jeudi 9 août 2018

"Ce qui frappe dans l'art de construire à l'Ancien Empire, c'est avant tout la recherche constante de l'éternel" (François Daumas)

Extraits de La civilisation de l'Égypte pharaonique, Arthaud, 1971, par François Daumas (1915-1984), directeur de l'Institut français d'archéologie orientale du Caire de 1959 à 1969
illustration extraite de l'ouvrage de François Daumas
"Khéops fit ménager, dans sa pyramide prodigieuse de Gizâ, trois chambres : une souterraine et deux autres dans la masse de la construction. On accédait aux deux chambres supérieures par une galerie fort haute qui est un chef-d'oeuvre. Sur les parois, chaque lit, composé de blocs énormes, est légèrement en saillie sur le précédent, de sorte qu'au sommet la portée est extrêmement faible et que l'étroit plafond ne risque pas d'être brisé par le poids des pierres qui les surmontent. Le sarcophage ébréché du roi est encore dans la chambre sépulcrale. C'est la plus grande des pyramides et la plus parfaite. Son orientation stupéfie par sa précision. Aucun de nos appareils actuels ne permettrait un meilleur résultat. Elle mesurait à la base 440 coudées égyptiennes qui représentent environ 230 mètres. Sa hauteur ancienne était de 280 coudées, c'est-à-dire 146,60 m. Elle était entièrement revêtue de calcaire poli de Toura. 
Cette masse parfaitement équilibrée et harmonieuse a étonné plus tard tous les visiteurs et a induit les imaginations à prendre le large. Hérodote, d'habitude si exact, colporte ici tous les ragots incontrôlés qui lui ont été débités sur l'impiété du roi et la fermeture des temples. Les historiens arabes divaguent à son sujet. Ils ont pourtant été largement surpassés par quelques modernes, qui ont réussi à y lire une anticipation de l'histoire générale ou à y voir un compendium de la science universelle. Ils s'arrêtent malheureusement toujours au moment où les choses deviendraient intéressantes : ils n'ont par exemple jamais réussi à y déchiffrer le futur ou des lois scientifiques qui attendent encore d'être découvertes. (...)

Ce qui frappe dans (l')art de construire à l'Ancien Empire, c'est avant tout la recherche constante de l'éternel. Pierre d'abord, puis éléments de construction ; blocs énormes, piliers, pâtés de maçonnerie, tout est calculé pour durer. Si, peu à peu, un souffle plus humain se fait sentir dans les temples de la Ve dynastie, ce n'est jamais au détriment de la solidité. C'est plutôt la traduction de la sécurité qui règne dans une organisation sociale supposée inébranlable, comme l'ordre même du monde. Alors la lourde sévérité des constructions de jadis se détend un peu et les monuments s'aèrent. Jamais, par la suite, l'Égypte ne renoncera à la conquête de la durée infinie, mais jamais non plus elle ne mettra en oeuvre pour l'atteindre des moyens aussi grandioses qu'à l'Ancien Empire."