jeudi 23 août 2018

"Quelle est l'utilité de ces monuments ? À peine donnent-ils un peu d'ombre aux Arabes du désert." (J.-J. Ader)

Jean-Joseph Ader (1796-1859) fut écrivain, historien et dramaturge français.
Il a fait partie en juillet 1830 des trois cents journalistes et écrivains qui rédigèrent les appels à l’insurrection pour parvenir à l’abdication de la monarchie de Charles X.
Ses pièces furent jouées à L'Odéon, au Théâtre de la Porte-Saint-Martin et sur les plus grandes scènes parisiennes.
Le texte qui suit est extrait de son Histoire de l'expédition d'Égypte et de Syrie, 1826
Le général Bonaparte devant les pyramides
par François Aimé Louis Dumoulin
 (1753-1834) 
"À deux lieues de Giseh, vers le sud-est, après avoir marché trois quarts d'heure dans le désert, on trouve les grandes Pyramides.
Elles sont au nombre de quatre, placées sur une ligne diagonale, distantes les unes des autres d'environ cinq cents pas, les faces tournées vers les quatre points cardinaux. 
Ces masses diffèrent de grandeur. Les deux Pyramides septentrionales sont les plus élevées et peuvent avoir cent cinquante mètres de hauteur perpendiculaire. 
Le seul de ces monuments dans lequel on ait pu s'introduire jusqu'à présent est connu sous le nom de Pyramide de Chéops parce que, s'il faut en croire Hérodote, il fut construit pour la sépulture de ce roi. 
L'ouverture par laquelle on pénètre dans l'intérieur se trouve à une élévation de soixante pieds et regarde le septentrion. Après avoir suivi plusieurs galeries presque impraticables, et avoir erré, un flambeau à la main, de corridor en corridor, sous des voutes étroites et obscures, on arrive à une chambre de grandeur médiocre, qu'on appelle 'chambre de la reine' ; de nouveaux détours encore plus compliqués conduisent à une chambre supérieure nommée chambre du roi. Ces deux appartements sont d'une extrême simplicité : point d'ornements, point de décorations, c'est du granit tout pur.
Les matériaux qui ont servi à ces constructions gigantesques furent tirés, dans des siècles inconnus, du Mokatan, montagnes situées sur la rive droite du Nil, et dont une des ramifications domine le Caire. On voit encore dans leurs flancs les grottes et les excavations causées par l'extraction des pierres. Les sommes et les travaux qu'ont dû coûter les Pyramides sont incalculables. Et quelle est l'utilité de ces monuments ? À peine donnent-ils un peu d'ombre aux Arabes du désert.
Ces montagnes de main d'hommes furent donc élevées pour couvrir un cadavre. Le roi dont chacune d'elles renferme les cendres ignorées, rêva aussi l'immortalité. Ô Bonaparte ! et les Pyramides ne t'ont point dégoûté de la gloire !"