L'humaniste néerlandais Olfert Dapper (v.1635-1689), auteur d'une Description de l'Afrique, publiée en 1686 (*) n'a, selon toute vraisemblance, jamais visité les pays cités dans son ouvrage, à commencer par l'Égypte. Il s'est contenté de consulter de nombreux récits de voyage et ouvrages d'histoire et de géographie, en latin, français, espagnol, italien, anglais et hollandais, pour s'adonner à son travail de compilation. D'où des reprises, que nous qualifierions aujourd'hui de plagiat, de textes antérieurs (Pietro della Valle pour l'Égypte, cité parfois au mot près).
Dans la même logique, en 1688, paraîtra la Relation universelle de l'Afrique ancienne et moderne d'Antoine Phérotée de La Croix (1640?-1715?) dans laquelle l'auteur reprend l'intégralité du texte d'Olfert Dapper.
Évidemment, une telle œuvre de compilation n'échappe pas aux fourches caudines de la crédibilité. Il est vrai qu'il fut un temps où les historiens ou géographes n'avaient pas toujours l'opportunité d'aller puiser ou vérifier leurs informations à leur source même. D'où parfois le caractère approximatif de certains récits bâtis sur des "On dit que..." ou sur une chaîne de témoignages n'ayant a priori d'autre valeur que celle de l'ancienneté, et pas nécessairement de l'objectivité. L'on sait, pour le propos qui nous concerne ici, le rôle prépondérant de l'incontournable Hérodote, cité "à toutes les sauces", dont le témoignage, pourtant rédigé quelque 2.000 ans après la construction des pyramides de Guizeh, est encore aujourd'hui revendiqué et interprété de multiples manières.
Dans un tel contexte, comment s'étonner qu'Olfert Dapper ne cite que sept (et non neuf) "pierres de marbre" formant le plafond de la Chambre du Roi, dans la Grande Pyramide ? Ou encore qu'il relève l'existence, au même endroit, d'un mystérieux "pilier" creux en dedans, en pierre de Thèbes, et résonnant comme une cloche quand on frappe dessus ? N'a-t-on pas décrit le sarcophage de ladite chambre à peu près dans les mêmes termes ? Ou alors, comme nous le suggère Jean-Pierre Houdin, le "pilier" ne serait-il pas plutôt une dalle de granit extraite de son emplacement originel lors des "fouilles" effectuées au temps du calife al-Ma'mûn ?
Est-ce pour autant qu'un tel récit est sans valeur ? Il revient aux vrais spécialistes de l'histoire de l'Égypte ancienne d'en débattre et de nous éclairer sur le sujet.
Évidemment, une telle œuvre de compilation n'échappe pas aux fourches caudines de la crédibilité. Il est vrai qu'il fut un temps où les historiens ou géographes n'avaient pas toujours l'opportunité d'aller puiser ou vérifier leurs informations à leur source même. D'où parfois le caractère approximatif de certains récits bâtis sur des "On dit que..." ou sur une chaîne de témoignages n'ayant a priori d'autre valeur que celle de l'ancienneté, et pas nécessairement de l'objectivité. L'on sait, pour le propos qui nous concerne ici, le rôle prépondérant de l'incontournable Hérodote, cité "à toutes les sauces", dont le témoignage, pourtant rédigé quelque 2.000 ans après la construction des pyramides de Guizeh, est encore aujourd'hui revendiqué et interprété de multiples manières.
Dans un tel contexte, comment s'étonner qu'Olfert Dapper ne cite que sept (et non neuf) "pierres de marbre" formant le plafond de la Chambre du Roi, dans la Grande Pyramide ? Ou encore qu'il relève l'existence, au même endroit, d'un mystérieux "pilier" creux en dedans, en pierre de Thèbes, et résonnant comme une cloche quand on frappe dessus ? N'a-t-on pas décrit le sarcophage de ladite chambre à peu près dans les mêmes termes ? Ou alors, comme nous le suggère Jean-Pierre Houdin, le "pilier" ne serait-il pas plutôt une dalle de granit extraite de son emplacement originel lors des "fouilles" effectuées au temps du calife al-Ma'mûn ?
