vendredi 31 août 2018

"Lieu d'échanges entre le monde d'ici-bas et l'univers des puissances célestes" (Henri Stierlin, à propos de la signification de la forme pyramidale)

Historien d’art et d’architecture, journaliste professionnel, photographe, Henri Stierlin est né en 1928 à Alexandrie. 
Son ouvrage Les Pharaons bâtisseurs, éditions Terrail/Édigroup, 2007, est consacré à l'"immense chantier" conduit par les pharaons durant 3.000 ans, une architecture qui "a produit certains des plus grands chefs-d'oeuvre de l'humanité". Ce vaste périple nous conduit de Saqqarah à Philae, en passant par Karnak, Abou Simbel, etc., et bien sûr Guizeh, une douzaine de pages du livre étant consacrées à "l'âge des grandes pyramides".


L'auteur rappelle en préambule que pour parvenir à son zénith dans sa forme et les techniques mises en oeuvre, l'architecture des grandes pyramides a tiré profit des expériences précédentes de ce mode de construction.
Il développe ensuite brièvement la signification de la forme pyramidale dans l'ancienne Égypte, "d'abord escalier géant gravissant le ciel à la rencontre de Râ, le Soleil, puis symbolisant avec la pyramide véritable les rayons de ce même Soleil-dieu". "Lieu d'échanges entre le monde d'ici-bas et l'univers des puissances célestes, des astres immortels vers lesquels monte le pharaon ressuscitant pour s'asseoir à la droite de Râ, son père, comme l'écrivent les Textes des Pyramides, ce triangle pointé vers le ciel est en quelque sorte une 'échelle de Jacob' que gravissent et descendent les messagers des dieux." (p. 44)
Puis se présente l'inévitable question des méthodes d'édification.
Pour le transport des blocs de pierre, voici ce que retient Henri Stierlin : "C'est sur des traîneaux tirés par des équipes d'hommes attelés à des cordages que l'on déplaçait les blocs : grâce à une couche de limon du fleuve soigneusement arrosée - comme le montrent des reliefs anciens -, les patins de ces "charrois" glissaient sur le sol. Par des rampes, on faisait ainsi monter les matériaux vers le plateau désertique de Guizeh. Encore fallait-il, au fur et à mesure que la pyramide s'élevait par assises successives, hisser les pierres jusqu'au niveau atteint par le chantier.
Un complément d'explication étant évidemment nécessaire, l'auteur reconnaît d'emblée que "diverses hypothèses s'affrontent ou se complètent", les deux retenues étant celle de Lauer ("construction simultanée d'une large rampe de brique séchée, s'appuyant sur l'une de faces de la pyramide") et celle des "rampes hélicoïdales de brique enveloppant la pyramide et s'élevant en pente douce". Cette seconde "formule", selon Henri Stierlin, "a le mérite d'expliquer comment s'effectuait le travail de ravalement du parement recouvrant le massif construit" ; par ailleurs, elle "est la plus vraisemblable en ce sens qu'elle correspond effectivement aux exemples connus pour les chantiers des pylônes du Nouvel Empire".

L'auteur mentionne également un aspect du chantier de construction - et non des moindres ! -dont la compréhension reste encore en suspens : "On se gardera d'oublier, en outre, que les chambres internes des grandes pyramides étaient parées et couvertes de formidables dalles de granit d'Assouan pesant des dizaines de tonnes. De même, les chambres de décharge, ménagées au-dessus de la salle sépulcrale, nécessitaient des chevrons de pierre dont les "poutres" énormes devaient poser des problèmes ardus à des entrepreneurs privés de machines de levage."

"La perfection que l'on constate, conclut-il au terme de ce court développement qui met en avant plus de questions qu'il ne suggère de solutions, suppose un patient travail collectif, une volonté animée par une foi commune dans le rôle bénéfique ou même salvateur du pharaon dieu.