jeudi 30 avril 2009

Le mécanisme toujours aussi "secret" de la Grande Pyramide

Une visite ce matin chez mon libraire habituel m'a une fois encore réservé deux (bonnes) surprises, me confirmant dans cette conviction que la "mystérieuse" construction des pyramides d'Égypte, qui a déjà alimenté deux millénaires de théories et débats, a encore de beaux jours devant elle !
La première de ces surprises (la seconde fera l'objet d'une autre note à venir) : un long article de la revue bimestrielle Science et Inexpliqué (mai-juin 2009), consacré à la théorie de Philippe Lheureux et Stéphanie Martin (un gigantesque mécanisme hydraulique secret à l'intérieur de la pyramide de Khéops).
Cet article, non signé, complètera très utilement la présentation succincte qui a été faite dans ce blog de la théorie concernée : voir ICI.
Il comporte notamment une abondante illustration, plus éloquente que de longs développements, ainsi qu'une interview de Philippe Lheureux, dont je retiens cette affirmation :"Pour les égyptologues, ma théorie est illégale ! Paradoxalement, elle séduit les ingénieurs structures ou fluides qui, comme moi, savent regarder et interpréter des plans. (...) J'ai des preuves visibles et calculables qui permettent d'expliquer la quasi-totalité des anomalies architecturales [de la pyramide]."

La relation de l'historien et chroniqueur grec Diodore de Sicile


Dans son ouvrage majeur La Bibliothèque historique, Diodore de Sicile (1er siècle av.J.-C.) écrit :
"(Les pyramides) sont du côté de la Libye à 120 stades de Memphis et à quarante-cinq du Nil. Elles étonnent tous ceux qui les voient et par leur hauteur et par leur beauté. La base de la plus grande est un carré dont chaque côté est de sept cents pieds. La pyramide en a plus de six cents de hauteur. Ses quatre faces diminuent en s'élevant, de telle sorte qu'elles ont encore six coudées de largeur au sommet qui les termine. Elle est construite tout entière de pierres très difficiles à travailler, mais aussi d'une durée éternelle, car bien qu'il y ait aujourd'hui mille ans, à ce qu'on dit, que la pyramide subsiste et que d'autres même assurent qu'il y en a trois mille quatre cents, elle s'est conservée jusqu'à nos jours sans être endommagée en aucun endroit. On avait fait venir les pierres du fond de l'Arabie et comme on n'avait pas encore l'art d'échafauder, on dit qu'on s'était servi de terrasses pour les élever. Mais ce qu'il y a de plus incompréhensible dans cet ouvrage est, qu'étant au milieu des sables, on n'aperçoit aucune trace ni du transport, ni de la taille des pierres, ni des terrasses dont nous avons parlé, de telle sorte qu'il semble que sans emprunter la main des hommes qui est toujours fort lente, les dieux ont placé tout d'un coup ce monument au milieu des terres. Quelques Égyptiens apportent une explication de cet effet aussi fabuleuse et plus grossière que celle-là. Car ils disent que ces terrasses, ayant été faites d'une terre pleine de sel et de nitre, le fleuve en se débordant les a fait fondre et disparaître sans le secours des ouvriers. Cela ne saurait être vrai, et il est bien plus sensé de dire que les mêmes mains qui avaient été employées à apporter ces terres furent employées à les remporter et à remettre le sol dans le même état qu'il était auparavant, d'autant plus qu'on dit que trois cent soixante mille manœuvres ou esclaves furent occupés près de vingt ans à ce travail.
(…)
On a marqué sur la plus grande pyramide la somme d'argent qui a été employée en légumes pour la nourriture des ouvriers, elle passe seize cents talents. La plus petite est sans inscription, mais on a creusé un degré dans un de ses côtés. Quoique ces deux rois les eussent fait faire pour leur servir de sépulture, aucun des deux n'y a pourtant été enseveli, car les peuples, irrités des travaux insupportables où ils avaient été condamnés et des autres violences de ces deux rois, jurèrent qu'ils tireraient leurs corps de ces monuments pour les mettre en pièces. Les deux rois qui en furent informés avant leur mort, recommandèrent à leurs amis de déposer leur corps dans des lieux sûrs et secrets.
(…)
On convient que ces ouvrages sont au-dessus de tout ce que l'on voit en Égypte, non seulement par la grandeur de la masse et par les sommes prodigieuses qu'ils ont coûté, mais encore par la beauté de leur construction. Et les ouvriers qui les ont rendues si parfaites sont bien plus estimables que les rois qui en ont fait la dépense. Car les premiers ont donné par là une preuve mémorable de leur génie et de leur adresse ; au lieu que les rois n'y ont contribué que par les richesses qui leur avaient été laissées par leurs ancêtres ou qu'ils extorquaient de leurs sujets. Au reste ni les historiens ni les Égyptiens même ne sont d'accord sur l'article des pyramides, car la plupart leur donnent pour auteurs les rois que nous avons nommés, mais quelques-uns les mettent sous d'autres noms et ils disent que la première est d'Armaeus, la seconde d'Ammosis et la troisième d'Inaron. D'autres encore disent que cette troisième est le tombeau de la courtisane Rodope et que des gouverneurs de province, ses amants, l'avaient fait élever pour elle à frais communs. Boccoris succéda à ces rois. Sa taille était peu avantageuse, mais il passa de bien loin ses derniers prédécesseurs en esprit et en sagesse."

(traduction de Monsieur l'Abbé Terrasson, de l'Académie française)
Source du texte numérisé : http://remacle.org/bloodwolf/historiens/diodore/livre1a.htm

à lire également :
























Strabon : une question "embarrassante"

 
Illustration extraite de Wikipédia 
Strabon (vers 57 av.J.-C - entre 21 et 25 av.J.-C.) est un géographe grec. Il voyagea en Égypte en 25 ou 24 av.J.-C., accompagnant le préfet romain Aelius Gallus. Il fit le récit de ce voyage dans sa Géographie (Γεωγραφικά / Geôgraphiká), dont voici un extrait (Livre XVII) :

"À 40 stades au delà de Memphis, règne une côte montagneuse sur laquelle se dressent plusieurs pyramides, qui sont autant de sépultures royales. Trois de ces pyramides sont particulièrement remarquables. Il y en a même deux, sur les trois, qui sont rangées au nombre des sept Merveilles du monde, et rien n'est plus juste : elles n'ont pas moins d'un stade de hauteur, leur forme est quadrangulaire et la longueur de chacun de leurs côtés n'est inférieure que de très peu à leur hauteur. L'une des deux pyramides est un peu plus grande que l'autre. À une certaine hauteur sur un de ses côtés se trouve une pierre qui peut s'enlever, et, qui une fois enlevée, laisse voir l'entrée d'une galerie tortueuse ou syringe, aboutissant au tombeau. Ces deux pyramides sont bâties l'une à côté de l'autre sur le même plan. Plus loin maintenant et sur un point plus élevé de la montagne est la troisième pyramide, qui, de dimensions beaucoup moindres que les deux autres, se trouve cependant avoir coûté beaucoup plus cher de construction : cette différence tient à ce que, depuis la base jusqu'à moitié de la hauteur environ, il n'a été employé d'autre pierre que cette pierre noire qui entre aussi dans la composition des mortiers, pierre qu'on fait venir des montagnes situées tout à l'extrémité de l'Éthiopie, et qui, par son extrême dureté et sa difficulté à se laisser travailler, augmente beaucoup le prix de la main-d'œuvre. La pyramide en question passe pour être le tombeau d'une courtisane célèbre et pour avoir été édifiée aux frais de ses amants, et ladite courtisane ne serait autre que cette Doricha dont parle Sappho, l'illustre mélographe, comme ayant été la maîtresse de son frère Charaxus, au temps où celui-ci, négociant en vins de Lesbos, fréquentait Naucratis pour ses affaires. Quelques auteurs donnent à cette même courtisane le nom de Rhodôpis et racontent à son sujet la fable ou légende que voici : un jour, comme elle était au bain, un aigle enleva une de ses chaussures des mains de sa suivante, et s'envola vers Memphis où, s'étant arrêté juste au-dessus du roi, qui rendait alors la justice en plein air dans une des cours de son palais, il laissa tomber la sandale dans les plis de sa robe. Les proportions mignonnes de la sandale et le merveilleux de l'aventure émurent le roi, il envoya aussitôt par tout le pays des agents à la recherche de la femme dont le pied pouvait chausser une chaussure pareille ; ceux-ci finirent par la trouver dans la ville de Naucratis, et l'amenèrent au roi, qui l'épousa et qui, après sa mort, lui fit élever ce magnifique tombeau.