Est-ce pour autant qu'un tel récit est sans valeur ? Il revient aux vrais spécialistes de l'histoire de l'Égypte ancienne d'en débattre et de nous éclairer sur le sujet.
"Environ à quatre milles du Caire, du côté de l'Occident en avançant dans le pays, on trouve de grandes masses de pierre appelées pyramides. Elles sont bâties en carré, et s'étrécissent à mesure qu'elles s'allongent, jusqu'à ce qu'elles finissent presque en pointe. L'architecture n'en est pas fort agréable, et il ne paraît rien de fort ingénieux dans ces grandes masses ; on n'y voit point les ornements et les beautés de nos édifices. C'est que le but des Égyptiens n'a pas été de rendre leurs bâtiments agréables à la vue, mais solides et capables de résister à l'injure des temps. Et ils n'y ont pas mal réussi, puisque ces pyramides subsistent depuis tant de siècles, et qu'apparemment elles subsisteront encore pendant de longues années.
La dureté de la matière, qui est du marbre le plus fin, tiré des montagnes de l'Égypte, le fond pierreux sur lequel elles sont bâties, leur forme qui finit en pointe par dehors et va toujours en s'étrécissant par dedans, tout cela était fort propre à les mettre à couvert des orages et des tremblements de terre.
Le prince Radzivil et Pierre Belon ont décrit fort exactement les trois premières et plus grandes pyramides, qui sont sur le chemin du Caire, auprès de plusieurs autres, à 12.000 pas du Nil, vers l'Occident, au milieu d'une plaine stérile et sablonneuse.
La première pyramide surpasse toutes les autres en grandeur et en magnificence, et les Anciens la considéraient comme une merveille. Belon dit que de chaque côté de son fondement, depuis un coin jusqu'à l'autre, elle a 350 pas, 1200 pas de circuit et 600 pieds de hauteur ; que du bas de la pyramide jusqu'au sommet, il y a 250 degrés, chacun d'un peu plus de deux paumes de large et d'un peu moins de quatre paumes de haut ; que néanmoins on ne saurait bien compter les degrés, parce qu'il y en a de rompus.
Cette pyramide est toute faite de pierres de même grandeur, longues de trois pieds, larges et épaisses de deux. Du côté du Septentrion, elle est plus gâtée qu'ailleurs, parce que le vent du Nord, qui est sec ailleurs et humide en Égypte, et que la rosée et le Nil ont battu ce côté-là plus que ceux qui regardent l'Orient et le Midi.
Le sommet qui semble finir en pointe est plat, et de 22 pieds en carré, de sorte qu'il peut contenir commodément 30 hommes. Les extrémités du bas de la pyramide sont si éloignées des extrémités du sommet que les meilleurs tireurs ne sauraient lancer un trait dans le sable, au-delà de l'enceinte de la pyramide ; on l'a souvent éprouvé, mais en vain, le trait tombe toujours sur quelqu'un des degrés. De ce sommet, on peut porter la vue bien avant dans la mer et dans les plaines de l'Égypte, ce qui est un spectacle fort divertissant pour les curieux.
Au milieu de la pyramide, on voit une porte voûtée, faite de pierres de taille d'une grosseur et d'une épaisseur extraordinaires, fort hautes et disposées fort proprement. De cette porte on va par un chemin carré, en forme de puits carré, jusqu'au milieu de la pyramide où l'on enterrait celui en l'honneur duquel la pyramide était dressée. Ce chemin n'est pas en droite ligne, mais en penchant, et la pente est si raide qu'on a peine à s'y tenir. Les Rois d'Égypte l'avaient fait exprès, afin qu'on n'allât pas interrompre le repos des morts. C'est aussi pour cela qu'après avoir mis le corps en terre, on fermait la porte du tombeau avec une grosse pierre, posée si justement qu'on ne pouvait voir la porte du dehors, et qu'il était impossible de trouver l'entrée des sépulcres sans briser la pyramide.
