Le texte qui suit est extrait de son ouvrage La Civilisation de l'Égypte pharaonique, 1965.
photo Marc Chartier |
Cette masse parfaitement équilibrée et harmonieuse a étonné plus tard tous les visiteurs et a induit les imaginations à prendre le large. Hérodote, d'habitude si exact, colporte ici tous les ragots incontrôlés qui lui ont été débités sur l'impiété du roi et la fermeture des temples. Les historiens arabes divaguent à son sujet. Ils ont pourtant été largement surpassés par quelques modernes, qui ont réussi à y lire une anticipation de l'histoire générale ou à y voir un compendium de la science universelle. Ils s'arrêtent malheureusement toujours au moment où les choses deviendraient intéressantes : ils n'ont par exemple jamais réussi à y déchiffrer le futur ou des lois scientifiques qui attendent encore d'être découvertes...
Les dynasties suivantes diminuèrent les dimensions de leurs pyramides et, finalement, les chambres souterraines se complètent et paraissent contenir côte à côte les deux ou trois tombeaux nécessaires aux pharaons Le Moyen Empire reprit la tradition des pyramides. Mais lorsque la XVIIe dynastie thébaine chassa les Hyksos, elle conserva le procédé de ses ancêtres qui creusaient leurs hypogées funéraires dans la falaise occidentale.
Il ne faudrait pourtant pas croire que les pyramides étaient seulement des tombeaux. Elles concentraient autour du roi, outre-tombe, toute l'activité qui avait été celle du pays environnant. Déjà, il ne manque pas de sépultures privées autour des mastabas royaux des premières dynasties. Mais c'est sous Djéser que l'on peut saisir clairement le sens de ces monuments funéraires. Ils sont destinés à servir au ka du roi et de ceux qui l'entourent dans l'éternité. (...)
Les pyramides étaient toujours entourées d'une enceinte contenant en particulier de grandes barques. L'une d'entre elles a été retrouvée intacte au sud de la pyramide de Khéops, mais sans pour cela permettre d'établir plus clairement leur destination. Sur leur face est, à partir de Snéfrou apparemment, on édifia les temples de culte. Peut-être faut-il voir dans ce changement de place une première influence héliopolitaine. Ce temple comprenait essentiellement une fausse porte généralement en granit rose et deux stèles. Il était d'abord simple comme à la pyramide rhomboïdale de Dachour. Mais il se compliqua rapidement. Celui de Khéops comprenait une grande cour rectangulaire bordée par une galerie s'appuyant sur des piliers carrés. À la partie postérieure, on passait dans une chambre transversale qui contenait cinq niches. Un passage permettait d'atteindre l'enceinte de la pyramide à partir de la cour. Une rampe conduisait au temple de la Vallée. Elle était ornée de très fins reliefs dont on a retrouvé quelques fragments.
Le plan du temple de Khéphren est déjà plus compliqué. Un avant-temple se composait, à droite, de quatre chapelles en albâtre qui auraient correspondu aux viscères et seraient liées aux funérailles de Bouto. Deux à gauche auraient été réservées aux deux couronnes et constitueraient un emprunt aux funérailles de Saïs. Par deux grandes salles à piliers on gagnait ensuite la cour bordée par une galerie supportée par des piliers massifs ornés de statues. Venaient ensuite les cinq niches à statues traditionnelles et, dans le fond, un étroit couloir permettait d'accéder à la stèle de granit. Le temple de la Vallée, encore bien conservé, était construit en gros blocs de calcaire local, revêtus de granit. Son entrée en chicane donnait sur une salle en forme de T renversé, soutenue par des piliers carrés, imposante et ornée de grandes statues du roi. Les dalles du sol sont d'albâtre. Ces constructions massives étaient enrobées elles-mêmes dans un énorme cube de blocs calcaires à l'intérieur duquel elles étaient ménagées.
L'architecture s'allège à la Ve dynastie, mais les plans se compliquent davantage, tout en conservant les mêmes éléments fondamentaux. La colonne, parfaitement dégagée et rationnellement employée, est courante. On dirait que les efforts des générations antérieures ont maintenant abouti à donner confiance. On n'a plus besoin de ces masses écrasantes et indestructibles La royauté pharaonique émanée du dieu Rê lui-même paraît immortelle. Il devient possible de libérer l'édifice et de le rapprocher en quelque sorte de ceux des vivants."