En visitant les pyramides, nous avons observé un fait extraordinaire et qui nous a paru mériter de ne pas être passé sous silence. Il s'agit de gros tas d'éclats de pierre qui couvrent le sol en avant des pyramides et dans lesquels on n'a qu'à fouiller pour trouver de petites pétrifications ayant la forme et la dimension d'une lentille et reposant parfois sur un lit de débris [également pétrifiés] assez semblables à des épluchures de légumes à moitié écossés. On prétend que ces pétrifications sont les restes des repas des ouvriers qui ont élevé les pyramides, mais la chose n'est guère vraisemblable. Il existe en effet dans une des plaines de notre pays une colline allongée, remplie, comme celle-ci, de fragments de tuf siliceux qui ont aussi cette configuration lenticulaire. La formation des cailloux de la mer et des rivières qui soulève à peu près les mêmes difficultés s'explique à la rigueur par la nature du mouvement qu'imprime aux corps tout courant d'eau, mais ici la question est plus embarrassante."
Traduction d'Amédée Tardieu, Hachette, Paris, 1867
On peut retrouver ce texte sur http://www.mediterranees.net/
Pour consulter l'ensemble de la Géographie de Strabon sur ce même site : cliquer ICI
(Ce document avait fait l'objet d'une publication antérieure sur ce blog. Suite à une mauvaise manipulation, il en avait disparu. D'où cette nouvelle parution)

mardi 28 avril 2009

L'étrange berger Philitis : l'interprétation d'Otto Muck


Tout part de ce qu'écrivit Hérodote dans le livre II de son Histoire :
"Les mêmes prêtres m'apprirent que Khéphren régna cinquante-six ans : ainsi les Égyptiens furent accablés cent six ans de toutes sortes de maux, et, pendant tout ce temps, les temples restèrent fermés. Les Égyptiens ont tant d'aversion pour la mémoire de ces deux princes [Khéops et Khéphren], qu'ils ne veulent pas même les nommer ; ils appellent, par cette raison, ces pyramides du nom du berger Philitis, qui, dans ce temps-là, menait paître ses troupeaux vers l'endroit où elles sont." (CXXVIII)

Dans son ouvrage Chéops et la Grande Pyramide - L'apogée de l'Ancien Empire d'Égypte (Payot, 1961), Otto Muck décrit le portrait de cet étrange berger Philitis en ces termes :
- il n'était ni sémite, ni hamite, mais européen ;
- pour pouvoir s'approcher au plus près de la pyramide en construction, il ne pouvait être un simple berger :"... seule une personne employée à la construction de la pyramide pouvait avoir accès au chantier. Il faut donc supposer que les troupeaux que le berger Philitis faisait paître à cet endroit étaient non pas des moutons ou d'autres ruminants, mais des troupes d'ouvriers, que cet homme mystérieux dirigeait au nom du roi." (op. cit. p. 111) ;
- son titre de "berger" faisait de lui "un des fonctionnaires administratifs les plus importants du royaume" (p. 113), "le personnage qui seul avait le droit, et le devoir, de se tenir dans l'enceinte du chantier pendant les travaux" (ibid.), "le chef de tous les ouvriers du roi, (le) vizir et le confident de Cheops" (ibid.);
- "plus proche qu'un autre" du souverain, il "devait avoir un certain rapport de parenté avec la femme blonde qui fut la reine préférée de Cheops et la mère de la blonde princesse héritière" (p. 114) ;
- il a introduit en Égypte les renseignements qui servirent de base au calendrier de Sothis.
D'où la conclusion :" ... si Philitis fut le premier au-dessous du roi, (...) on peut comprendre pourquoi on a donné son nom aux pyramides. Comme surintendant de tous les travaux, il devait attacher une importance primordiale à la construction des pyramides, puisqu'elles devaient assurer un repos éternel au souverain." (p. 114)
Selon Otto Muck, le berger mystérieux qui dirigea le chantier de construction des pyramides de Khéops et de Khéphren "devait être le prince héritier et le fils [adoptif] du roi". C'est à cause de ce lien étroit de filiation et par désaffection à l'égard des pharaons bâtisseurs que les Égyptiens que connut Hérodote, 2.000 ans après la construction des pyramides, donnèrent aux édifices géants le nom du valeureux "berger".
À la faveur d'une démonstration complexe qu'il m'est impossible de reprendre et synthétiser ici, Otto Muck développe également une autre thèse dans son ouvrage : la pyramide dite "de Khéops" ne fut finalement, contrairement au projet initial, qu'une tombe fictive pour le pharaon. Suite à un "changement radical dans la vie du roi et de l'Ancien Empire et [à] ses répercussions théologiques dans l'histoire [par l'inauguration du] monothéisme de Ra", le monument devint un temple, le premier sanctuaire de Ra et la gardienne des périodes sothiaques. Telle est la raison de l'introduction d'un nouvel aménagement dans la configuration du monument : la création d'un chemin pavé carré autour de la pyramide pour les processions rituelles (chemin  sous lequel ont été découvertes les barques solaires de Khéops).
Quant à savoir où est l'emplacement de la sépulture royale, Otto Muck ne fait état d'aucune certitude, sinon qu'il ne s'agit pas de la pyramide elle-même, désormais dédiée à une finalité cultuelle. Il n'en avance pas moins une hypothèse : dans le rocher de Guizeh. Puis de préciser, s'appuyant une fois encore sur le récit d'Hérodote :"La topographie (...) ne contredit pas les indications d'Hérodote. Quels détails nous donne-t-il ? Un fossé maçonné aurait conduit du Nil au rocher de la pyramide et l'eau aurait pénétré dans le roc de façon à isoler un noyau central sur lequel le sarcophage devait trôner comme sur une île.( p. 155)

Hérodote : la référence incontournable

Une fausse manipulation a occasionné la disparition de ce blog du texte d'Hérodote (Histoires II, 124-127) traitant de la construction des pyramides. Cette référence étant très abondamment citée, je le reproduis ici dans son intégralité.La traduction est de Pierre-Henri Larcher (Lefevre et Charpentier, Paris, 1842).


CXXIV. Les prêtres ajoutèrent que, jusqu'à Rhampsinite, on avait vu fleurir la justice et régner l'abondance dans toute l'Égypte ; mais qu'il n'y eut point de méchanceté où ne se portât Chéops, son successeur. Il ferma d'abord tous les temples, et interdit les sacrifices aux Égyptiens ; ils les fit après cela travailler tous pour lui. Les uns furent occupés à fouiller les carrières de la montagne d'Arabie, à traîner de là jusqu'au Nil les pierres qu'on en tirait, et à passer ces pierres sur des bateaux de l'autre côté du fleuve ; d'autres les recevaient, et les traînaient jusqu'à la montagne de Libye. On employait tous les trois mois cent mille hommes à ce travail. Quant au temps pendant lequel le peuple fut ainsi tourmenté, on passa dix années à construire la chaussée par où on devait traîner les pierres. Cette chaussée est un ouvrage qui n'est guère moins considérable, à mon avis, que la pyramide même; car elle a cinq stades de long sur dix orgyies de large, et huit orgyies de haut dans sa plus grande hauteur ; elle est de pierres polies et ornées de ligures d'animaux. On passa dix ans à travailler à cette chaussée, sans compter le temps qu'on employa aux ouvrages de la colline sur laquelle sont élevées les pyramides, et aux édifices souterrains qu'il fit faire, pour lui servir de sépulture, dans une île formée par les eaux du Nil, qu'il y introduisit par un canal. La pyramide même coûta vingt années de travail : elle est carrée ; chacune de ses faces a huit plèthres de largeur sur autant de hauteur ; elle est en grande partie de pierres polies, parfaitement bien jointes ensemble, et dont il n'y en a pas une qui ait moins de trente pieds.

