dimanche 19 août 2018

Construction des pyramides : "L'organisation des travaux était géniale dans sa simplicité même" (guide Marcus)

Extraits du Guide poche Univers Marcus "Égypte", 1976, ouvrage collectif (Hans Strelocke, Alain-Pierre Zivie...)


"La signification et le sens de la construction des pyramides relèvent du sacré et du religieux, et uniquement d'eux. Le roi mort doit continuer à vivre dans l'au-delà car il procède du divin (en partie) et doit ainsi assurer le salut et la survie de son peuple. Le mort n'est pas la seule figure importante dans sa réalité prosaïque (la pyramide, simple tumulus géant pour commémorer le souvenir d'un défunt), l'image mythique de l'Égypte tout entière compte presque autant car les deux sont intimement solidaires. C'est ainsi que les pyramides de l'Ancien Empire (les plus importantes) n'ont pas été construites, comme le veut une très vieille légende, par des hordes d'esclaves humiliés mais, un peu comme les cathédrales d'Occident avec cependant des différences, par des masses de fellahs égyptiens animés au moins de la vague conscience de participer à quelque chose de sacré (mais certes, le travail était dur et l'organisation sans doute écrasante pour les individus). C'est pourquoi cette "corvée" ne pouvait être pratiquée que durant l'époque de l'inondation quand le travail des champs était arrêté (et quand l'eau venait jusqu'au désert et permettait d'apporter les blocs de pierre presque à pied d'oeuvre).

Quand on sait que près de 100 000 hommes ont oeuvré durant vingt ans à la construction de la pyramide de Chéops, on doit aussi admirer l'exceptionnel système d'approvisionnement qui fut mis en place pour une telle armée de travailleurs et qui permit d'apporter l'eau, les moyens de subsistance, les matériaux, les outils nécessaires pour que fût terminé à temps le programme prévu. Pour Chéops, près de 2,5 millions de blocs de calcaire de 2,5 tonnes (chaque bloc a plus d'un mètre cube) ont dû être entassés ; plusieurs monolithes à l'intérieur pèsent plus de 200 tonnes (*). Les assises inférieures ont une hauteur qui peut aller jusqu'à 1,50 m, les assises supérieures sont de 50 à 60 cm seulement.

Des marteaux de diorite, du quartzite pour le polissage, des forets de silex, des haches et des scies de cuivre, et des rampes de briques crues et d'argile sur lesquelles on faisait glisser des traîneaux de bois tirés par des bêtes ou des hommes, tels furent les principaux moyens employés pour la construction, car la roue, le levier, le palan ou les outils de fer étaient alors inconnus. Et pourtant, la construction est faite si précisément dans certains cas (à Giza) que les assises de pierre ne connaissent pas, sur une longueur de 200 m, une différence de niveau supérieure à 2 cm.

L'organisation des travaux était géniale dans sa simplicité même. D'abord on nivelait le plateau rocheux, puis on plaçait la première couche, la couche inférieure qui formait un blocage de pierre de forme carrée. Alors, on installait une rampe de briques ou de boue sur laquelle on pouvait amener le matériel nécessaire à la deuxième couche ainsi que les blocs eux-mêmes (sur des traîneaux de bois). On exhaussait et on allongeait cette rampe pour la troisième assise et ainsi de suite, de sorte que les rampes devenaient de plus en plus longues au fur et à mesure qu'on s'élevait. On ménageait évidemment les interstices nécessaires aux couloirs et aux chambres selon les plans des architectes. Enfin, quand on était parvenu à la pointe, les assises se présentaient comme un immense escalier (un peu comme dans leur état actuel). Alors, en allant de haut en bas, on revêtait les "marches" de blocs déjà convenablement façonnés que l'on polissait ensuite soigneusement, et cela d'assise en assise tandis que les rampes étaient parallèlement démontées.
On imagine quelle masse énorme de matériaux devait être employée rien que pour la construction de ces rampes dont il ne reste aujourd'hui aucune trace. Le matériau de construction employé pour le corps même de la pyramide était avant tout le calcaire nummulitique trouvé sur place, tandis que pour les blocs de revêtement, on a utilisé le calcaire fin et blanc des carrières de Tourah, en face de Memphis (en utilisant au maximum le Nil grâce à la crue). La plus grande partie des blocs de revêtement a été enlevée au Moyen Âge et remployée comme matériel de construction à bon marché dans la Citadelle et les monuments du Caire. Mais il en reste encore un peu sur les trois pyramides."


(*) il est admis plus communément que le poids des monolithes est de l'ordre de 60 tonnes maximum (ndlr)