jeudi 30 août 2018

Un catalogue des pyramides d'Égypte, par Michel-François d'André-Bardon (XVIIIe s.)

Extraits de Costume des anciens peuples1772-1774, par Michel-François d'André-Bardon (1700-1783) artiste-peintre, graveur et historien d'art français. 
Considéré comme l'un des plus grands théoriciens du XVIIIe siècle, cet artiste historien n'a, semble-t-il, jamais visité l'Égypte. D'où ses approximations dans la description qu'il propose des pyramides.



Planche II
"Les pyramides d'Égypte étaient réservées pour les Rois, les Héros et les personnages les plus distingués. Les gens riches, les courtisans en faveur obtenaient qu'on leur érigeât de magnifiques tombeaux. Dans celui qu'on voit ici (a), et qu'on assure avoir été construit sous le règne des Ptolémées, l'urne (b) était, dit-on, de verre antique ; le piédestal (c) de porphyre, les marches (d) de marbre veiné, le bas-relief (e) de bronze bruni, et l'obélisque (f) de marbre blanc : sa forme se ressent du mélange que les Architectes faisaient alors du style grec avec le style égyptien ; c'est-à-dire, des contours très simples avec d'autres plus tourmentés, qui, par leurs cadancements, rendaient à bien des égards l'objet plus souple, et qui ne démentaient point le caractère général : en un mot, c'était l'association ingénieuse de deux goûts différents dans la construction d'un même corps ; association qui ne nuisait aucunement à la solidité, et qui présentait des nouveautés, intéressantes, comme on en juge par les pyramides les obélisques (g, h), qui sont autour du tombeau.


Planche III

On voit dans ces trois fameuses pyramides la seule des sept merveilles du monde, que le temps nous ait conservée. Des voyageurs qui ont mesuré les deux premières (a, b) attestent que l'une (a) avait à sa base huit cents pieds de chaque côté et autant de hauteur. On n'aura pas de peine à le croire, quand on saura que d'en bas elle paraît se terminer en pointe, quoiqu'elle ait sur le haut une plate-forme de seize pieds en carré ; l'autre (b) avait six cent trente-un pieds de tous côtés et de hauteur. Quoiqu'on n'ait pas les dimensions particulières de la troisième (c), les historiens assurent qu'elle n'avait que vingt pieds de face de tous côtés, et qu'elle fut bâtie pour la fameuse courtisane Rhodopé. 
Des deux premières, la plus grande fut érigée pour servir de tombeau au Roi Thémis ; la seconde pour la sépulture de Cheopez son frère : tel est le témoignage de Polydore-Virgile. Ce qu'on sait de plus assuré, c'est que ces pyramides furent
érigées dans des temps différents, près de Memphis, à quelques lieues du Caire, où on les voit encore aujourd'hui. Cent ouvriers travaillèrent vingt ans à la première ; et les historiens rapportent que la dépense seule de la nourriture en légumes des travailleurs montait à quatre millions cinq cent mille livres. 
Des sphinx qui sont auprès, l'un (e) a des ailes, l'autre (f) n'en a point. Les Égyptiens ont adopté plus volontiers le symbole du premier, les Grecs ont adopté plus souvent la simplicité du second. Les variétés que l'on rencontre dans le choix de ces peuples, à cet égard, rendent les ailes de sphinx presque arbitraires, relativement aux artistes. 


Planche IV
Ce monument sépulcral a, est sans contredit, des plus somptueux qui ait jamais été construit. On ignore le souverain pour qui il fut destiné. Les dimensions ne nous en sont pas connues ; mais le contraste des figures (b, c, d) qu'on y voit, fait sentir son immensité.
Nous nous bornerons à rappeler, à l'occasion de ces tombeaux, la judicieuse réflexion d'un historien de notre siècle. Peut-on les considérer, dit Rollin, sans être surpris, que les Rois d'Égypte employassent les travaux de milliers d'hommes, pendant un grand nombre d'années, et fissent de prodigieuses dépenses, qui se terminaient à procurer à leur cadavre, dans cette vaste étendue et cette masse énorme de bâtiments, un caveau de six pieds.


Planche V
Moeris, Roi d'Égypte, fit ériger ces pyramides (a, b) pour lui et pour la Reine son épouse, au milieu du grand lac (c) qui avait été creusé par ses ordres et qui porte son nom : on le regardait comme un des admirables ouvrages des souverains égyptiens. Il avait cent quatre-vingts lieues de tour et trois cents pieds de profondeur. On retrouve dans toutes les parties des monuments construits sur ce lac la grandeur, la noblesse et l'élégante simplicité qui caractérisent le bel
Égyptien, enrichi des sublimes principes de la Grèce. Les pyramides élevées aux deux côtés du mausolée (d), qu'on érigea en forme de temple pour déposer le corps du roi, tandis qu'on les construirait, étaient terminées par des espèces de chapelles (e, f) ou étaient deux figures colossales que la hauteur empêchait d'apercevoir ; elles s'élevaient de cinquante toises au-dessus de l'eau et se cachaient d'autant
dans le lac. On arrivait à l'entrée des caveaux par trois perrons ; et aux chapelles, par des marches extérieures (g,h), qui étaient aux faces des monuments. Les édifices (i, k) bâtis sur les bords du lac, le lac lui même et les vaisseaux (l) qui y sont, donnent une assez juste idée de l'immensité des pyramides, qui se trouve encore confirmée par la petitesse des figures qui montent aux caveaux."