CXXV. Cette pyramide fut bâtie en forme de degrés ; quelques-uns s'appellent crosses, quelques autres bomides. Quand on eut commencé à la construire de cette manière, on éleva de terre les autres pierres, et, à l’aide de machines faites de courtes pièces de bois, on les monta sur le premier rang d'assises. Quand une pierre y était parvenue, on la mettait dans une autre machine qui était sur cette première assise ; de là on la montait par le moyen d'une autre machine, car il y en avait autant que d'assises : peut-être aussi n'avaient-ils qu'une seule et même machine, facile à transporter d'une assise à l'autre toutes les fois qu'on en avait ôté la pierre. Je rapporte la chose des deux façons, comme je l'ai ouï dire. On commença donc par revêtir et perfectionner le liant de la pyramide ; de là on descendit aux parties voisines, et enfin on passa aux inférieures, et à celles qui touchent la terre. On a gravé sur la pyramide, en caractères égyptiens, combien on a dépensé pour les ouvriers en raiforts, en oignons et en aulx ; et celui qui m'interpréta cette inscription me dit, comme je m'en souviens très bien, que cette dépense se montait à seize cents talents d'argent. Si cela est vrai, combien doit-il en avoir coûté pour les outils de fer, pour le reste de la nourriture et pour les habits des ouvriers, puisqu'ils employèrent à cet édifice le temps que nous avons dit, sans compter celui qu'ils mirent, à mon avis, à tailler les pierres, à les voiturer, et à faire les édifices souterrains, qui fut sans doute considérable !

CXXVI. Chéops, épuisé par ces dépenses, en vint au point d'infamie de prostituer sa fille dans un lieu de débauche, et de lui ordonner de tirer de ses amants une certaine somme d'argent. J'ignore à combien se monta cette somme ; les prêtres ne me l'ont point dit. Non seulement elle exécuta les ordres de son père, mais elle voulut aussi laisser elle-même un monument. Elle pria tous ceux qui la venaient voir de lui donner chacun une pierre pour des ouvrages qu'elle méditait. Ce fut de ces pierres, me dirent les prêtres, qu'on bâtit la pyramide qui est au milieu des trois, en face de la grande pyramide, et qui a un plèthre et demi de chaque côté.

CXXVII. Chéops, suivant ce que me dirent les Égyptiens, régna cinquante ans. Étant mort, son frère Chéphren lui succéda, et se conduisit comme son prédécesseur. Entre autres monuments, il fit aussi bâtir une pyramide : elle n'approche pas de la grandeur de celle de Chéops (je les ai mesurées toutes les deux) ; elle n'a ni édifices souterrains, ni canal qui y conduise les eaux du Nil ; au lieu que l'autre, où l'on dit qu'est le tombeau de Chéops, se trouve dans une île, et qu'elle est environnée des eaux du Nil, qui s'y rendent par un canal construit à ce dessein. La première assise de cette pyramide est de pierre d'Éthiopie, de diverses couleurs, et elle a en hauteur quarante pieds de moins que la grande pyramide à laquelle elle est contiguë. Ces deux pyramides sont bâties sur la même colline, qui a environ cent pieds de haut.

dimanche 26 avril 2009

Une nouvelle "vengeance" des Pharaons ?

Il est bien sûr trop tôt pour dresser un premier bilan de ce blog et, surtout, de son utilité.
En à peine quatre mois d'existence, il a dû néanmoins - ainsi que son auteur - affronter quelques "coups de vent", voire même déjà une tempête toute récente. Sans doute une manière pour les Pharaons, qui se sont bien arrangés pour ne pas divulguer le secret de la construction de leurs pyramides, de se rappeler à mon bon souvenir...
Qu'il me soit donc permis de remercier très cordialement tous ceux, dont certains auteurs de théorie(s) sur la construction des pyramides, qui m'ont manifesté leurs encouragements, leur soutien ou leurs critiques, parfois même leur amitié.
Sous couvert de quête d'une vérité dont les contours semblent demeurer à tout jamais fuyants, la bisbille et même la contradiction directement ouverte font souvent partie du quotidien des recherches des égyptologues.
Je veux bien accorder à leur crédit que c'est ainsi que la science progresse... Mais dans le même temps, comment être surpris outre mesure que des pros de la construction, familiers du langage des pierres et du déroulement d'un chantier grandeur nature, en se référant aux moyens techniques d'une époque très lointaine, puissent émettre eux aussi leur avis sur la question du "comment" les fabuleuses pyramides égyptiennes ont pu sortir de terre, à la conquête de l'éternité qui leur était promise ? "C'est au pied du mur que l'on voit le [vrai] maçon..."
Est-il nécessaire, en ayant recours à un "gros" mot que je revendique, de rappeler la "philosophie" de ce blog ?
Je n'ai ni la compétence, ni la volonté d'émettre la moindre idée sur le caractère plausible ou la "faisabilité" de telle ou telle théorie. En aurais-je ma petite idée, mon propos est présentement ailleurs. Je souhaite simplement mettre bout à bout les différentes théories relatives à la construction des pyramides égyptiennes, à commencer par celles du plateau de Guizeh, sans ordre de préséance, ni classement logique, ni comparaison, ni rapprochement compte tenu d'éventuelles convergences.
Un détail, pas totalement insignifiant : ce blog est quand même marqué par un parti pris, celui d'ignorer les théories "irrationnelles", dont celles des "pyramidiots". On m'en a fait le reproche et j'assume. Peut-être serai-je amené un jour ou l'autre à revoir cette orientation. Mais pour l'heure, j'estime avoir tant à faire avec un inventaire qui me réserve encore de nombreuses (et agréables) surprises.
Que vous soyez ou non en accord avec cette première analyse, ce blog est à votre disposition pour exprimer votre point de vue. Ce blog est aussi le vôtre...

