre et à la tête de cette prétendue Divinité de pierre, avaient trouvé moyen d'entrer dans son corps, d'où ils faisaient entendre d'une voix sépulcrale des paroles mystérieuses , pour répondre aux voyageurs qui venaient consulter l'oracle.

Du même auteur, dans "Discours sur l'Égypte"


La plus grande des trois [pyramides] qui sont auprès de l'ancienne Memphis à trois lieues du Caire, a 500 pieds de hauteur perpendiculaire, et 670 de talus. On y monte en dehors par 220 degrés, chacun d'environ trois pieds de haut. Il manque 24 ou 25 pieds à la cime, où l'on trouve une esplanade de dix à douze pieds en carré.
Outre cela cette pyramide est ouverte, et a une porte du côté du nord, élevée de quarante-cinq pieds au-dessus du terrain. On entre par un canal qui va en pente de quatre-vingt-cinq pieds de long, trois pieds six pouces de large en carré. Après ce canal on en trouve un autre, qui va toujours en montant ; il a quatre-vingt-seize pieds de long, trois pieds quatre pouces de haut et de large. Au sortir de ce second canal à droite est un puits qui est à sec ; il va en biaisant, et l'extrémité est bouchée de sable. De plain pied au puits est une allée de 113 pieds de longueur, et de trois pieds de largeur en carré, qui est terminée par une chambre longue de 18 pieds, large de 16, haute de 21, jusques à l'angle de la voûte en dos d'âne. À l'heure qu'il est, il n'y a dans cette chambre ni tombeau, ni corps ; tout a été enlevé il y a plusieurs siècles.
On revient sur ses pas jusques au haut du second canal ; là on monte par un glacis de 136 pieds de long ; de chaque côté il y a une banquette avec des mortaises, au nombre de 28 par banquette ; la largeur du glacis est de six pieds, et sa hauteur de 14 jusqu'au fond de la voûte qui est en dos d'âne.
Au haut du glacis on trouve une plate-forme, et de niveau un canal incrusté de granit, qui a vingt-un pieds de long, trois pieds huit pouces de large, et trois pieds quatre pouces de haut.
Du canal on entre dans la salle destinée à servir de sépulture ; elle a 32 pieds de longueur, 16 de largeur, et 16 de hauteur. Pavé, plancher, murailles, tout est incrusté de granit.
Au fond, à quatre pieds et quatre pouces du mur, est le tombeau ; il est de granit, et d'une seule pierre, sans couvercle. Il a sept pieds de longueur, trois de largeur, demi-pied d'épaisseur, et trois de hauteur ; lorsque l'on frappe dessus, il résonne comme une cloche.

En général, qui veut avoir une connaissance parfaite des Pyramides, il faut qu'il examine de quels matériaux elles sont bâties, quelle est leur figure, leur dimension, leur destination, leur nombre, le temps auquel elles ont été élevées, quand elles ont été ouvertes, et qui sont ceux qui les ont dépouillées, surtout les trois de Memphis, de leurs ornements et des richesses qui y étaient renfermées.
Ce détail demande bien des recherches ; mais ce n'est point une chose impossible ; il ne reste presque plus rien à déterrer sur cela
; les principaux articles sont éclaircis, et donnent un grand jour à l'histoire des Monarques qui ont régné à Memphis.

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