Ce chemin ne reçoit de jour par aucun endroit, et l'on n'y peut marcher qu'à la clarté des flambeaux. Comme il s'étend jusqu'au milieu de la pyramide, il a presque 200 pas de long, et est taillé entre quatre rangées de pierres toutes égales, et longues de 25 ou 30 paumes chacune : une de ces rangées est la voûte, l'autre le plancher, et les deux autres servent de murailles
Ce chemin va en étrécissant et en baissant, de sorte qu'on n'y peut marcher que courbé. Il aboutit à une petite chambre où les curieux se reposent avec plaisir, parce que ce courbement continuel, la difficulté de respirer dans un lieu fermé où l'on n'a point d'autre air que celui qui sort des poumons, ni d'autre lumière que la clarté des flambeaux, accablent de lassitude, et la chaleur qui y est aussi grande que dans une étuve couvre le corps d'une sueur dangereuse.
Au sortir de ce petit réduit, on trouve une montée fort rude, couverte d'une voûte qui ressemble fort aux degrés voûtés d'Italie, si ce n'est qu'elle n'est pas ronde, mais à angles, et bâtie de grosses pierres toutes égales. Ces pierres sont posées en plusieurs tas les unes sur les autres, de manière pourtant que celles du dessus surpassent celles du dessous, et qu'elles se viennent toucher insensiblement, en forme d'arc, laissant de l'espace pour ce petit réduit et pour la montée.
On y grimpe avec beaucoup de peine en se prenant à de certaines pierres qui avancent un peu, et mettant les pieds dans des trous faits exprès, qui sont pour le moins à six paumes l'un de l'autre. Ce qui fait coûter un peu cher la curiosité.
Cette montée aboutit à une chambre dont le plancher est fort haut. On voit au milieu un tombeau posé en travers. Elle a vingt et un pieds et demi de large, et 40 de long. Elle est couverte de sept pierres de marbre, qui se touchant par les côtés forment un lambris plain et uni. La tombe est ouverte, soit que la porte ait été rompue, ou qu'il n'y en ait jamais eu, le Roi qui a fait bâtir la pyramide n'y ayant jamais été enterré, comme l'assurent les habitants.
Dans la même chambre, il y a un pilier fort gros, fort épais et tout d'une pièce ; la matière est un marbre d'Égypte, que Belon appelle souvent pierre de Thèbes ; elle est si dure et si solide qu'on n'en saurait arracher la moindre petite pièce à coups de marteau ; elle retentit comme une cloche quand on la frappe, et sans doute qu'elle résonnerait bien plus clairement si elle était suspendue en l'air. Quelques personnes qui ont vu cette pierre affirment qu'elle est creuse en dedans, épaisse de quatre doigts, longue de douze paumes, large de cinq et profonde de cinq et demi.
La seconde pyramide est plus petite que la première. Comme elle n'a point de degrés par dehors, on ne saurait grimper au sommet. Et étant bâtie sur un fond plus élevé, elle paraît de loin plus haute que la première, mais quand on en est près, on s'aperçoit du contraire. Elle est carrée aussi bien que la première, mais si pointue qu'un homme seul ne saurait s'y tenir. Le côté du Nord est tout délabré par les pluies et l'humidité, comme dans la première.
La troisième est la plus petite de toutes, et on n'y voit nuls desseins d'architecture. Elle est plus grande du tiers que celle qui est à Rome sur le chemin d'Ostie, près du mont Testace. Cet édifice est encore aussi entier que s'il venait d'être bâti tout nouvellement."
Carte du Caire
(*) Le titre intégral de l'ouvrage est celui-ci : Description de l'Afrique contenant les noms, la situation et les confins de toutes ses parties, leurs rivières, leurs villes et leurs habitations, leurs plantes et leurs animaux : les mœurs, les coutumes, la langue, les richesses, la religion et le gouvernement de ses peuples : avec des cartes des États, des provinces et des villes, et des figures en taille-douce, qui représentent les habits et les principales cérémonies des habitants, les plantes et les animaux les moins connus, Amsterdam, traduction française de 1686 (édition originale 1668) Les illustrations sont extraites de l'ouvrage d'Olfert Dapper
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