L'"escalier de Khéops" : la théorie développée par Jean Perrenoud

Une "voie d'eau en escalier" pour le transport des monolithes entre le port fluvial et la pyramide de Khéops, puis un "second escalier (...) qui s'enroule autour de la pyramide au fur et à mesure de son érection, (...) construit en même temps que les assises de la pyramide, mais en monolithes solidaires de la pyramide et parallèlement à ses faces" : tel est l'essentiel de la théorie développée récemment par Jean Perrenoud dans la revue trimestrielle Les grands secrets de l'Archéologie (n° 11, février-mars-avril 2009).
Ce dispositif fut complété - il est "cohérent de le concevoir" précise l'auteur - tout d'abord par une voie de transport par traîneaux, depuis la carrière dite de Khéphren jusqu'à la pyramide, pour l'approvisionnement du chantier au stade des premières assises de l'édifice, puis par une "chaussée monumentale", entre le canal de Memphis et le pied de la pyramide, pour l'alimentation en eau du système hydraulique.
Pour un problème d'encombrement trop important, ce système fut interrompu à quelque 50 mètres du sommet, pour laisser place à une rampe enveloppante (conformément à la technique défendue notamment par Goyon).
Cette théorie, intentionnellement présentée par Jean Perrenoud "de manière lapidaire", fera sans nul doute - on peut en tout cas raisonnablement l'espérer - l'objet de développements ultérieurs.
Commander le numéro 11 de la revue "Les grands secrets de l'Archéologie"

samedi 25 avril 2009

Les pyramides, selon Pline l'Ancien : une "oiseuse et folle ostentation de richesses"

 
Illustration extraite de Wikipédia
"En passant, écrit Pline l'Ancien (23-79) dans son Histoire naturelle, parlons aussi des pyramides de cette même Égypte, oiseuse et folle ostentation de la richesse de ses rois. En effet, disent la plupart, les rois n'eurent, pour les construire, d'autre motif que de ne pas donner l'argent à des successeurs ou à des rivaux complotant, ou de ne pas laisser le peuple dans l'inaction.
(...) Un difficile problème, c'est de savoir comment les matériaux ont été portés à une si grande hauteur: selon les uns, on éleva des monceaux de nitre et de sel à mesure que la construction avançait, et quand elle fut terminée, on les fit fondre en amenant les eaux du Nil. Selon d'autres, on creva des ponts en briques faites en terre, qu'on répartit, l'édifice achevé, entre les maisons des particuliers; car, disent-ils, le Nil n'a pu être amené là, étant beaucoup plus bas. Dans la plus grande pyramide est un puits de quatre-vingt-six coudées; on pense qu'il reçut l'eau du fleuve. Le moyen de mesurer la hauteur des pyramides et autres édifices semblables, fut trouvé par Thalès de Milet : il mesura l'ombre à l'heure où elle est égale aux corps."
(Traduction d'Émile Littré)

Non, Monsieur ! La poésie ne suffit pas, même dans les sables du désert !

Je viens de retrouver dans ma bibliothèque un fascicule édité par l'Office du tourisme d'Égypte à Paris, où (malheureusement) ne figure aucune mention de date.
Cette publication comporte un article, signé Pierre-François Astor, qui aborde très sommairement, sous le titre "L'escargot, la chèvre et la pyramide", "l'énigme de la plus vaste entreprise de construction de tous les temps". Tenez-vous bien ! Pour un sujet aussi vaste et complexe, on y a droit à... une page (très aérée).
Une autre surprise de taille nous attend, pour le moins stupéfiante dans le contenu d'une publication que nous pourrions qualifier d'"officielle". Après avoir rappelé qu'aucune théorie relative à la construction des pyramides n'est pleinement satisfaisante, notamment concernant l'hypothétique utilisation de la chèvre comme appareil de levage, l'auteur de l'article pencherait plutôt pour l'hypothèse des rampes en briques crues, faiblement inclinées, sur lesquelles on faisait glisser les traîneaux. Avec toutefois une réserve :"Ce qui ne nous dit toujours pas comment [les Égyptiens] pouvaient charger et décharger la pierre du traîneau". Jusqu'ici, tout va bien !
Puis l'auteur d'ajouter :"Certains conteurs arabes pensaient, il y a très, très longtemps, que les sujets de Pharaon maîtrisaient un moyen surnaturel de lévitation. Sauf le respect que je dois à tous les égyptologues et à Georges Goyon en particulier, voilà une image dont la poésie n'est pas pour me déplaire. Une façon élégante de rappeler que la première des sept merveilles du monde antique et la seule à être parvenue jusqu'à nous, saura encore longtemps s'entourer d'un mystère aussi profond que les sables du désert."
On aura remarqué, je pense, que ce blog se tient délibérément à l'écart de toutes les théories faisant appel au "mystérieux" ou à l'irrationnel, sous quelque forme que ce soit, pour résoudre des "secrets" que l'archéologie ou le bon sens n'ont pas encore réussi à élucider. Il m'a semblé utile toutefois de faire ici une exception. Je demandais dans une autre note quelle était la "bonne parole" que les guides officiels égyptiens  sont censés délivrer aux touristes visitant les pyramides. J'ose espérer - j'en suis quasiment certain - que les propos de nos cicérones dûment patentés sont aujourd'hui d'une autre teneur, nettement plus scientifique...

mercredi 22 avril 2009

Le point de vue d'un docteur en égyptologie

Docteur en égyptologie de l'Université de Paris-Sorbonne, professeur à la faculté des sciences humaines à l'Université du Québec à Montréal, Jean Revez a effectué plusieurs missions en Égypte, notamment à Karnak dans le cadre de missions archéologiques et épigraphiques.

En 2001, il a publié au Canada un opuscule pour répondre aux questions les plus fréquemment posées à propos des pyramides de l'Ancien Empire égyptien : Les pyramides d'Égypte en dix questions, MNH/Anthropos, 2e édition 2002, 104 pages.

L'une de ces questions porte bien évidemment sur la construction des pyramides. Dans sa réponse, l'auteur ne développe aucune théorie personnelle. Il se contente de "faire [brièvement] le point sur les théories actuellement en vogue", au premier rang desquelles celle de Jean-Philippe Lauer, présenté comme "une sommité mondiale en matière d'architecture antique". Puis il marque discrètement sa préférence :"Au regard des fouilles qu'ils ont menées au sud de la pyramide de Khoufou, on tiendra finalement pour fort probable la proposition de M.Lehner et Z.Hawass, selon laquelle les Égyptiens auraient utilisé les deux systèmes conjointement, la rampe rectiligne pour construire la base de la pyramide, et la rampe enveloppante pour la partie supérieure." (op. cit. pp. 11-12)

lundi 20 avril 2009

Jean-Pierre Corteggiani : la chambre "inconnue" de la pyramide de Khéops est "plus qu'une simple hypothèse"



La théorie de la chambre "inconnue" (sous la Chambre de la Reine), développée par Gilles Dormion et Jean-Yves Verd'hurt, a déjà été présentée sommairement dans ce blog. Voir ICI.

L'égyptologue Jean-Pierre Corteggiani, directeur des relations scientifiques et techniques de l'Institut français d'archéologie orientale (IFAO) jusqu'en 2007, reprend à son compte cette théorie dans son ouvrage Les Grandes Pyramides - Chronique d'un mythe, Découvertes Gallimard, 2006, 128 pages.

Il suffit de regarder une coupe de la pyramide de Khéops, affirme-t-il, pour voir que ni la chambre souterraine, restée inachevée, ni la Chambre du Roi (ayant subi un grave problème tectonique lors de l'aménagement des cinq chambres "de décharge") ne pouvaient accueillir la dépouille momifiée du pharaon. La chambre funéraire devait (doit) être ailleurs. D'où la conclusion :" La seule possibilité, s'il y en une, ne peut se trouver qu'au voisinage de la 'Chambre de la Reine' et en liaison avec elle. Diverses anomalies dans le couloir 'horizontal', la présence d'une curieuse niche pourvue d'un boyau d'accès lui-même prolongé par une sape de voleurs, l'implantation particulière de la niche dans la paroi est de la pièce, l'absence d'un dallage définitif, des remaniements évidents du sous-dallage en place : tous ces éléments ont poussé Dormion et Verd'hurt à penser que cet ensemble est un espace de manœuvre et qu'il s'y était 'passé quelque chose'." (op.cit. p. 119)

Des mesures effectuées par Jean-Pierre Baron, géophysicien de la SAFEGE, ont débouché sur le rapport suivant :"Le traitement des mesures effectuées au sol de la chambre [de la Reine] semblerait indiquer la présence d'une structure d'environ un mètre de large, orientée dans le sens est-ouest, et dont le toit se trouverait à environ 3,5 mètres de profondeur. Son axe se trouverait à 2,5 mètres du mur sud de la chambre et la traverserait de part en part." (p. 119)

"Que dire de plus, commente Jean-Pierre Corteggiani, sinon que cela décrit parfaitement un couloir de 2 coudées égyptiennes de largeur ? Qu'il est dans l'axe est-ouest de la pyramide ? Qu'en toute logique il conduit quelque part et que ce 'quelque part' se trouve au cœur de la pyramide, exactement à l'intersection des axes est-ouest et nord-sud ? Qu'il semble devoir comporter deux ou plus probablement trois herses ? " (p. 119)

Des pierres "revêtues d'écriture"

 
Le médecin, historien et égyptologue Muwaffaq al-Dîn Abu Muhammad Ibn Yûsuf 'Abd al-Latîf (1162-1231) est né et mort à Bagdad. D'où son surnom d'al-Baghdâdî.
Son ouvrage Relation de l'Égypte comporte des descriptions détaillées de monuments égyptiens de l'Antiquité, notamment les pyramides de Guizeh :
"(Les) pyramides qui ont été l'objet de tant de récits que l'on distingue de toutes les autres, et dont la grandeur attire par-dessus tout l'admiration, (...) sont au nombre de trois, placées sur une même ligne à Djizèh, en face de Fostat, à peu de distance les unes des autres, et elles se regardent par leurs angles dans la direction du levant. De ces trois pyramides, deux sont d'une grandeur énorme. Les poètes qui les ont décrites se sont abandonnés à tout l'enthousiasme qu'elles leur inspiraient : ils les ont comparées à deux immenses mamelles qui s'élèvent sur le sein de l'Égypte. Elles sont très proches l'une de l'autre, et sont bâties en pierres blanches ; la troisième, qui est d'un quart moins grande que les deux premières, est construite en granit rouge tiqueté de points et d'une extrême dureté. Le fer ne peut y mordre qu'avec peine. (...)
La forme que l'on a adoptée dans la construction des pyramides et la solidité qu'on a su leur donner, sont bien dignes d'admiration : c'est à leur forme qu'elles doivent l'avantage d'avoir résisté aux efforts des siècles, ou plutôt il semble que ce soit le temps qui ait résisté aux efforts de ces édifices éternels. En effet, quand on se livre à de profondes réflexions sur la construction des pyramides, on est forcé de reconnaître que les plus grands génies y ont prodigué toutes leurs combinaisons ; que les esprits les plus subtils y ont épuisé tous leurs efforts ; que les âmes les mieux éclairées ont employé avec une sorte de profusion, en faveur de ces édifices, tous les talents qu'elles possédaient et qu'elles pouvaient appliquer à leur construction ; et que la plus savante théorie de la géométrie a fait usage de toutes ses ressources pour produire ces merveilles, comme le dernier terme auquel il était possible d'atteindre. (...)
Ce que ces édifices présentent de singulièrement remarquable, c'est la forme pyramidale que l'on a adoptée pour leur construction, forme qui commence par une base carrée et finit par un point. Or, une des propriétés de cette forme, c'est que le centre de la pesanteur est au milieu même de l'édifice en sorte qu'il s'appuie sur lui-même, qu'il supporte lui-même tout l'effort de sa masse, que toutes ses parties se portent respectivement les uns sur les autres, et qu'il ne gravite pas vers un point hors de lui.
(...) Ces pyramides sont construites de grandes pierres qui ont de dix à vingt coudées de longueur, sur une épaisseur de deux à trois coudées et autant de largeur. Ce qui est surtout digne de la plus grande admiration, c'est l'extrême justesse avec laquelle ces pierres ont été appareillées et disposées les unes sur les autres. Leurs assises sont si bien rapportées que l'on ne pourrait fourrer entre deux de ces pierres une aiguille ou un cheveu. Elles sont liées par un mortier qui forme une couche de l'épaisseur d'une feuille de papier ; je ne sais de quoi est fait ce mortier, qui m'est totalement inconnu. Ces pierres sont revêtues d'écriture dans cet ancien caractère dont on ignore aujourd'hui la valeur. Je n'ai rencontré dans toute l'Égypte personne qui pût dire connaître, même par ouï-dire, quelqu'un qui fût au fait de ce caractère. Ces inscriptions sont en si grand nombre que, si l'on voulait copier sur du papier celles seulement que l'on voit sur la surface de ces deux pyramides, on en emplirait plus de dix mille pages.
J'ai lu dans quelques livres des anciens Sabéens que, de ces deux pyramides, l'une est le tombeau d'Agathodémon, et l'autre celui d'Hermès. Ce sont, suivant eux, deux grands prophètes. (...) Ils disent que de toutes les contrées de la terre on venait en pèlerinage à ces deux pyramides."
(Paris, Imprimerie impériale, 1810 - Traduction de Silvestre de Sacy)

samedi 18 avril 2009

Kurt Mendelssohn :"C'était la pyramide et non le pharaon qui gouvernait l'Égypte"

Dans son ouvrage The riddle of the pyramids (L'énigme des pyramides, Tallandier, 1974, 224 pages), le physicien germano-britannique Kurt Mendelssohn a développé l'hypothèse que la fonction finale des pyramides était secondaire par rapport au fait de les construire.
Monuments funéraires, ces pyramides ont-elles réellement été utilisées pour la sépulture des pharaons ? "Il n'y aurait que fort peu de gens, écrit l'auteur, pour contester que les pyramides aient eu un rapport avec la survie du pharaon, mais le sentiment général que les pharaons y étaient inhumés n'est certes pas incontestable." (op. cit. p. 76)
Selon Kurt Mendelssohn, la seule explication rationnelle à l'effort colossal qu'exigeait l'édification de ces monuments "inutiles" était d'ordre politique, social et économique : une telle entreprise était l'expression collective et concrète de la construction d'un État centralisé.
Concernant les techniques proprement dites de construction, Kurt Mendelssohn fait rapidement l'impasse (son attention est ailleurs) :"Eu égard à la merveilleuse planification montrée par les Égyptiens, nous pouvons supposer qu'ils firent appel aux méthodes les plus économiques dont ils disposaient. Ils pourraient, par exemple, avoir utilisé de longues rampes d'approche pour les niveaux inférieurs d'une pyramide, pour passer ensuite à des pistes en spirale pour les niveaux supérieurs ; mais cela n'a pas vraiment d'importance." (p. 141)
Ce qui est réellement important, selon Kurt Mendelssohn, c'est l'évolution du concept de la pyramide, due non pas tant aux exigences (et à la durée de vie) du pharaon qu'aux contraintes et vicissitudes d'ordre architectonique. Le "désastre technologique" de la pyramide de Meïdoum (effondrement du revêtement avant même l'achèvement du monument, pour cause d'erreurs de conception) est ainsi à l'origine du profil rhomboïdal de la pyramide de Dashour. Les deux chantiers de construction se chevauchant, les bâtisseurs de Dashour n'ont pas voulu reproduire les conditions du sinistre de Meïdoum et ont, en conséquence, apporté des modifications dans l'architecture de leur pyramide. "Vu leurs dimensions énormes, précise l'auteur, la construction des pyramides à l'échelle pratiquée sous la Quatrième Dynastie devait devenir une activité autonome appelant ses propres règles économiques. (...) C'était la pyramide et non le pharaon qui gouvernait l'Égypte, et il fallait construire de nouvelles pyramides, sans tenir compe du fait qu'un pharaon fût prêt à y être inhumé ou non." (p. 132)
Les bâtisseurs des trois pyramides du plateau de Guizeh ont eux-mêmes bénéficié des expériences et des erreurs de leurs prédécesseurs. D'où le déroulement du chantier de construction décrit comme suit :"D'abord, le site était nivelé et aligné sur les points cardinaux (...). Et puis commençait l'érection d'une pyramide à degrés consistant en un coeur de maçonnerie soutenu par une série de murs de soutènement. Tandis que cette structure s'élevait progressivement, le nombre croissant des murs de soutènement décroissait en hauteur, produisant ainsi une succession de degrés. Les matériaux de construction du coeur étaient hissés sur les degrés par des rampes (...). Après l'achèvement de l'entière pyramide à degrés, [un] mât-jalon était érigé sur le sommet et l'on posait les blocs de comblement destinés à donner au monument son profil pyramidal et l'on en contrôlait l'angle sur le mât. Par la suite, ou peut-être simultanément, l'on posait le revêtement extérieur, en commençant pas le bas, et on le polissait finement. (...) Avec les moyens dont ils disposaient, les anciens Égyptiens n'auraient pu élever une véritable pyramide en partant de la base, étant donné qu'il est impossible de corriger une erreur d'alignement des côtés une fois que la construction est en cours. Une erreur aussi faible que 2° aurait abouti à un écart de 15 m au sommet de l'une des pyramides de Guizeh." (pp. 114-115)

jeudi 16 avril 2009

"Pyramides - Guide des meilleurs sites", d'Alberto Siliotti


Voici, à mon avis, un excellent ouvrage de présentation des pyramides d'Égypte, où quelque 40 pages sont consacrées au site de Guizeh.
Le point de vue de l'auteur est celui de la vulgarisation, en des termes aussi concis et clairs que possible. Il ne s'agit donc pas d'une publication destinée aux chercheurs ou autres spécialistes en égyptologie, mais bien d'un guide que l'on peut emporter dans ses bagages lors d'un circuit touristique sur les rives du Nil.
La question récurrente de la construction des pyramides, notamment celles du plateau de Guizeh, y est évidemment abordée. L'auteur "se contente" de décrire les étapes importantes de cette construction, en se référant à ce qu'il juge être les "deux principales théories élaborées pour expliciter les modes de construction", à savoir : "celles qui voient l'adoption d'une rampe rectiligne perpendiculaire sur l'un des côtés [de la pyramide] et celles qui conçoivent une rampe hélicoïdale". Puis il ajoute :"On a récemment proposé une autre [théorie] très plausible selon laquelle ont d'abord été utilisées de nombreuses rampes de petites dimensions, disposées autour de la pyramide, aboutissant à une unique rampe rectiligne appuyée contre un côté de la pyramide."
La théorie de Pierre Crozat fait enfin l'objet d'une mention particulière :"Cette hypothèse est dépourvue du point faible caractérisant les théories jusqu'alors proposées suggérant la construction de grandes rampes, rectilignes ou tournantes, à savoir la nécessité de les démolir en se débarrassant de milliers de mètres cubes de matériaux. Selon la théorie de Crozat (...), les pyramides sont construites selon un simple système de développement à partir d'un noyau central alors que les rampes, rectilignes, sont uniquement utilisées pour hisser les plus gros blocs dans les parties élevées et sont donc englobées dans le corps même de la pyramide."
éditions Gründ, 2005, 168 pages.

mercredi 15 avril 2009

Craig B. Smith :"Honneur soit rendu à Hemiounou, Grand Vizir de Khéops !"

How the Great Pyramid was built (Smithsonian Books, Washington, 2004) : dans cet ouvrage, l'ingénieur Craig B. Smith fait appel à toute son expérience de bâtisseur pour décrire, jusque dans le menu détail, les techniques et savoir-faire mis en œuvre dans la construction de la pyramide de Khéops. Rien ne lui échappe, de la hauteur, au millimètre près, de chacune des assises de la pyramide, au nombre d'ouvriers employés pour le transport de chaque bloc de calcaire ou de granit, au montant et à la nature de la rémunération perçue par ces ouvriers, au rendement horaire de chaque tâcheron, à l'énumération des corps de métiers engagés sur le site, au diamètre du port circulaire sur le Nil où étaient débarqués les monolithes provenant d'Assouan, à la durée de la construction de la Chambre de la Reine (4 mois et demi), etc. D'après ses calculs, les indications d'Hérodote doivent être revues à la baisse, autant pour le nombre d'ouvriers employés sur le chantier de construction (ils n'auraient jamais été plus de 43.000) que pour la durée de ce chantier (estimée globalement à 142 mois : 12 mois pour l'élaboration du projet, 30 mois pour l'aménagement du site et la pré-construction, 80 mois pour la construction proprement dite, 20 mois pour le démontage des rampes et le nettoyage du site). Dans le même temps, l'auteur précise bien que les sources d'information sur le déroulement du chantier entretiennent le flou et l'interrogation...
Concernant les techniques appliquées pour le levage des blocs de pierre, Craig B. Smith n'accorde pas de crédit à la description d'Hérodote. Selon lui, des leviers en bois ont dû, certes, être utilisés, mais surtout, le recours à des "rampes inclinées" ou des séries de rampes est d'une "considerable evidence". (op.cit. p. 91) Conformément à cette évidence, il précise qu'une rampe principale, d'une longueur de 278 mètres et d'une largeur de 158 mètres à la base, a été utilisée jusqu'à la hauteur de 46,4 mètres (niveau de la base de la Chambre du Roi). Par la suite, les bâtisseurs ont eu recours à des rampes auxiliaires et finalement, pour les 12 derniers mètres, à un escalier aménagé dans la structure de la pyramide, cet aménagement disparaissant, après la pose du pyramidion, sous le revêtement final. Quant au procédé de levage des pierres pour cette dernière étape, il n'était plus question évidemment de traîneaux. L'auteur se contente d'écrire, sans plus de détails :"At the very top, a 'staircase' is left in the center of the construction so the blocks can be pushed from below and pulled up by rops over poles or bearing stones, and then put in place." (p. 170) Des hommes pour pousser, d'autres pour tirer : même si les blocs de calcaire, à ce niveau terminal de la construction, étaient d'un poids relativement moins important, on aimerait quand même en savoir davantage...
Il n'est pas possible de synthétiser ici les innombrables détails du déroulement du chantier que l'auteur décrit avec une étonnante précision. En réalité, plus même que l'extraordinaire performance technique que représente ce chantier, c'est la non moins stupéfiante compétence en termes de planification, d'organisation du travail, de répartition des rôles et de communication, attestée par la qualité et la précision de la tâche accomplie, qui retient l'attention de Craig B. Smith. En un mot, attentif à l'omniprésente compétence d'Hemiounou, l'architecte en chef de Khéops, l'auteur-ingénieur exprime son admiration sans bornes pour les qualités de "management" du Grand Vizir :"Maintaining the schedule was important, because the project faced an irrevocable but incertain end date : the pyramid had to be completed before the death of the pharaoh. Certainly no program manager has faced an assignment as challenging as this !" (p. 261)

lundi 13 avril 2009

Effectifs pour la construction de Khéops : la version d'Hérodote revue et (un peu) corrigée


Dans une étude consacrée à la construction de la Grande Pyramide, les Italiens L. et B. Pedrini e M. Actis Dato ont cherché à vérifier ce qu'écrivait Hérodote sur le nombre de personnes employées sur le chantier de Khéops, à savoir 100.000 personnes, avec alternance tous les trois mois, pendant vingt années.
Ils adoptent tout d'abord l'hypothèse que les blocs de calcaire furent élevés au moyen de rampes de briques crues en spirale, parallèles aux faces de la pyramide, avec une pente de 20 %. Le nombre de ces rampes, qui étaient chacune d'une largeur de 4 m et d'une dénivelée de 5 m de l'une par rapport à l'autre, diminuait en fonction du niveau atteint et de l'espace disponible. Les 32 rampes de départ au pied de la pyramide étaient donc progressivement réduites à 16, puis à 8, et enfin à 4 selon les phases successives de la construction.
Les blocs de calcaire provenaient d'une carrière distante de 700-800 m. Compte tenu d'un coefficient de frottement entre les traîneaux et le sol égal à 0,5, 60 personnes étaient nécessaires pour tirer un bloc de 2,5 tonnes sur terrain plat, alors qu'il en fallait 100 pour le même bloc sur les rampes.
La distance entre deux blocs successifs sur les rampes était de 50 m.
Quand la rampe était interrompue par manque de place, elle était aussitôt détruite et la face de la pyramide ainsi libérée était recouverte de son revêtement.
Pour la taille et l'approvisionnement des blocs, le rendement était de 0,025 m² à l'heure.
De telles hypothèses, selon leurs auteurs, permettent de calculer la durée relative des phases de la construction de la pyramide et le nombre d'ouvriers présents pour chacune de ces phases, nombre oscillant entre 33.000 et 52.000.
Selon une seconde hypothèse considérant que le transport des blocs était réalisé à une vitesse de 500 m par jour et que le chantier a duré 23 années, chaque ouvrier travaillant 290 jours par an (absentéisme de 10 %), les auteurs obtiennent des résultats qui confirment le nombre maximum d'ouvriers "directs", à savoir 51.000.
Quant au nombre des ouvriers "indirects" (employés à la fabrication des rampes et des outils, ainsi qu'à la programmation et au contrôle du travail), il fut, d'après les auteurs, de l'ordre de 10.000, chiffre auquel il faut encore ajouter 10.000 autres personnes employées au ravitaillement et aux services d'hygiène.
En tenant compte, enfin, des ouvriers chargés de la construction proprement dite de la pyramide (maçons) et de la destruction des rampes, des artisans, des commerçants et des bureaucrates, la conclusion est que plus de 90.000 personnes, pendant 23 années, ont travaillé à la construction de la pyramide de Khéops. Soit une confirmation de la relation d'Hérodote ! CQFD !

jeudi 9 avril 2009

La théorie "simple et vraisemblable" d'Elio Diomedi


J'ai présenté sommairement, dans une note précédente, la théorie de l'Italien Elio Diomedi, lui aussi ancien professionnel du bâtiment.
Cette technique de la "ferrovia" a été, selon son auteur, appliquée pour le transport des blocs de calcaire et de granit depuis leurs carrières respectives jusqu'au point d'embarquement sur le Nil, puis jusqu'au chantier, et enfin jusqu'au sommet de l'édifice en cours de construction.
La vidéo, de piètre qualité, qui accompagnait ma note sera très utilement complétée par la série des trois vidéos que j'ai insérées au terme de la présente note. La théorie d'Elio Diomedi y est amplement décrite et illustrée à l'aide de schémas et d'illustrations de tests grandeur nature effectués en Italie, puis au pied des pyramides de Guizeh, prouvant que deux hommes suffisent pour tirer un bloc de deux tonnes sur la "ferrovia" préalablement lubrifiée avec de la graisse animale.
On y apprendra également un complément à cette technique de transport, relatif à l'édification de la pyramide. Elio Diomedi ne retient l'idée ni de la rampe verticale, ni des "machines" plus ou moins directement inspirées d'Hérodote. Selon lui, une rampe parallèle au flanc de la pyramide a été utilisée pour le transport des blocs jusqu'à une hauteur de 15 mètres. Ensuite, la rampe s'enfonçait à l'intérieur de la pyramide en forme de spirale ascendante, comme un gigantesque escalier en colimaçon le long du périmètre intérieur de l'édifice. Ces galeries internes furent progressivement rebouchées au terme du chantier.
Quant au pyramidion, il fut tout d'abord installé sur un socle en bois, à une hauteur légèrement supérieure à sa position définitive. Le socle reposait sur une réserve de sable encastrée dans une sorte d'échafaudage en bois. En se vidant peu à peu, la réserve de sable baissait de niveau jusqu'au moment où le socle chargé du pyramidion eut atteint la position définitive.
Est-il nécessaire de le rappeler ? Zahi Hawass, directeur du Conseil supérieur des antiquités égyptiennes, a trouvé cette théorie d'Elio Diomedi "très intéressante", à tel point que, par-delà le temps (qui, en le sait, ne compte pas pour les pyramides...), il l'aurait bien vu assumer la charge d'architecte en chef de la construction de la Grande Pyramide !



mercredi 8 avril 2009

Hérodote malmené

Ce blog m'amène à faire de nombreuses rencontres fort enrichissantes, parfois amicales.
Par contre, au gré de mes lectures, je me trouve de temps à autre confronté à des propos qui me laissent perplexe.
Dernière surprise en date : un texte de Fernand Niel, dans son ouvrage Monuments mystérieux du monde (Fayard, 1979). Cet auteur a consacré un chapitre à la Grande Pyramide, avec notamment ce commentaire du célèbre texte d'Hérodote :
"Si les machines d'Hérodote ont fait travailler de la matière grise, elles n'ont certes pas fait travailler la nôtre. Son texte est si peu clair qu'il peut donner prise à plusieurs interprétations. Autant vaudrait chercher un sens positif à certains oracles de la sybille de Delphes. Nous rangerons donc les machines d'Hérodote au magasin des curiosités, au même titre que ses autres ragots, les outils en fer, Chéops obligeant sa fille à se prostituer, pour subvenir aux dépenses entraînées par la gigantesque construction (à combien devait se monter la passe ?), etc. Dans tout cela, le plus curieux est que le texte [d'Hérodote] ait été pris au sérieux par certains, lesquels sans aucun doute n'avaient pas mieux à faire." (op. cit. p. 172)

mardi 7 avril 2009

Le "principe de la pyramide égyptienne"selon Eric Guerrier : l'accrétion, par tranches successives inclinées

D'abord un constat : il n'est pas rare que les ouvrages et autres publications traitant de la construction des pyramides d'Égypte, pour y défendre telle ou telle thèse ou théorie, soient marqués par un certain ton polémique qui, à force d'être entretenu de façon quasi systématique, devient quelque peu lassant. Est-il indispensable, pour édifier une théorie, d'établir ses fondations sur les débris des propositions d'autres chercheurs, quand bien même ils ne seraient pas de la même école ?
Je reconnais qu'une telle atmosphère m'a rendu par moments difficile la lecture de l'ouvrage Le principe de la pyramide égyptienne, d'Eric Guerrier (Robert Laffont, 1981). Face aux "égyptologues" et "égyptomanes", l'auteur faut valoir sa qualité, donc ses connaissances et son expérience d'architecte-constructeur. Soit ! Mais, n'en déplaise à Claude Lévi-Strauss que l'auteur appelle à sa rescousse, pourquoi vouloir d'emblée mettre face à face les "bricoleurs" et les "ingénieurs" pour les opposer catégoriquement, déniant a priori toute éventuelle complémentarité ?
Autre détail de procédure dans lequel je me sens - modestement - concerné. "Une thèse universitaire, écrit Eric Guerrier, voudrait qu'on récensât toutes les théories émises et qu'on les confrontât ensuite en une analyse critique comparée. C'est un travail colossal qu'il serait harassant et inutile de reproduire ici. Il constitue, non seulement un type de savoir qui peut faire reculer indéfiniment le moment essentiel de la synthèse, mais encore lui être fatal par sa lourdeur." (op. cit. p. 186) Je n'ai évidemment aucune prétention à donner au contenu de ce blog une dimension "universitaire". Je reste néanmoins convaincu que la juxtaposition pacifique des différentes théories puisse avoir quelque utilité, ne serait-ce que pour témoigner de l'intérêt et des interrogations qu'a suscités et continue de provoquer la construction des "merveilleuses" pyramides de Guizeh.
Cette passe d'armes mise à part, l'ouvrage d'Eric Guerrier se distingue par quelques énoncés marquants. L'auteur met tout d'abord en exergue le fait que le chantier des pyramides fut mené à bien non seulement grâce à la maîtrise et à la mise en oeuvre de moyens humains et techniques qui ne laissent pas de surprendre "en une civilisation moins analytique et spécialisée que la nôtre", mais d'abord parce que "les Égyptiens d'alors maîtrisèrent assez bien tous les aspects de l'organisation et de la transmission des informations, puis de la planification". (p. 166) Puis d'ajouter :"... sans être négligeables, [les moyens humains et techniques] sont néanmoins dérisoires face aux monstres qu'ils ont produits. Mais au lieu de baisser les bras et de museler d'un même mouvement toute intelligence technique, puis de se jeter avec délectation dans les mirages de l'ésotérisme, il faut remarquer ce qui émerge de façon éclatante : l'ORGANISATION. Et sans doute est-elle difficile à mesurer et à appréhender archéologiquement... d'autant plus difficile à retracer qu'elle emprunte des chemins infiniment variés suivant tous les détours que la pensée et la main des hommes peuvent explorer et inventer. Mais le fait demeure : l'érection des pyramides n'est pas une victoire des biceps, mais de l'intelligence." (p. 167)

Autre postulat de l'auteur : les pyramides n'ont pas été commencées sur la totalité de leur surface de base pour être ensuite montées par assises horizontales successives. La logique constructive, le "principe" de ces pyramides veut qu'elles aient été construites par accrétion de strates verticales (et non horizontales !)

Sans se mêler au débat "rampistes-machinistes", Eric Guerrier opte pour la solution de la grue comme instrument de levage des blocs de pierre, cette grue à contrepoids fonctionnant avec des rappels sur le sol, des rondins (les "courtes pièces de bois") étant mis en place aux arêtes de l'édifice en construction pour faciliter le mouvement des cordages reliés d'un côté à la masse à élever, de l'autre, au contrepoids.
Puis il en vient à donner sa propre interprétation des  krossai (habituellement traduits par "corbeaux") et bomides ("plates-formes") du texte d'Hérodote : "Voici comment en construisit cette pyramide [Khéops] : par le système des gradins successifs, que l'on appelle tantôt corbeaux, tantôt plates-formes (selon qu'on considère le méplat du gradin ou alors le saillant qu'il forme). On acheva d'abord le sommet de la pyramide (le noyau central), puis les étages en dessous, l'un après l'autre, et l'on finit par les gradins inférieurs et la base de l'édifice. On la construisit d'abord sous cette forme, puis on hissa les pierres de complément à l'aide de machines faites de courtes pièces de bois et on recouvrait ainsi les gradins les uns après les autres, déplaçant les machines au fur et à mesure à moins qu'il n'y en ait eu de mises en place sur tous les gradins à la fois." (pp. 244-245)
En conclusion de ses développements sur la pyramide de Khéops (ce pharaon se voit au passage qualifier d'"espèce de nabot au faciès légèrement mongolien" !), Eric Guerrier voit dans la succession des trois chambres de cette pyramide la preuve que celle-ci fut construite sans véritable planification d'ensemble. Résultat de "bricolages", géniaux certes, elle "est on ne peut plus médiocre... si on fait abstraction de ce qui nous épate : les millions de m³, les mégalithes, la finesse des tailles et finitions apparentes, la complexité apparemment mystérieuse des dispositions intérieures... Tout cela n'est qu'anecdotes au regard du véritable génie créateur d'Imhotep, par exemple. Car la virtuosité ne suffit pas au génie, même portée à un tel point de gigantisme qu'elle a fini par atteindre un sommet jamais égalé." (p. 315) Puis l'auteur, quelques lignes plus loin, modère quand même son propos :"Il n'en demeure pas moins que l'œuvre, ne serait-ce que par son gigantisme, témoigne d'un aboutissement extraordinaire sur le plan technique, sur le plan de l'organisation du chantier et sur celui de la qualification des mains-d'œuvre." (p. 316).
Il n'empêche que "en un sens moderne, la seule pyramide totalement parfaite est (...) celle de Khéphren."

Sur le même auteur, voir la note suivante : cliquer ICI 

Consulter également cet article :"A quoi peut bien servir le dispositif coiffant la chambre de Kheops ?"

samedi 4 avril 2009

Selon André Pochan, la Grande Pyramide daterait de 4.800 avant J.-C.

Dans son ouvrage L'énigme de la Grande Pyramide (Robert Laffont, 1971), André Pochan, qui fut professeur dans un lycée du Caire de 1930 à 1937, énonce quelques théories qui, me semble-t-il, ont fait long feu.
Temple solaire du dieu Knoum, la pyramide, selon lui, daterait de 4.800 ans av. J.-C. Elle aurait également deux autres fonctions, outre celle d'abriter dans ses profondeurs la sépulture du pharaon : représentation de la rotondité de la terre et lieu de rites initiatiques isiaques.
Au nombre des assertions avancées par l'auteur, relevons celles-ci :
  • « La Grande Pyramide n'était pas surmontée, comme la plupart, d'un pyramidion de basalte noir, mais présentait une plate-forme au centre de laquelle se dressait un gnomon, à notre avis sphérique, dont l'ombre portée sur le dallage de l'esplanade Nord indiquait le midi solaire vrai aux différents jours de l'année ; ses élongations maximale et minimale précisaient respectivement les solstices d'hiver et d'été. De plus, important détail ayant échappé à la sagacité des égyptologues qui se sont occupés de la grande Pyramide, les faces ne sont nullement planes mais creusées de telle manière qu'aux deux équinoxes, au lever et au coucher du soleil, les faces Nord et Sud n'étaient éclairées que sur leurs moitiés pendant une demi-minute. » (op.cit. p. 334)
  • Les canaux dits d'"aération" étaient en fait des canaux "psychiques", destinés à la migration de l'âme du roi.
  • Le revêtement de la pyramide était peint en rouge et, conformément au récit de l'auteur arabe Abd el-Latif, couvert d'écritures.
  • Concernant la sépulture du pharaon Khéops : « En ce qui nous concerne, nous sommes enclin à penser que les dires d'Hérodote sont véridiques, [Khéops] reposant toujours, depuis l'an 4.776 av. J.-C., dans sa crypte creusée dans le roc au niveau des basses eaux du Nil, soit à 58 mètres au-dessous de la base de sa pyramide et à 27 mètres sous la chambre souterraine actuellement connue. » (p. 334)
  • La Grande Galerie n'est que la galerie des ancêtres du roi Khéops : « Le nombre de mortaises (28) aurait (…) dû attirer l'attention des égyptologues : [Khéops] n'est-il pas le 28e roi d'Égypte après Ménès ? Les 28 mortaises ne sont en réalité que les 28 embases des 28 statues royales affrontées (…). » (p. 57)
Six pages de l'ouvrage d'André Pochan sont consacrées à la construction de la pyramide. Toutefois, il n'y est question que de chronologie, nullement de techniques de construction.

vendredi 3 avril 2009

"Merveilles et mystères des pyramides"

Ce DVD (52 mn), de la série "L'Égypte des pharaons", édité par PolyGram, est un bon documentaire, à teneur plutôt "généraliste", sur les rites de momification et le rôle des pyramides dans la culture égyptienne.
Concernant la structure proprement dite de ces pyramides, notamment de Khéops, il se contente effectivement de "généralités", dont certaines ne recueillent plus aujourd'hui l'unanimité des spécialistes en archéologie et égyptologie.
Quant aux techniques de construction appliquées pour les trois pyramides du plateau de Guizeh, le documentaire signale fort justement qu'elles ont bénéficié d'expériences antérieures (pyramide à degrés...). Par contre, il mentionne uniquement, pour les procédés de levage des blocs de pierre, l'utilisation de rampes, sans la moindre allusion aux théories "machinistes".
Une fois encore, dans le cadre du contenu de ce blog, l'acquisition de ce DVD n'est pas indispensable.